« J’ai effectué la durée de la guerre 1939-40 dans l’armée de l’Air française (mitrailleur breveté à Cazaux).

Le 3 octobre 1943, la feuille de route m’avisait que j’allais devoir servir dans l’armée de l’Air allemande.

De Poznan, nous partîmes à Blois (8 à 10 jours) pour prêter serment. Moi qui avais servi fidèlement ma Patrie, l’honneur me demandait de réagir. 

Contacté à Blois par un officier de l’Armée Secrète qui m’a donné l’ordre de faire mon devoir de soldat français, je devins au sein de la propre armée allemande un opposant de l’ombre, solitaire, pour aider le maquis. Au cours de mes différentes interventions, il y eut des victimes militaires et civiles. Mes cauchemars tournent toujours autour de mon remords d’avoir aidé à détruire des vies innocentes, non pas le regret des faits, c’était mon devoir de patriote ! mais le remords de ma conscience face au sacrifice des vies perdues inutilement.


Mars 1944, service dans la région de Borissov infestée de partisans. Quatre semaines après avoir fait la connaissance d’un compatriote, ce dernier est mort dans un combat contre les partisans.

En mai, après l’élimination par la bande rebelle d’un poste de garde de la Luftwaffe, les S.S. ont détruit en représailles un village aux environs de Borissov. La compagnie de garde de la Luftwaffe eut pour mission la protection de ce cauchemar. Un ordre strict stipulait qu’il ne fallait pas se retourner, malgré cela j’ai vu !

En août, lors du bombardement de la gare de Francfort, j’ai essayé de libérer des prisonnières françaises encagées dans un wagon. J’ai fait sauter le cadenas, ouvert la porte puis je me suis mis à l’abri. Une bombe tomba à cet instant sur le wagon et le pulvérisa. Il y avait des restes humains déchiquetés partout. Tableau insoutenable ! Des Françaises tuées par les Alliés, peut-être par un parent pilote ?

Je retournai au front. Muté dans les grenadiers de chars en septembre 1944, j’ai connu, à la mi-janvier 1945, une bataille titanesque censée reprendre une partie du front aux Russes.

Dans la nuit du 30 au 31 janvier 1945, sous un tir groupé d’artillerie concentré sur une ruine, l’explosion d’un obus éclatant devant moi me souleva de terre. Ma tête me sembla comme arrachée, puis ce fut le trou noir jusqu’au 15 ou 16 mars 1945. L’amnésie totale ! L’instant avant cette explosion tonitruante, il m’avait semblé que c’était la fin du monde, cela a duré 5 ou 6 minutes (secondes ? Ndr), je ne sais, mais pour moi cela tient de miracle que j’en ai réchappé. Après soins, j’ai été renvoyé au front sans convalescence.

Le 23 mars 1945, j’ai été fait prisonnier en Lettonie après m’être échappé des lignes allemandes.

Pendant le transport en train de Riga à Tambow, un compagnon atteint d’une maladie soi-disant contagieuse fut enfourné vivant dans un four ! L’appel du matin, lorsque les morts de la nuit étaient emmenés, la visite de la baraque n° 22 (morgue) pour y reconnaître éventuellement une connaissance ou un ami, la peur du retour de mon amnésie ponctuée par des maux de tête, des sifflements d’oreilles et de la perte de mémoire, la faim, l’éternelle faim.

J’ai travaillé dans un garage à Tambow-ville.

Après le retour, j’ai vu le médecin militaire à Metz à cause de mes maux de tête. « Cela vous passera avec le temps » : diagnostiqua-t-il doctement bien que j’aie continué à vivre jusqu’à maintenant avec des céphalées continues.

 

Mon père a été dénoncé début 1942 comme déserteur de l’armée allemande en 1918 ! La Gestapo qui m’a contacté me précisait que mon père, plus de 20 ans après les faits ! pouvait encore passer en conseil de guerre et être fusillé ! J’ai donc accepté de travailler au NSKK (Association para-nazie des camionneurs) pour le libérer de ce chantage. Cet incident, ce travail forcé dans cette instance m’ont procuré nombre de tracas administratifs après guerre, surtout pour établir ma reconnaissance d’incorporé de force. Mon grand-père était resté en France en 1871 et s’était engagé pour 15 ans dans les chasseurs d’Afrique. Tout cela explique ma misanthropie qu’aucun psychanalyste ne peut guérir. »

Weil Marcel, né en 1920


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