« Tout ce que virent nos vainqueurs nous fut enlevé : boussole, lampe et canif de poche, montre, stylo à plume, étui de cigarette, briquet à essence. Il était dix heures et demie. Nous devions courir main dans la main. Dans le village situé en contrebas, les moteurs des T34 piaffaient d’impatience, leurs membres des équipages jubilaient et hurlaient à tout rompre en nous voyant arriver de loin. Lorsque l’un de nos gardes fit son rapport, l’autre resta à nos côtés. Dans une petite maison, des officiers juifs qui parlaient couramment l’allemand nous saluèrent  «d’un bonjour, camarades ! » Nous leur rendîmes le salut. Ils nous demandèrent si nous sortions de l’école, mon camarade était à peine plus âgé que moi. Ils nous interrogèrent sur l’endroit où nous avions combattu car nos vêtements bien sales les intriguaient. En effet, nous nous étions enlisés dans un marécage et voulions encore emprunter un ponton de bois pour chercher à nous esquiver vers l’arrière lorsque nous fûmes arrêtés.

Il y avait une foule de soldats. Après notre audition, nous nous assîmes un bon bout de temps sur un banc. Les tankistes vinrent nous observer. Quand ils sortirent de leur musette gros tabac et bout de papier journal pour les rouler et battre le silex contre leur poignard afin d’allumer leurs cigarettes, ce fut pour nous un étrange spectacle. Lorsqu’ils nous proposèrent leur marchandise, nous sortîmes de notre gibecière les centaines d’étuis d’allumettes dont nous disposions en pagaille car ils provenaient de notre dotation mensuelle de la cantine.

Après le craquement magique du bâtonnet soufré sur le frottoir les soldats nous regardèrent avec des yeux ébahis et se dirent entre eux : voilà donc les fameuses allumettes Barbarossa ! Tous deux, nous leur avons alors distribué les paquets d’allumettes. Ils nous tapèrent sur l’épaule pour nous remercier de notre geste de bon camarade. Après avoir pris congé de leurs officiers, les gars nous dirent qu’il nous fallait reconstruire tous les dommages de guerre avant de pouvoir rentrer.

Après avoir dû signer son ordre de mission, l’un des fantassins nous convoya chez le commandant du bataillon. On nous ligota les mains dans le dos. Pendant que nous courions à travers les bourgades cuites par la fournaise estivale et la fumée, des adultes et des enfants nous fouettèrent à coups de verges et nous balancèrent des pierres. Les renforts motorisés nous montrèrent férocement le poing. Devant nous, des civils réquisitionnés poussaient des tonneaux sur la route. Malgré notre course, nous ne pûmes atteindre l’emplacement du bataillon.

Nous fûmes casés pour la nuit dans une cave qui baignait dans une eau très froide. Nous prîmes place sur les marches supérieures de l’abri insalubre.

Vers midi, à notre arrivée au P.C., la sentinelle fit valider son billet auprès du chef de bataillon. Chacun de nous se présenta devant le major qui nous salua. Il congédia le garde qui repartit dans son unité.

En ce 21 juillet 1944, nous nous retrouvâmes avec trois autres prisonniers happés voilà peu par des avant-gardes russes. Filant vers le camp de rassemblement d’une capacité de 400 prisonniers, notre gardien nous avait permis en cours de route d’emporter de la nourriture (pain, fromage, beurre, confiture gâtés par la cuisson du soleil) qui gisait en vrac à côté d’un dépôt de vivres pillé. Les captifs présents nous quémandèrent des restes de victuailles que nous partageâmes avec eux. Le lendemain, après avoir constaté que tout ici était à la portion congrue, nous mîmes un bémol à notre générosité. De nouveaux captifs arrivaient chaque jour au camp….. »

Roman Stöcklein, prisonnier allemand.(kriegsgefangenen/deutsch/memoir/Russland.html)

 

 


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