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« 24 juin 1943, départ pour l’infanterie (instruction durant deux semaines à Löbau en Saxe puis ensuite à Brody en Galicie). Le 20 avril 1944, départ de Radom (Pologne) par les airs pour aller défendre la Crimée au bord de la catastrophe car elle venait d’être enveloppée par les forces soviétiques déterminées à la conquérir. Aussi notre Kampfmarsch Batalion 336 a-t-il été embarqué dans des avions Ju 52 pour aller prêter main forte aux assiégés. Nous avons survolé les Carpates avant d’atterrir en Hongrie puis de faire escale à Constanza sur la Mer Noire.

Dotés de veste de sauvetage, on nous a ré-embarqués et dirigés en pleine nuit sur Sébastopol. Au moment de notre atterrissage, nous avons subi les tirs de réglage de l’artillerie russe. Sous les feux des projecteurs éclairant magnifiquement les lieux, l’aérodrome a commencé alors à encaisser de plein fouet les salves tirées par les batteries ennemies. Trois de nos avions qui venaient de se poser ont capoté dans les cratères de la piste. Les morts et blessés ont été chargés dans les avions sortis indemnes du canardage et qui sont retournés à Constanza.

Sur le front de Sébastopol, le seul Alsacien de ma compagnie, Joseph Betlauer de Blotzheim, est mort lors d’une manœuvre de décrochage avec l’ennemi : monté sur un canon automoteur à chenilles, il fut atteint d’une balle à la tempe et mourut peu après. Le malheureux avait rejoint Radom la veille de notre départ, car il revenait d’une permission. J’ai pris un éclat de balle explosive dans le poignet gauche, à ce jour il est toujours fiché dedans.

Le 8 mai 1944, pour bloquer l’avance russe, le génie allemand a fait exploser un dépôt de munitions enfoui dans la montagne où des blessés graves avaient été installés dans les grottes faisant office d’hôpital de campagne. Tout a sauté en même temps, obscurcissant le ciel pendant des heures : une véritable Apocalypse.

L’offensive russe du lendemain s’est faite avec des moyens énormes d’artillerie, laquelle a bombardé nuit et jour les troupes allemandes en retraite qui cherchaient leur salut sur les côtes. Massés sur une étroite bande large d’environ cinquante mètres le long de la falaise, bloqués au bord de la Mer Noire et sans espoir d’être transférés par bateau vers les rives roumaines vu la maîtrise affirmée du ciel par les yak russes, 30 000 Allemands se sont rendus le 12 mai à 6 h 30 du matin. C’était la fin de la guerre en Crimée, mais pour nous, la suite allait être pire.

Dix minutes après l’arrêt des hostilités, je n’avais plus de bottes, elles me furent enlevées par des femmes russes. Seuls me restaient une chemise et le pantalon de camouflage. Pieds nus, j’ai marché jusqu’à Simféropol.

Notre colonne captive a traversé les zones de combat jonchées de débris de toutes sortes. Les sentinelles russes se relayaient tous les cinq kilomètres et de ce fait, elles nous faisaient marcher deux fois plus vite. Privés de boisson et de nourriture, ceux qui étaient exténués étaient abattus en fin de colonne. A un moment donné, nous suivîmes un cours d’eau mais nos gardes ne tolérèrent aucun arrêt pour qu’on aille s’y abreuver.

Les Russes qui venaient de piller un Sperrlager (dépôt) de la Kriegsmarine rempli de victuailles de toutes sortes (beurre danois, chocolat belge, conserves françaises, du type asperges Marie Thuard !) étaient ivres et surexcités.

Sur ces folles entrefaites, une motte de beurre trônant au-dessus des objets pillés bascula d’un camion qui venait de nous dépasser. Les prisonniers comme un essaim d’abeilles se jetèrent sur cette manne, si alléchante bien que tombée dans la poussière. Les gardes frappèrent la meute affamée à coups de crosse pour la disperser. Les coups reçus étaient plus supportables que l’ardente soif qui vous asséchait. Avec les semelles provenant des bottillons américains que portaient les soldats russes et qu’ils jetaient de temps en temps en raison de leur usure, je me suis fabriqué des chaussures au moyen de lambeaux de tissus entrelacés et de lanières de cuir trouvées dans les zones de combat. Avec mes fameux escarpins, je restai ainsi chaussé jusqu’en octobre 1944.

J’ai connu les camps de Simféropol, de Judy, de Stalino et de Tambow.

A Stalino, j’ai travaillé pendant deux mois dans les mines à ciel ouvert, encadré par des femmes russes.

Le fond du puits avait été inondé par les Allemands lors de leur retraite. Les wagonnets remplis de charbon étaient remontés à la surface au moyen d’un tourniquet actionné par des prisonniers.

Les chevaux, en principe, plus enclins à ces travaux de halage avaient disparu de la circulation. Devant en effet faire face à une grave pénurie de viande et assurer un tant soit peu une subsistance carnée aux populations civiles, les autorités soviétiques avaient tué les quadrupèdes comme animaux de boucherie. C’était nous qui étions maintenant devenus les mulets de service !

Lors du transport de Stalino à Tambow, les gardiens nous laissèrent pratiquement sans eau ni nourriture.

Les captifs qui détenaient encore un semblant de couteau essayèrent de recueillir quelques rares grains d’orge coincés dans les interstices des planches du wagon-à-bestiaux, cette céréale provenant sans doute d’un précédent transport. Lors du trajet, un Luxembourgeois, du nom de Feller, est mort ; il est resté dans le wagon jusqu’à la gare de Rada où il a été déchargé. Son compatriote Feuerstein est également décédé à Tambow.

A Tambow, un camarade d’Epfig, père de trois enfants, tomba dans un puits en s’ouvrant le crâne : laissé sans soins, il décéda. Combien de prisonniers atteints de dysenterie et qui se vidaient de leur sang ai-je vu mourir aux latrines ? D’autres, avançant en chancelant, tombaient en cours de route terrassés par un arrêt cardiaque.

Moi-même, confiné au lazaret, j’ai pensé y mourir ; ma mâchoire inférieure perdait ses dents et le scorbut accentua le déchaussement des autres sur le maxillaire supérieur.

Pendant le passage à la sauna, les plus forts volaient les chaussures des plus faibles. Les corvées de bois avec des marches de 30 km, le ventre vide par – 30°C étaient interminables.

Un jeune prisonnier, natif de Saint-Louis, atteint de dysenterie, s’abattit sur le bat-flanc d’où il tomba sur le sol ; en rendant son dernier soupir, il appela encore sa mère. Des commandos spéciaux étaient désignés pour assurer le transport des cadavres stockés dans la morgue n° 22 et pour les véhiculer hors du camp, après avoir procédé à leur chargement sur des traîneaux. Ils percevaient une soupe supplémentaire pour cette macabre besogne.

Faut-il rappeler que les morts portaient sur l’intérieur de la cuisse une marque au crayon d’encre, l’annotation précisait le jour de leur décès. Requiem à tous ces inconnus. Les soldats russes analphabètes marquaient d’un trait de crayon chaque rangée de 10 prisonniers. Raz, zwa, tri, ils comptaient et recomptaient. Ah, ces interminables prowerka tous les matins ! J’ai travaillé au camp militaire situé à côté du camp de Tambow. Les lignes aériennes électriques réalisées à partir de fils de fer dénudés avaient été installées par des captifs roumains qui ne maîtrisaient pas leur sujet sur les dangers de l’électrocution ; j’avais des connaissances d’électricien ce qui m’a sauvé la vie. Ces lignes servaient à relier les haut-parleurs répandus dans certains baraquements, elles provenaient d’un poste central qui diffusait les dernières nouvelles de l’avance soviétique, notamment celle de la grande offensive de juin-juillet 1944.

J’ai connu à Tambow le chef des Français, F. ainsi que Wo., Sta., Ste.. Un chef de police lorrain, une ordure de rouquin dont je ne me rappelle plus le nom, s’occupait de la sauna avec un autre petit chef (qui, après son retour de captivité travaillait aux tramways de Mulhouse comme chef d’équipe). Je n’ai pas subi de sévices de leur part. A Tambow, on ne décédait pas d’actes de cruauté mais de dommages collatéraux, telles les conditions sanitaires inexistantes et la malnutrition auxquelles l’individu ne pouvait opposer qu’une résistance limite à ses propres facultés physique et morale. En cas de maladie, la mort était certaine. La corvée de glace au printemps 1945 a mené plus d’un à la morgue. Les Russes arrivaient à soigner la gale contractée par 80 % d’internes et à la guérir avec une pommade jaunâtre qui faisait merveille. La vermine, l’absence de moyens sanitaires et le manque de nourriture et d’eau accentuaient le malheur. Dans les autres camps, nous avions des poux ; curieusement à Tambow ce sont les puces qui prédominaient. Dans la baraque n° 41, le logis des spécialistes-artisans, ce sont les rats, grands comme des petits lapins, qui leur empoisonnaient l’existence. Les bestioles venaient ronger le pain de ceux qui étaient à l’article de la mort, ces derniers, souvent, ne demandaient plus qu’à fumer une bouffée de mahorka, narcotique céleste pour oublier leurs souffrances d’ici-bas.

 

La corvée de pluches : dans l’humidité et dans la semi-obscurité, il fallait peler des pommes de terre gelées et violacées, le ventre vide avec, en guise de prime de rendement, une demi louche de soupe supplémentaire de choux à condition qu’il en restait. Je suis rentré en août 1945. »

Lazarus Marcel, né en 1925


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