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Wilmes François † qui a connu Lang Marcel, raconte : 
 
« Après mon R.A .D . long de trois mois effectué à Untereisenbach dans l’Eifel, je n’ai bénéficié que de trois jours de permission avant de devoir aller me présenter le 29 avril 1943, un dimanche, à la gare de Saint-Avold, centre de départ. Les jeunes Mosellans y furent triés en plusieurs groupes et j’atterris avec Loth Court, Jean Kieffer (mort sur le front russe) de Bouzonville dans le Grenadier Ersatz Batalion 23 stationné à Rastenburg, non loin de la fameuse Wolfschanze, la Tanière-du-loup où eut lieu le fameux attentat manqué du comte von Stauffenberg contre Hitler le 20 juillet 1944. A mon époque, nous apercevions régulièrement les grosses berlines véhiculant les pontes du régime défiler devant les sentinelles de la S.S. Deutschland qui gardait le camp.
 
Quinze jours plus tard, vers la mi-mai, je partis dans la région de Minsk, avec le Partisaneneinsatz dans la 1.Kp Res.Füsilier Btl 22, surveiller le chemin de fer stratégique reliant l’Allemagne au Mittelabschnitt, où oeuvrait le groupe des armées Centre. Près de Gorodišče, où se situe actuellement une centrale nucléaire, nous devions garder la voie ferrée dans le fameux virage de la mort (Todeskurve) long de 6 kilomètres et surplombant un ravin.
 
Les rails, surélevés sur un remblai de sable, traversaient une contrée forestière infestée de francs-tireurs russes. Il ne se passait pas une nuit où un bout de voie ne sautât ou l’un quelconque de nos trains ne culbutât dans le vide. Quatre cents hommes sortaient chaque soir monter la garde et faire les rondes. Chaque hectomètre était gardé ; la forêt avait été ratiboisée de part et d’autre de la voie sur vingt mètres de largeur et dégageait correctement la vue. Malgré cela, d’intrépides partisans se glissaient entre les fougères et venaient discrètement coincer l’explosif entre les traverses. Manœuvrant comme des anguilles, ils se faufilaient à nouveau dans les broussailles, laissant défiler derrière eux la ficelle qui actionnait à distance le détonateur.
 
Ces malins s’arrangeaient pour envoyer en l’air le milieu du convoi, bien que faire sauter la locomotive avait aussi leur préférence. Les Allemands avaient éventé les attentats en plaçant à l’avant du train quatre ou cinq wagons-tampons chargés de sable qui encaissaient la décharge. L’organisation Todt (O.T .) arrivait le lendemain de l’attentat avec son escouade de travailleurs et remettait sur rails le convoi éclaté. De nombreux wagons (transport de troupes, wagons de la Croix-Rouge avec les blessés, munitions, équipements divers) faisaient les frais des opérations nocturnes de nos agressifs fantômes. 
 
Enhardis par leurs succès, ils n’hésitaient pas, grâce à de longs cordons d’allumage placés hors d’atteinte de notre champ de vision, à faire valser de loin nos locomotives, les Zugmaschinen. Pour neutraliser ces bandes rebelles notre commandant multipliait les ratissages dans les forêts. Nous avions même pu localiser leur zone de repli située au milieu d’une grande île perdue dans une contrée marécageuse, impossible d’accès. Notre cantonnement composé de baraques capitonnées de terre comptait environ 450 hommes et formait un solide îlot d’ancrage plus connu sous le nom de Stützpunkt (point d’appui). Les rondes s’effectuaient de 4 heures en 4 heures. On s’arrangeait toujours pour couvrir le trajet aller en deux heures de façon à rencontrer à point nommé l’autre section.
 
Chacune repartait après, pour être deux heures plus tard à son point de départ. Quelques postes avancés de guet (Lauerstellung), judicieusement placés avec des aménagements de mitrailleuses prenaient en enfilade le terrain hostile. Les longues nuits noires étaient propices aux coups-de-main adverses. Nous collions 
constamment l’oreille sur les rails. Dès qu’un tintement ou un cliquetis insolite se laissaient percevoir, nous savions que l’ennemi était là, à l’oeuvre. Nous avons fait quelques prisonniers. Le site était jalonné de wagons éventrés et de carcasses rouillées et ces attaques à répétition avaient le don de faire enrager notre commandant qui multipliait donc pour nous les exercices à renforcer la discipline. En cas d’insuccès dans les recherches, nous devions traverser le plan d’eau, fusil levé au-dessus de nos têtes, au lieu d’enjamber le pont du barrage (qui nous produisait l’électricité) menant à notre caserne. Les tours de gardes pleuvaient, plus longues qu’à l’ordinaire. Le maintien, l’ordre et la propreté (et principalement les soins intensifs apportés à notre armement) nous irritaient, car malgré toute notre bonne volonté de mieux nous impliquer, les pertes s’aggravaient. Un jour, les Russes firent inverser le sens des marches des trains dans la gare d’amont. Les trois sentinelles placées sur la voie normale de montée furent happées par un train qui n’aurait jamais dû y circuler ! (Le jeune H. de St Fontaine fut écrasé ce jour-là).
 
Par la suite, le 31 janvier 1944, je fus muté avec Lang Marcel à la Stamm Kp.Gre. Ers. Btl. 23. Nous partîmes sur la Rollbahn Smolensk-Minsk consolider la route en installant des barrages anti-congères. Période calme malgré un -37°C quotidien. Nous étions bien habillés grâce aux bottes de feutre imperméables au froid (mais non à l’eau) et aux effets vestimentaires envoyés par les parents pour doubler notre parure hivernale. Le secteur était tranquille, les rondes se faisaient sans appréhension. Tous les mois, un colis spécial provenant des Marketenderware et contenant schnaps, lames de rasoir, biscuits nous parvenait. La nourriture qui provenait de la roulante était souvent froide. Nous avions aménagé notre abri en l’enterrant profondément, notre refuge était surmonté de troncs d’arbres et recouvert d’une toiture imperméable avec sa mousse spongieuse calfeutrant les interstices qui absorbait la pluie. Un poêle ingénieux, fabriqué avec les caissons métalliques ayant contenu les énormes douilles de nos gros obus, chauffait l’habitacle. Des lits improvisés faits de rondins de bois couverts de paille accueillaient nos corps lessivés par les virées nocturnes. Les punaises étaient nos ennemies animales. Catalogué dans le groupe sanguin A, je devenais leur proie favorite. 
 
Pour nous en débarrasser, nous avions aménagé un sauna dans un bunker désaffecté. Nous jetions dans un large trou les pierres chauffées à blanc sur lesquelles nous versions l’eau qui se vaporisait en jets mortels pour la vermine. Nous troquions le poisson pêché à la grenade à main dans le Dniepr contre des oeufs et le lard des paysans. Avec Lang Marcel, je repartis en février 1944 à Rastenburg. Les Mosellans furent consignés à la caserne alors que leurs camarades allemands bénéficièrent de congés ! Avait-on peur de nos désertions ? Contre toute attente, j’héritai de dix jours de permission exceptionnelle du 15 mars au 25 mars 1944 : mon père était tombé gravement malade. Lors de mon retour, la Marsch-Kompanie 61/8 était partie vers Memel. Je me retrouvai bientôt muté avec Marcel au 2 Kp. Pion. Bat. 161. Nous étions positionnés à Reval (Tallinn) en Estonie et gardions le terrain abritant les avions Fockewulf. Le secteur apparaissait calme bien qu’au loin la canonnade se signalait. Les relations avec les autochtones étaient tendues. Nous avions appris incidemment qu’il fallait désormais se méfier de gober crûs les oeufs. Des mains malveillantes y avaient faufilé des crins de cheval, dans le but machiavélique de nous perforer insidieusement l’estomac en cas d’ingurgitation précipitée.
 
Des cas signalant des empoisonnements au lait apparurent : je ne sais ce qu’il advint de mes camarades souffrant de ces symptômes et véhiculés vers l’hôpital. Les poules nous reconnaissaient au loin et s’envolaient à tire-d’aile. Elles finissaient embrochées, car notre faim devenait insupportable. Nous continuions parfois encore à échanger nos poissons éventrés contre des produits fermiers malgré les risques encourus (notre sergent fut assassiné lors d’un troc). Nous avions aménagé des casemates et creusé des tranchées dans le secteur de Riga et tous, nous sentions que les vrais combats n’allaient pas tarder à se manifester. Toujours en compagnie de Marcel, je partis avec le Pion. Ers.Btl. 311 défendre le secteur de Dünabourg le 6 juin 1944. Débarquant dans une forêt, nous tombâmes nez-à-nez avec une patrouille russe bien surprise de nous y trouver. Un tireur allemand au geste rapide tua l’un des fantassins juché sur un char russe lequel s’éclipsa rapidement. Nous pouvions observer les préparatifs d’engagement futur de l’ennemi : larges sentiers aménagés dans la forêt, abris solidement constitués, grondement continuel des moteurs. Le schnaps ragaillardissait mes camarades anxieux.
 
Des haut-parleurs distillaient des annonces incitant à la désertion : « La guerre est finie pour vous. Le Russe est clément avec ses prisonniers. Il ne promet le châtiment et la décrépitude qu’aux envahisseurs. Tod und Verderben der deutschen Eindringler. » Notre capitaine qui sentait comme nous l’emprise russe s’accentuer nous mit sur pied de guerre pour tenir tête à l’adversaire. C’est au cours d’une opération menée le 15 juillet 1944 que Lang Marcel et son camarade furent faits prisonniers. Marcel fut ramené dans les positions ennemies alors que son compagnon mourut à son poste. Lors de notre contre-attaque du lendemain, nous fîmes prisonniers quatre soldats russes. L’un qui s’exprimait dans un sabir polono-allemand nous révéla qu’un soldat correspondant au signalement du Mosellan se trouvait entre les mains russes. Je ne pus en apprendre davantage ce jour-là. Je me pose la question : « Qu’aurait-on fait de moi si, étant en première ligne j’avais été fait prisonnier ? » Sans doute aurait-on tiré sur moi, même si j’avais hurlé : « je suis Français, je suis Lorrain ! » Je ne vois pas comment j’aurais pu convaincre mes vainqueurs de m’épargner dans le feu de l’action où tout sentiment humain disparaît ! On peut, hélas, supposer qu’un commissaire politique ou un soviétique irascible l’ait mitraillé sans autre forme de procès.
 
« Tiens, tiens donc, vous êtes Français ? Légionnaire antibolchevique ? Expliquez-nous pourquoi vous combattez sous l’uniforme allemand ? » Marcel, avait-il les arguments pour convaincre ? Le cas était grave, le malheureux, sans recours possible, a-t -il été de ce fait traité de traître à la France et descendu probablement à ce moment-là ? Mais ce ne sont que des suppositions. Peut-être est-il mort sur les routes de l’emprisonnement ? A t-il connu Tambow ? Les troupes russes qui faisaient des prisonniers ne versaient pas dans la commisération. Elles vivaient depuis trois ans au contact des horreurs de la guerre et la philanthropie restait pour elles un mot bien barbare. Moi-même je fus blessé le 17 juillet 1944. Epaulée par trois chars, ma compagnie devait forcer le dispositif russe. Des éclats d’obus me charcutèrent le pied gauche. Arrivé au Truppenverbandplatz, un infirmier cria de me débrouiller seul. Une estafette juchée sur sa moto m’emmena au Kriegsgefechstand (quartier-général) qui fut pulvérisé devant nous par les orgues-de-Staline au moment où nous nous apprêtâmes à y pénétrer. Claudiquant sur l’autostrade, j’eus la chance de tomber sur une Volkswagen qui s’arrêta à ma hauteur ou plutôt qui fut contrainte de stopper à côté de moi. Le conducteur qui véhiculait deux blessés, dont un lieutenant grièvement touché à la tête, s’alarma de l’état comateux du gradé en s’immobilisant de ce fait sur le bas-côté. Je profitai de cette pause fortuite pour partir avec eux. Nous fîmes un long voyage car chaque hôpital de campagne numéroté le long de la Rollbahn affichait complet. Enfin accueilli dans un lazaret, je fus soigné à Dunabourg et grâce à mon signalement de blessé moyen (mittel verletz) je partis de la gare en train sanitaire vers Glockau. Voilà le diagnostic établi lors de mon hospitalisation : éclats d’obus aux gros orteil et 2 ème orteil du pied gauche, perte de la phalangette du 2ème orteil. Ce n’était rien de trop grave apparemment par rapport à d’autres cas. Deux semaines après, me voilà transféré au Reservelazarett de Beuron, près de Ulm, dans un Klosterhof. J’y fus soigné par des moines. Etant catholique, j’assistais à leur messe. Le père abbé me trouvant soucieux s’enquit de mon trouble : « je n’ai plus de nouvelles de mes parents ! » Deux jours après, incroyable surprise ! ma mère était là ! Ces moines vivaient en autarcie complète. Grâce à un subterfuge généreusement avalé par le médecin-chef, pas nazi pour un pfennig, je partis aider une hypothétique tante à déménager ses biens de sa Prusse natale vers Merten. Je bénéficiai pour ce faire de dix jours exceptionnels. Devant être dirigé sur le Pion. Ers. Btl. 311 stationné à Modlin, je n’y mis jamais les pieds car j’avais habilement préparé mon coup. 
 
La permission échue, je me dirigeai au vu et au su de tous, vers le guichet de la gare de Überherrn pour y pointer mon billet de train, mais je m’éclipsai discrètement pour me cacher aussitôt. J’ai été insoumis du 25 septembre au 28 novembre1944 qui est la date de la libération du village de Merten par les Américains. 
 

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