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« 29 octobre 1943, j’ai été enrôlé dans un régiment d’infanterie cantonné en Pologne, avant d’arriver en mai 1944 en Galicie. Alors que mon seul camarade alsacien était tué à mes côtés, j’ai pris des éclats d’obus à la face. J’ai connu ensuite une retraite générale qui dura deux mois, à travers la Galicie et les Carpates, avec tous les incidents guerriers et les harcèlements journaliers que cela comportait.

Je fus capturé le 25 septembre 1944 en Prusse-Orientale. Je n’aime pas en parler.

Un prisonnier, tel que nous l’avons été chacun, n’était pas considéré. A noter que tout homme peut tomber bien bas quand il a faim ; pire est son attitude quand il a soif ! Les longues nuits de l’hiver 1944-45, sans lumière, sans feu, sans activité (à part la chasse aux puces et aux cafards) et l’éternel tiraillement de l’estomac nous laissèrent dans l’indifférence et l’apathie les plus totales. Dans notre état, nous étions sans réaction.

Je pense que si à Tambow, les prisonniers avaient bien reçu la ration prescrite, beaucoup des nôtres auraient eu la chance de revenir au pays. Malheureusement, il fallait bien nourrir la bande des chefs, bien nombreux et qui étaient aux commandes. Il est à signaler que le manque de médicaments faisait également grand défaut. Ayant vécu un séjour au lazaret, entre la vie et la mort, je peux dire que le gobelet de tisane était toujours rempli de punaises et de cafards, sans parler des rats effrontés circulant entre les travées.

Autre question : pourquoi dans les tourbières, n’avions-nous pratiquement pas eu de malades et de pertes, malgré le dur travail ? Parce que dans nos soupes, il y avait quelque chose de plus consistant dedans, pas comme à Tambow. Ici, il n’y avait pas de bandits à nourrir ! Pendant nos sorties au chantier, deux fois par jour, nous mangions des crudités, orties et autres plantes. Nous avions de l’activité, certes un peu de trop, mais nous n’avions pas le temps de rêver et de ruminer sur notre triste sort. Le soir, bien fatigués, on dormait bien.

 

Le 20 octobre 1945,  je suis revenu avec seulement le poids de mes os. »

Oberlé René, né en 1925


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