« Le 16 janvier 1943, j’ai atterri dans un régiment d’infanterie stationné à Nikolsburg en Tchécoslovaquie. Blessé en Italie par des éclats de mortier dans la cuisse droite, j’ai été envoyé en Hongrie le 24 décembre 1944, à Estergon où j’ai tout de suite eu un sérieux accident de moto (avec commotion cérébrale et fracture du crâne). Nous n’étions plus que des éclopés à peine rétablis et des permissionnaires qu’on ramassait un peu partout et qu’on embrigadait dans l’armée de la dernière chance, la Schoerner Armee.

Capturés le 8 mai 1945 dans la région de Brünn (Brno), nous nous sommes rendus sans combat.

Les internements successifs m’ont conduit à Brno, à Ploesti (Roumanie), à Sverdlovsk, à Asbest, à Odessa et à Marmaros-Sighet.


Sur le trajet Ploesti-Sverdlovsk, nous avons été répartis à 100 prisonniers (Allemands, Autrichiens, Hongrois et des gars d’autres nationalités) par wagon durant 15 jours sans pouvoir sortir. En arrivant, il fallut encore marcher une bonne dizaine de kilomètres pour arriver dans un camp situé en pleine forêt. Les camarades qui n’en pouvaient plus étaient poussés manu militari à coups de crosse.

J’ai participé à la construction d’une voie de chemin de fer dans la taïga à Sverdlovsk.

Le 24 décembre 1945, nous avons été transférés de Sverdlovsk à Asbest par –40°C. Mis dans une pièce sans feu, sans lumière, avec un manteau pour deux hommes, j’ai fait la connaissance de deux anciens de Stalingrad qui m’ont raconté leur calvaire. Je ne pourrai jamais oublier le Noël 1945 ; tous les prisonniers pleuraient en pensant à leur famille. Travaillant dans une mine d’amiante à ciel ouvert à Asbest, j’ai souffert de troubles de la vue à cause d’un manque de vitamines (diagnostic d’un médecin). Le grand froid, certains jours, frisait les –40°C, ce qui nous permettait de rester un tant soit peu au chaud, sinon nous étions obligés d’aller travailler même avec des –20 à –25 °C. Par une nuit très claire, nous avons creusé une fosse commune pour enterrer quatre camarades. Dans cette neige couleur suaire, la lune éclairait la fosse noire et dans le trou, le pâle quatuor figé à jamais matérialisait cette triste et sinistre mise au tombeau !

Le fait d’être sans nouvelles et de ne pas pouvoir en donner aux siens, c’était ça la solitude qui vous minait intérieurement. De plus, je n’ai rencontré les Alsaciens que sur le chemin du rapatriement.

J’ai été libéré le 6 juillet 1946

 

Sur le chemin du retour, j’ai fait la connaissance d’un jeune Colmarien, Lemoine J.F. Vu son jeune âge, il ne m’a plus quitté. Mais le jour du départ du camp d’Odessa, il a été retiré du nombre des partants parce que les Russes avaient constaté qu’il était tatoué. Il faisait partie de la fameuse classe 1925 qui avait été engagée d’office dans la Hitlerjugend Division en Normandie. Et dans les bocages, il s’était volontairement fait une blessure sans que les gradés pussent en deviner une automutilation ; soigné, il avait été fait prisonnier dans un lazaret de Prague. Le malheureux ne revint dans ses foyers qu’en octobre 1946. »

Moser Jean, né en 1921


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