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« Dantzig : départ le 4 avril 1944 dans les Panzerjäger. Arrivée en septembre 1944 en Estonie-Lettonie.

Derniers combats en Lituanie. J’ai été blessé deux fois (bras gauche et cuisse droite) et chaque fois la mort faisait des ravages autour de moi. J’avais été repéré comme Alsacien-Lorrain et à ce titre j’avais droit à toutes sortes de faveurs. A de multiples occasions, des camarades de mon groupe trouvèrent la mort en effectuant certaines missions dangereuses qui m’étaient principalement destinées et auxquelles j’ai été forcé de participer, mais la Mort n’a pas voulu de moi.

Capturés le 8 mai 1945, nous nous sommes fait dépouiller de nos affaires personnelles. Une fois, lors d’une longue marche pour rejoindre un camp, deux soldats russes ont volé deux montres à des prisonniers. Un officier qui venait de les surprendre les a emmenés dans la forêt proche. On a entendu deux coups de feu. Ont-ils été exécutés ou était-ce un simulacre ? on ne l’a pas su. Ayant reçu un très mauvais ravitaillement en Courlande en raison de notre encerclement, nous sommes arrivés en captivité déjà bien affaiblis par les privations. Après trois mois de détention à Stalingrad, les décès ont rapidement grimpé. Le rythme s’est  encore accéléré par la suite. La dysenterie et l’épuisement (sans compter le manque absolu de soins et le sentiment de ne plus jamais pouvoir revenir chez soi) frappaient tout le monde. L’appel du matin suivi du travail de la journée ouvrait droit à l’eau chaude comme nourriture ; le soir, un nouvel appel de plusieurs heures s’ensuivait quelquefois. Ces dures conditions avaient raison des plus forts ; beaucoup mouraient dans des conditions abominables. Il nous fallait reconstruire les ruines de la ville héroïque, symbole de la résurrection militaire soviétique. Nous étions tous complètement épuisés par le manque de nourriture et le travail. Un exemple : à une période, je suis tombé pratiquement dans le coma et cela pendant trois jours. Mais n’ayant pas de fièvre, j’ai dû aller à mon lieu de travail comme d’habitude. Les camarades me portaient à l’aller comme au retour. Pendant l’appel, j’étais couché par terre. Si je suis sorti de mon genre de léthargie, c’est grâce aux soins de mes collègues de misère.

En captivité, j’ai pu voir le fond de la déchéance humaine : sortie matinale des morts hors des baraques, punitions infligées à ceux qui avaient volé un petit bout de pain. Dans le train qui nous a rapatriés (retour le 16 novembre 1945), plusieurs centaines de prisonniers sont morts en cours de route et ont été enterrés le long des voies ferrées. »

Rappold Lucien, né en 1925


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