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Les Malgré-Nous dans la Wehrmacht

L’immense majorité des incorporés de force a enfoui au plus profond d’elle-même la cruelle destinée de Malgré- Nous comme pour mieux en cacher la dramatique. Ont-ils d’ailleurs vraiment éprouvé le besoin impérieux de parler de leur sort ou de chercher à convaincre leurs compatriotes, sachant que l’opprobre et le déshonneur dont l’opinion publique les flétrissait en France profonde, auraient de toute façon rejailli en mal sur leur condition de mal-aimés, quoi qu’ils se justifient et disent ? Heureusement, quelques ouvrages biographiques ont abordé le sujet des Malgré-Nous, des essais d’historiens ont cerné leur tragédie. Et pourtant que d’incompréhensions continuent encore de ternir leur réputation ! « Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va » avait écrit Sénèque.

Hélas, les vents ont été contraires à nos provinciaux de l’Est ! car les tempêtes homériques qu’ils ont essuyées sur les terres d’Infortune les ont fourvoyés dans des voies sans issue, sur des chemins piqués de croix de bois. Et sous l’effet dévastateur de leurs bourrasques mortelles, l’ouragan hitlérien et le blizzard soviétique ont balayé des registres d’état-civil des trois départements rapinés, 42 000 vies fauchées en plein vol. Les misérables furent attelés à la charrette nazie, le mors obligé aux dents. Fouettés par un cocher mégalomane, l’attelage leur a imposé le cours monstrueux de la seconde guerre mondiale. Embourbés dans des chemins de traverse difficiles, acculés dans des voies sans retour, bloqués dans des culs-de- sac captifs, combien ont pu s’extirper du bourbier ? Combien acceptent encore de livrer leur épopée ?

En août 1942, après les revers subis ou en passe de l’être sur la transversale Leningrad-Stalingrad, Hitler chercha rapidement à étoffer son armée saignée à blanc. Les acquisitions territoriales, les annexions arbitraires et les alliés de circonstance (Roumains, Finlandais, Hongrois, Italiens, Bulgares, Croates) servirent alors de filons d’où furent extraites les recrues. La France qui s’était automutilée lors de la honteuse abdication imposée à Vichy n’avait plus d’autre alternative que de donner ses enfants de l’Est, ses protestations étant soigneusement escamotées à la commission d’armistice de Wiesbaden. Nos Marie-Louise* furent ainsi incorporées dans une Wehrmacht qui allait avoir progressivement tout contre elle : vivres rares, munitions au compte-gouttes, équipements usés par l’immensité russe, Résistances.

Il fallait marcher dans un uniforme, un habit dont la définition parlait d’elle-même : mouler dans un cocon identique des éléments à brasser pour en faire un troupeau discipliné capable des plus hauts-faits d’armes. Même dans la débâcle, au plus profond de cette boue que Napoléon définissait comme un sixième élément indomptable, les Alsaciens-Mosellans se surpassèrent malgré eux pour échapper au rouleau fatidique. Bloqués du mauvais côté de la barrière, récupérés pour grossir la deutsche Armee, pseudo-germains et vrais-faux franzouski, ils durent vivre entre le marteau et la faucille et surmonter les tempêtes dans la tourmente psychique de leur être disséqué par le scalpel idéologique nazi.

 Enchaînés à la roue de l’Histoire, des milliers succombèrent à travers le sacrifice de leur vie aux intérêts despotiques du III ème Reich. Le service du travail obligatoire au Reich, le Reichsarbeitsdienst, et l’incorporation racontée par quelques-uns donnent une haute idée de l’idéologie nazie dans sa soif de conquêtes et dans la lutte à mort des peuples. La discipline dans le R.A.D . était franchement militaire alors que le travail restait plutôt axé sur des opérations civiles (curage de fossés, creusement de tranchées, adduction d’eau potable, travaux agricoles...) . Néanmoins, certains jeunes partirent étoffer des services civils axés sur l’effort de guerre.

Le R.A .D . qui préfigurait l’incorporation dans la Wehrmacht les initiait tous à l’esprit prussien, au sens du commandement, au salut à rallonges. Les marches, les exercices physiques allaient tailler un bel habit d’athlète au futur fantassin des steppes. Les recrues d’Alsace et de Moselle furent ventilées aux quatre coins de la Grande Allemagne. L’esprit partisan devait disparaître et faire place à la cohésion raciale. Le Parti Nazi qui adorait le clinquant affubla les recrues d’un uniforme kaki rehaussé d’un brassard rouge avec cocarde blanche ajourée d’un svastika noir. Les bottes lustrées de noir, le ceinturon martial et l’insigne (2 épis entrecroisés d’une bêche) parfaisaient le type nouveau. Etant donné qu’à chaque fin de cycle (que ce soit la Wehrertüchtigung = préparation militaire, le R.A.D . ou la première permission obtenue sous les drapeaux) de jeunes appelés prenaient la poudre d’escampette de plus en plus nombreux, aussi les Gauleiters firent-ils appliquer aux familles de ces poltrons fugueurs et aux autres individus médiocres toutes les rigueurs de la loi. Des perquisitions domiciliaires, des battues eurent lieu, ponctuées de nombreux fusillés (à Longeville-lès-Saint-Avold, à Farébersviller, à Ballersdorf, etc...) . Les superpréfets firent également déporter les familles des récalcitrants et confisquer leurs biens.

Devant la menace de représailles à l’encontre des familles tenues solidairement responsables (Sippenhaft), le flot de nombreux conscrits contraints et forcés irrigua les casernes du Reich. Les jeunes appelés rendus dociles partaient dans la Wehrmacht après le Stellungsbefehl, la convocation sous les drapeaux. Venait le moment solennel où il fallait prêter serment. On le marmonnait à contrecoeur ; des centaines de recrues passèrent quelques heures en prison ; d’autres furent condamnés à 10-15 ans d’emprisonnement, certains affectés dans des Strafregimente (régiments disciplinaires) pour refus manifeste d’allégeance aux bannières nazies. Beaucoup, par patriotisme, refusèrent de prêter serment au drapeau, étant donné qu’ils étaient toujours Français, la Moselle et l’Alsace n’étant pas reconnues juridiquement par un traité de paix comme un territoire du Reich. Ces insoumis* furent embastillés, soumis à la douche écossaise du style : sévices, manque de nourriture, représailles, emprisonnement, condamnations à mort, tels le poteau d’exécution ou la hache du bourreau pour l’exemple.

De nombreux permissionnaires profitaient, lorsqu’une occasion propice se présentait, pour s’enfuir en France ou se cacher dans d’habiles trous de souris, on les appela par dérision des Haustocksoldaten, les soldats du grenier. Des milliers forcèrent le destin sur le front russe en désertant. Des 30 000 Mosellans, 8 000 ne revinrent jamais, morts aux yeux du Gauleiter pour protéger la patrie allemande du bolchevisme. In stolzer Trauer, en un pathétique deuil les parents inconsolables portaient leur immense peine. Dans les propos des rescapés, des mots forts reviennent constamment : Bunker, Rollbahn (route), Morast (gadoue), Nordwind, Flohbisse (morsures de puces), Wolfshunger (faim de loup), Heimatschuss (blessure par balle provoquant le retour au pays natal), Schneefall (chute de neige), Stalinorgel, Kassunder (bombardement d’obus), Sumpfwasser (eau bourbeuse). Dans les corps-à -corps sur fond de ruines et de cendres, sur le linceul de neige sous lequel se pétrifient le rictus de la Mort et le chaos, l’arme reste la porte de salut face à la furie bestiale où le réflexe du plus téméraire fait durer la vie. Combien de camarades valeureux se sacrifient pour terrasser les modernes Attila sur leurs destriers blindés ?

Le nom feu apparaît à chaque détour : coups de feu, marcher au feu, être sous le feu de l’ennemi, feu roulant (Trommelfeuer), être pris entre deux feux, mettre à feu et à sang... et feu mon ami. De nombreuses anecdotes émaillent le Lebenslauf des combattants : gardes, habitat, nourriture, corvées, missions, combats. Il est loin le temps de la formation contraignante mais supportable. Oubliées les brimades, balayées les chicaneries de ronds- de-cuir zélés ! Car ici au front, voilà le temps du miracle continuel, de la destinée placée sous une bonne étoile, mais hélas aussi le couperet du sort tragique, l’appel sinistre de la faux ou le traître coup de l’assommoir provenant du molotov (marteau) impitoyable. Les témoignages sont révélateurs de la pression psychologique distillée par le régime hitlérien et de la peur entretenue sur les familles : représailles, déportations, perquisitions. Vaincre ou mourir : vaincre le Russe, les maladies, le froid, la pluie, la boue, la canonnade, la mitraille, le carnage ou mourir du feu de l’enfer, périr de la faim, succomber au vide physique, moral, psychologique, sortir de Tambow, réchapper à ces damnés camps de rééducation staliniens, révèlent l’indomptable énergie de ces hommes de fer, « inoxydables » au découragement.

J’ai essayé au travers de leurs dépositions de retracer leur course-poursuite entre le shrapnell fatal et la fragile cuirasse charnelle. Heureux Heimatschuss ! Miraculeuse balle qui estropie à vie mais qui rend la vie à l’heureux élu. Sursis pour d’autres ou fil ténu du destin que les trois Parques négligent parfois de renouer et c’est alors la chronique annoncée d’une mort certaine. En ces temps de guerre, le blé en herbe a difficilement dépassé les promesses de l’épi. Les jeunes Mosellans dans la tranche d’âge des 20-24 ans représentaient 70 000 jeunes lors du Front Populaire en 1936. Au lendemain de la guerre, donc 9 ans après et compte tenu de l’apport constant des contingents d’âge renouvelés chaque année, le recensement indiquait moins de 50 000 chez les âgés de 30-34 ans.

Lorsqu’on quantifie les pertes des trois départements concernés, l’hécatombe se chiffre à 22 000 morts sous l’uniforme allemand et 20 000 sous la défroque russe. Chez le Kaiser, en quatre ans de conflit, ils ne furent que 30 000 à trépasser ! Oui, la serpe russe a moissonné par javelles entières la fine fleur des coteaux de Moselle et de la plaine d’Alsace. Le bleuet de la Marche de l’Ouest (Westmark) a souvent été brisé par le fléau des dieux de la guerre. La batteuse stakhanoviste a foulé, écrasé, moulu beaucoup de semence à feu et à sang. Les reproches des rescapés sont modérés, sans doute parce que le temps efface l’acrimonie et les diatribes.

Ce regard en arrière, c’est celui de Loth fuyant Sodome et Gomorrhe. Il se cristallise en arêtes vives comme le sel, mais non comme ce sel vengeur que Scipion l’Africain fit répandre en sillons saumâtres, brûlants et acides sur Carthage la Superbe : afin de la maudire à jamais. Sur les prismes déformants du passé jaillissent les images- souvenirs ; dans les clivages translucides se métamorphosent les catastrophes individuelles. Ici, la tolérance des survivants à l’encontre de l’Union soviétique est respectable de la part de ces héros sacrifiés sur l’autel de la lâche Patrie. Ils en veulent surtout dans leurs réparties au régime nazi qui leur a mis de force un Schmeisser entre les mains. Une sorte de sérénité nuancée à travers les témoignages recueillis grandit les victimes autant qu’elle abaisse les deux systèmes totalitaires.

* les Marie-Louise : très jeunes conscrits de Napoléon.

* les réfractaires : de 1942 à 1945, nom donné à ceux qui se dérobèrent au Reichsarbeitsdienst = service du travail du Reich.

* les insoumis : conscrits qui cherchèrent à échapper au service militaire allemand.


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