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Michels Rémy †, né le 30.9 .1923 à Nousseviller 
 
« Je ne m’étendrai pas sur le R.A.D. Comme le clairon qui sonne le couvre-feu (Zapfenstreich) au soir d’une journée bien remplie, je mets vite un trait sur cette période banale passée à Metz. Je préfèrerais évoquer au contraire ma vie d’incorporé de force dans l’armée allemande. Au sortir du R.A.D, j’avais repris mon métier de cheminot. Dès août 1942 je fus réquisitionné pour poser une nouvelle voie de chemin de fer entre Béning et Cocheren. Trois convocations pour la Wehrmacht me parvinrent. Je ne répondis à aucune d’elles ; elles finirent d’ailleurs au feu. Le 18 décembre 1942, la Gestapo vint me cueillir à la maison et m’expédia au bataillon 105 de Wittlich. Je refusai d’y signer mon livret militaire (Wehrpass). «Ah ! vous faites les fortes têtes !» J’atterris donc avec des camarades inconnus au mitard. Nous étions répartis individuellement dans des cellules sombres installées au fin fond des caves. La solitude, l’obscurité m’accompagnèrent durant trois semaines. 
 
Je dormais sur un bat-flanc, une espèce de planche dure qui ne prédisposait pas à la rêverie. Les gamelles où surnageaient des feuilles de chou n’étaient pas servies régulièrement. Au bout du compte et dans un tel univers claustral, je signai, de guerre lasse, leur fameux livret. Le 12 mars 1943, je partis dans le Reserve Grenadier Batalion 32 à Lublin en Pologne sans avoir participé à une quelconque formation militaire, puis je me retrouvai bientôt affecté dans la 6ème compagnie du régiment des grenadiers n° 573. 
 
Etablis en première ligne sur le front russe, nous étions cantonnés dans des bunkers solidement étayés comme savent le faire les mineurs lorrains. Les troncs d’arbres prélevés dans des forêts proches nous avaient servi de parois internes contre lesquelles s’entassait une généreuse couche de terre protectrice. Le toit était doublé par des rondins superposés sur lesquels reposaient pierres et terre alternées. Les tranchées en zigzag couraient devant l’habitacle ; des champs de mines et des barbelés rassuraient la troupe. Dans nos cahutes blindées, la vie s’organisait tant bien que mal.
 
Des lumignons et des bougies éclairaient notre vie de reclus forcés. Un adjudant-chef, un sergent et cinq ou six hommes de troupe y séjournaient. Soldat polyvalent, je brillais dans de nombreux registres, non pour participer à la gloire éphémère du Reich mais pour chercher à déguerpir lorsqu’une occasion se présenterait. Sous des dehors intrépides, je faisais partie des patrouilles de reconnaissance, chargées de prospecter le terrain et de ramener des renseignements. Je me distinguai comme Schütze n° 1 sur mitrailleuse. Je tapais souvent dans le mille lorsque je tirais au fusil à grenades. J’étais officiellement estafette auprès de la compagnie. Lors des attaques russes, je donnais un coup de main pour éviter notre anéantissement face aux fanatiques unités d’assaut adverses. Il s’agissait de sauver sa peau et la peur décuplait notre courage. Les vagues arrivaient les unes après les autres. Il fallait les endiguer et les repousser. Combien de malheureux Russes furent ainsi sacrifiés devant nos balles mortelles ? Et moi, je me torturais l’esprit pour pouvoir déserter sans risques. 
 
Pour donner le change, je me battais, surtout pour endormir la méfiance de certains Prussiens exaltés qui m’avaient gentiment promis de me truffer la cervelle de plomb en cas d’évasion ; j’attendais le moment opportun de fuir. J’ai séjourné durant deux semaines dans une tête-de-pont. Nous nous étions retranchés dans des fortins de résistance situés à contre-pente, les sommets étant toujours pris pour cibles. Assez habile, j’ai réussi à mettre quelques coups au but, car j’ai entendu des blessés ennemis hurler « Sanita » lorsque mes grenades anti- personnelles lancées au ras de la haie ou au bord des tranchées investies par l’ennemi avaient atteint leur cible. 
 
Aucun ravitaillement ne nous parvenait plus. Les quetsches et les prunes d’Ukraine nous ont alors servi de plats de résistance, de dessert et de poires pour la soif ! Chacun d’entre nous en a subi les très ennuyeuses diarrhées. Quelques-uns de nos camarades sont morts de la dysenterie. Nous reculions d’un hérisson vers un nouveau système d’appui en profondeur. Des hommes étaient souvent sacrifiés pour contenir la sanguinaire marée ennemie. La région sentait le soufre. Les Russes accentuaient la pression sur notre système de défense. Nous étions dans la tourmente en nous accrochant continuellement à des positions de repli, submergées petit à petit. L’automne nous retrouva bloqués face aux Russes. Leurs stockmines (mines sur bâton) cachées dans les broussailles pulvérisaient souvent l’un des nôtres. Etant l’estafette du capitaine, ce dernier me fit appeler pour acheminer ses consignes. Mais comment m’approcher de lui au milieu des déflagrations alors qu’un ouragan de feu m’entourait ? Je creusai vite un abri dans lequel je me fis tout petit, puis lors d’un bref répit, je fonçai dans sa tranchée. Au même moment, une salve d’artillerie éclata tout près. 
 
J’eus la très forte impression de recevoir une brique lestée à la tête et d’apercevoir, sans pouvoir réagir, mon malheureux capitaine éventré par des éclats. Cela s’est passé le 31 août à Mamulowo. Je suis sorti de mon coma deux semaines après les faits, hospitalisé à Bärenfels. Les renseignements WASt (Wehrmacht Auskunft Stelle) consultés me fournissent d’autres détails inconnus : j’ai été évacué le 31. 9 vers le poste de secours de Tschischtjakowo. Jamais je ne connaîtrai les mains charitables qui me sortirent du pétrin. Je remercie le chirurgien qui m’opéra : il parvint à extraire onze éclats de la tête. Ces éclats provenaient d’un obus de 
Stalinorgel et m’avaient sérieusement défiguré. Ma joue droite cicatrisa vite et l’artère jugulaire retrouva à merveille son rôle de vaisseau sanguin ! Le 19 octobre je sortis du Reservelazarett pour être dirigé vers l’hôpital de Brüx dans le pays des Sudètes. Je partis en convalescence le 5 novembre dans la GenesungsKompanie Btl 234. J’obtins trois semaines de congé. Au retour dans le pays natal, l’envie ne me manquait pas pour filer, mais c’était offrir en pâture ma famille aux représailles allemandes. J’étais l’aîné de six enfants. En me sauvant, j’aurais sacrifié sept personnes. Je ne pouvais l’admettre et je repartis très inquiet au front. L’enfer était quotidien et je ne donnais pas cher de ma peau. Tôt ou tard, pensais-je, je partirais rejoindre l’Eternel. 
 
Le chassé-croisé s’amplifiait : les Russes nous menaient la vie dure. Nous leur rendions la monnaie de la pièce. Je pris part aux combats de la Mer Noire. Nous étions installés dans une position en forme de doigt-de-gant gênant le dispositif russe. Les Roumains, alliés des Allemands, faiblissaient sous l’estocade. Nous venions leur prêter main forte. Quelle hécatombe parmi les nôtres ! Sur 80 gars, 13 dont moi-même en réchappèrent ; les douze autres rescapés étaient des jeunes de 16, 17 ou 18 ans, des sacrifiés en puissance ou allant l’être dans la fleur de l’âge. 
 
La retraite se précipitait. Les sections éparses s’organisaient en patrouilles de reconnaissance pour quitter ces lieux malsains. Je me suis retrouvé, un soir, abandonné par mes compagnons et devant faire, seul, le coup de feu contre des éléments russes avancés. Les troncs encaissaient les balles qui miaulaient autour de moi. Je fis bientôt partie du régiment 575. Un nommé Pflimlin de Schirmeck était dans ma section. Le Vosgien ne parlait pas l’allemand et comprenait si peu les ordres que je devais lui servir d’interprète. Ma présence le rassurait au milieu des aboiements de commandement. Cette atmosphère tyrannique nous prédisposait à déserter d’autant que les Russes nous incitaient gentiment à le faire : « Lorrains, Alsaciens, De Gaulle vous accueille pour combattre le fascisme. Désertez ! Ralliez-vous à lui ! » 
« Rémi, je me taille dès que l’occasion propice se présentera.» Mon regretté ami profita d’une patrouille nocturne pour se fondre dans la nature et rejoindre les voix de la «Sirène» russe si engageante. Hélas ! Je le retrouvai huit jours plus tard, égorgé au bord d’une tranchée ennemie que nous avions prise d’assaut. A partir de cet instant, je ne songeai plus à jouer les transfuges. Quelles étaient leurs forces ? Quand allaient-ils attaquer ? Tout notre bataillon était sur le qui-vive. Nous avions eu l’ordre impérieux d’aller faire des prisonniers pour pouvoir déterminer la valeur de nos protagonistes. Et un soir, entre chien et loup, j’aperçus deux observateurs ennemis bien intrépides ramper vers mon poste. Sur ordre du lieutenant et n’écoutant que mon courage, je fis un large détour pour les surprendre par l’arrière. Je me dirigeai à la boussole. Notre champ de mines dont nous connaissions les lieux de passage avec leurs différents repères apparaissait aux intrépides Russes comme infranchissable. Tandis que le duo se concertait sur la marche à suivre pour essayer de le traverser sans risques, je cherchai intelligemment à le prendre à revers. Mes deux observateurs, postés sans précaution aucune très près de nos lignes, scrutaient nos positions et adressaient par radio leurs renseignements à l’arrière. La nuit s’était installée, je distinguai leur emplacement. J’approchai à pas de loup. Ils me tournaient le dos sans méfiance. Je 
bondis vers eux ; il y eut une courte bagarre où l’un d’eux s’enfuit pendant que je neutralisais l’autre. Je m’emparai de leurs deux mitraillettes à chargeurs ronds du genre boîtes à fromage et je traînai le malheureux prisonnier vers nos lignes. 
 

Je fus décoré le 2 septembre 1944 de la croix de fer 2ème classe pour cet acte qualifié de courageux. Grâce aux secrets divulgués par mon prisonnier d’ailleurs bien traité, la division put bâtir en conséquence une double ligne de défense face à l’attaque imminente. Je n’en retirai aucune gloriole. J’aurais pu faire le vaniteux puisque les patrouilles du régiment chargées de «cueillir» des prisonniers n’y étaient pas parvenues. La retraite s’accélérait et le 11 janvier 1945 je fus à nouveau blessé aux alentours de Cracovie, là où les tanks T.34 cherchaient à investir nos lignes. Avec mes jumelles, je voyais distinctement les monstres d’acier approcher de nos tranchées pour nous submerger. Nous réagîmes mais le Hexenkessel se referma inexorablement sur nous comme une souricière. Profitant d’un providentiel trou de souris, nous sortîmes à 30 gars de la nasse. Mais une balle me perfora au passage l’avant-bras. J’aperçus un Sanka (Sanitäterswagen) et avec ma main valide je m’installai sur le marchepied. Je pus m’extraire du combat et j’atterris un peu plus tard dans un Feldlazarett puis de là, je partis me rétablir une santé à Brüx, (en Tchéquie). 
 
Quelle ne fût ma surprise d’y découvrir mon major ! «Michels, que faites-vous ici ? Je vais tâcher de ne plus vous lâcher !» Le commandant me devait la vie. Je l’avais sauvé d’une mort certaine le jour où il fut grièvement blessé par des éclats d’obus à la hanche et sur le haut de la cuisse. Il perdait son sang en abondance lorsque j’arrivai sur mon side-car. Sous une volée d’obus, je pus le hisser à bord, dans la caisse. Je filai à l’arrière pour le faire hospitaliser. D’habitude, comme coursier, je pilotais une Solomaschine (moto).
 
M’étant trouvé ce jour-là, par le plus hasard, affecté au poste de commandement, je pus, après l’émission d’un appel-radio de détresse le concernant, venir lui porter secours. Malgré sa jambe raidie qui le faisait diablement souffrir, il était heureux de me retrouver. Il était en vie et c’était l’essentiel. Grâce à son influence, le bon samaritain que j’avais été à ses yeux fut soustrait des combats et je terminai la guerre pacifiquement. Je lui dois une fière chandelle. Mon jeune frère Joseph qui était lycéen fut fait prisonnier par les Russes six jours après sa montée au front. Il est mort à Tambow, miné par la dysenterie. 

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