Warning: "continue" targeting switch is equivalent to "break". Did you mean to use "continue 2"? in /var/www/vhosts/malgre-nous.net/httpdocs/templates/templatemalgre_nous/functions.php on line 197
Wilmouth Marcel †, né le 2 juin 1914 
 
Après avoir reçu pour la seconde fois mon ordre d’incorporation pour partir dans la Wehrmacht, je décidai de me soustraire au port de l’uniforme allemand en cherchant à fuir vers l’Intérieur. Je n’avais plus d’autre échappatoire, étant donné que j’avais déjà bénéficié d’un premier sursis. La présence de mes quatre frères dans la Wehrmacht m’avait permis dans un premier temps d’éviter l’enrôlement. Un cinquième devait partir en même temps que moi. Je me sentais lié au serment du drapeau français, d’autant plus que j’avais été sérieusement blessé comme artilleur du côté de Zuydcote par des bombardiers allemands le 28 mai 1940. Ma fierté était piquée au vif : ayant pris des éclats dans la main et le haut de la cuisse, je n’allais tout de même pas tendre la joue gauche et tomber dans les bras teutons ! 
 
C’est ainsi que prétextant un voyage en train chez des cousines établies à Sarrebourg, je filai ensuite à Joeuf. Un passeur italien nommé Visontin me fit passer la ligne de démarcation par monts et vaux, à travers le dédale des hauts-fourneaux et des voies ferrées du Pays Haut. Je pris le train à Homécourt pour Nancy où une vague parenté m’hébergea. Je trouvai du travail dans un dépôt de meubles. Pas pour bien longtemps puisque je fus arrêté sur dénonciation par la Gestapo. 
J’atterris à la prison Charles III, dans un cachot humide, ne sachant pas trop ce qui allait advenir de moi. Sans avoir comparu devant la justice, je fus transféré ensuite à Woippy, dans un campement de baraques. Le logis s’y annonçait tout aussi sordide que le milieu carcéral que je venais de quitter. Les repas restaient légers ; par contre les exercices physiques infligés aux plus maladroits ou aux retardataires étaient du genre qu’on n’oublie pas. Sans crier gare, après la Noël 1943, je partis dans la Raspelhus, la prison de Strasbourg que je quittai dès le lendemain via la gare de Schirmeck pour le camp du Struthof (cf. récit de Burtin Marcel). 
 
Vous situer 50 ans après l’emplacement précis de mon hébergement ne m’est guère possible : cela devait être l’une des premières baraques près de l’entrée. Je me retrouvai en pays de connaissance. Muller Marcel, qui deviendra après guerre Maire de Morsbach, m’apporta le costume rayé tandis que Conrad Louis me gratifia 
d’une rondelle de saucisse en signe de bienvenue. Le Stubälteste me fit faire et refaire le lit jusqu’à la perfection avec force menaces, puis m’édicta ce qui était autorisé et interdit. Nous dormions à l’étage sur des matelas à copeaux, d’un modèle rugueux, du genre de ceux qui contentent les fakirs masochistes. Quatre jours après, un convoi m’emmena à Flossenburg*. Une paillasse rembourrée de sciure (dure comme l’écorce) accueillit ma peine durant deux jours avant que j’atterrisse à Johangeorgenstadt dans un kommando de travail. Je débarquai comme ouvrier dans une ancienne fabrique de mobilier de bureau reconvertie en hangar aéronautique. Ce n’était plus de matière grise qu’avait besoin le Reich ! Finies les bibliothèques ! En avant les ailes des avions Messerschmitt ! Ma journée s’égrenait ainsi : 12 heures de travail de soudure, 12 heures de répit dont il fallait défalquer les appels, le repas, la toilette.
 
Aucune minute de repos n’était gaspillée ; on sautait dans le plumard pour récupérer de la fatigue. Mon travail consistait à souder des longerons sur des tôles incurvées. D’autres ouvriers s’occupaient, soit de l’ossature en bois, soit du martelage des tôles devant s’adapter sur les châssis en bois. Les braseurs sur duralumin avaient droit à du lait, sans doute pour annihiler les émanations toxiques des soudures. Le manger était immuable. Un pain rond coupé en croix pour quatre, de la soupe, parfois un bout de saucisse, nous alimentaient à la spartiate.
 
Les oignons que j’exécrais avant, j’en pleurais d’envie et je les croquais comme des pommes. Les colis de la maison étaient les bienvenus : ma mère m’expédiait du beurre fondu et surtout des haricots que je faisais bouillir lors de mon poste. Walter, restaurateur dans le civil, était le cuistot de service. Les S.S. appréciaient ses plats mitonnés et plus d’une fois cet ami me réquisitionna dans sa cuisine pour l’aider dans ses tâches. La faim, obsédante, était toujours présente. Nous n’avions pas trop à nous plaindre de la hiérarchie. Le chef du Lager était un vieil officier S.S., d’origine autrichienne et humain au sens très large du terme. Il n’a jamais sévi comme une brute. Le Lagerälteste avait calqué sa conduite sur la sienne si bien qu’il n’y eut que deux dérapages.
 
Un Russe qui venait de s’évader de notre camp fut repris. Pour nous enlever l’envie de déserter, les deux compères le pendirent. A la première tentative, la cordelette de chanvre jetée par-dessus la poutre maîtresse du hangar se cassa. La rémission de vie fut de courte durée pour le malheureux. Une corde cette fois le fit gigoter pour de bon devant nos regards horrifiés. Je découvris là-bas un supplice d’un genre nouveau : l’estrapade qui consistait à soulever un corps en le hissant par les mains liées dans le dos. Un bohémien, ayant filouté des patates, en fit les frais. Avec un tubercule coincé dans la bouche, le supplicié fut hissé à la poutre faîtière. Lorsqu’il s’évanouissait, on le relâchait par terre. Dès qu’il reprenait ses esprits, il repassait au châtiment. Me tenant à carreau, je n’ai personnellement jamais trinqué de coups de triques. Je cherchais à passer inaperçu et à me faire oublier. 
 
Les conditions de travail étaient dures. Il fallait encaisser et surmonter l’épreuve. Plus d’un de mes camarades malades, après avoir été transféré au camp principal de Flossenburg y est décédé. Je cite le cas du malheureux Frideritzi, suffoquant et hoquetant sous les quintes de toux et qui n’est plus revenu. Je pense aussi à cette armoire-à -glace qui fondit comme une joue creuse. Il fallait du courage et surtout ne pas épuiser son capital santé. Les cigarettes dont nous héritions de temps en temps, je les échangeais contre de la nourriture salutaire. Comment pouvait-on fumer cet ersatz de tiges et de copeaux ? Seuls les accros de l’herbe à Nicot y trouvaient leur satisfaction. Les jours se suivaient, interminables.
 
Sept jours de travail par semaine, été comme hiver. Il n’y avait aucun loisir pour agrémenter notre existence qui se passait par alternance dans le dortoir installé sous les toits et à l’usine. Le seul dérivatif était l’arrivée appréciée d’un colis ouvert et fouillé en présence des Wächter, les gardiens, qui toléraient l’envoi de victuailles aux Volksdeutsche que nous étions. Février 1945 se terminant, l’encadrement commença à donner des signes d’énervement. Les mines inquiètes de nos gardes laissaient deviner l’arrivée prochaine des Russes. Il fallait songer à plier bagage et à réintégrer le grand camp de base. Plus vite dit que fait ! A force d’hésitations, on nous laissa sur place quelque temps.
 
Des S.S. étaient venus embrigader certains éléments ; je déclinai résolument leur offre, prétextant être soldat français. Nous partîmes peu après sur les routes de la désolation. En train, à pied surtout. Les plus faibles prenaient un Genickschuss, une balle dans la nuque et la charrette conduite à cet effet délivrait ses dépouilles le soir à chaque arrêt dans la fosse commune (Massengrab) d’un village inconnu. Plus d’une fois, nous avons écrasé et foulé les cadavres de la population civile tuée au bord des routes. J’ai vu, sur certains lieux de rassemblement, des prisonniers affamés dévorer le foie des trépassés. De 1 400 détenus au départ, seuls 400 rescapés rallièrent Therensienstadt le 8 mai 1945. Le ciel était gris, un brouillard frais recouvrait la ville conquise par l’armée russe. Le drapeau tchèque y flottait. La Croix-Rouge américaine nous délivra et nous procura du secours alimentaire. Grâce à un cheval récupéré et attelé à une charrette, nous avons pu nous rapprocher quelque peu de la maison avant que les Russes ne nous confisquent cette prise de guerre. Le reste se fit à pied, et en train. Cette aventure m’a marqué, je devrais dire meurtri.
 
Jamais je n’ai pu suivre une émission télé consacrée à ces événements ou regarder des films traitant de la guerre. Je n’ai pas non plus voulu être décoré de la Croix-de-guerre 1939-45 avec étoile d’argent : j’ai appris que j’étais récipiendaire de cette distinction plus de trente ans après les faits, au hasard d’un dossier. Je garde avivée au fond de moi cette blessure du 28 mai 1940 pour laquelle j’avais mis quatre mois à m’en sortir. Une première opération effectuée sous une toile de tente pour extraire l’éclat se solda par un échec. Elle fut suivie d’une seconde pratiquée par un chirurgien belge sur le prisonnier français que j’étais devenu car les Allemands victorieux m’avaient ramené à Bruxelles. Drapé dans ma peau de prisonnier aigri par la défaite, ces coups de bistouri et de mauvais sort ne vous laissent pas insensible et vous charcuteront toujours l’esprit. Citation de la division : « a assuré en toutes circonstances et particulièrement au cours du bombardement aérien du 13 mai 1940 ses fonctions de pointeur avec calme, sang-froid et décision. S’est distingué le 28 mai 1940 à l’occasion d’un bombardement par l’aviation. Une blessure. » 
 
Mes frères : 
 
- Wilmouth Ewald a eu la mâchoire fracassée par des éclats d’obus. Soigné dans un hôpital des pays baltes. 
- Wilmouth Jules : blessé et prisonnier à Tambow. 
- Wilmouth Émile : formation militaire en Autriche. 
- Wilmouth Adolphe : enrôlé de force dans la Kriegsmarine 
- Wilmouth Albert a été blessé à la jambe et soigné à Zamosk en Pologne. Fait prisonnier par les Américains, il fut transféré à Brest. Là, il s’engagea dans l’Armée de l’Air pour la durée de la guerre. 
 
* À partir du printemps 1942, dans le cadre de l’intensification de la production de guerre, le nombre des kommandos se multiplia à l’extérieur du KZ. Ils étaient appelés kommandos extérieurs, camps extérieurs ou camps annexes, mais tous dépendaient administrativement du KZ de Flossenbürg. Le premier fut installé en 
février 1942 à Stulln pour l’exploitation de la fluorine, importante pour l’armement. Puis un immense réseau de kommandos extérieurs se développa. Ils seront 6 en 1942, 17 en 1943, 75 en 1944, 92 en 1945. Leur taille fut très variable, allant de quelques déportés employés dans une boulangerie par exemple à 6 000 détenus. 
Ils s’implantèrent souvent loin de Flossenburg, en Bavière, Saxe, Tchécoslovaquie, Haut-Palatinat, Thuringe. Les SS louaient les déportés aux entreprises. Ils en retiraient des profits considérables : 3,7 millions de Reichsmarks en décembre 1944, plus de 10 millions de Reichsmarks pour toute l’année 1944 (sources firefox). 
Georgenstadt était un commando extérieur du Kz de Flossenburg dans lequel de nombreux détenus moururent. Evacués de ce camp extérieur le 13 avril 1945, les captifs furent envoyés dans une marche de la mort vers Theresienstadt. (sources Wiki) 

Warning: Parameter 2 to modChrome_artblock() expected to be a reference, value given in /var/www/vhosts/malgre-nous.net/httpdocs/templates/templatemalgre_nous/html/modules.php on line 39

Warning: Parameter 3 to modChrome_artblock() expected to be a reference, value given in /var/www/vhosts/malgre-nous.net/httpdocs/templates/templatemalgre_nous/html/modules.php on line 39

© 2015-2024. Tous droits réservés.

Console de débogage Joomla!

Session

Profil d'information

Occupation de la mémoire

Requêtes de base de données