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Jean Kleinhentz † : Résistant et déporté du 11 juin 1942 au 18 août 1945

 

Tentative de passage de la ligne de démarcation débouchant sur son arrestation.

Le 9 juin 1942, en compagnie de son cousin Aloyse Chenot, Jean Kleinhentz tente de franchir la ligne de démarcation avec l’accord tacite de ses parents. Son père et sa mère qui ont 6 garçons ne souhaitent en aucune manière et quoi qu’il arrive, voir leurs rejetons endosser l’uniforme allemand. D’autant plus que leur fils Jean est majeur et ils pensent qu’en raison de l’âge du passe-frontière, les parents de réfractaires seront moins inquiétés.

Malheureusement la Sippenhaft, la loi des représailles à l’encontre des familles responsables de la conduite de leur rejeton sera vite instaurée en Alsace-Moselle, suite aux nombreuses désertions de la Wehrmacht et évasions vers l’intérieur de la France. Jean sait, pour avoir entendu son frère Emile en parler (voir son récit), qu’il existe une filière de passeurs à Nancy permettant de traverser la zone rouge. Son plan est simple. De Sarreguemines, pour brouiller les pistes, son cousin et lui marchent à pieds en direction de Vic-sur-Seille : il leur faut faire très attention aux patrouilles de gendarmes (Feldgendarmerie) postés aux carrefours ou sur des ponts. En cours de route, ils sont restaurés par des fermiers ou de braves gens qui leur offrent le gîte pour la nuit. Ils sont cependant mal conseillés au cours d’une conversation où un quidam leur propose de rallier la gare de Dieuze, où hélas, un poste de contrôle installé sur les quais filtre les passages.

L’allure de Kleinhentz Jean se rendant au travail ne paraît pas suspecte aux douaniers. Il marche déjà vers le wagon quand un cri l’interpelle. « Jean, ne me laisse pas seul ! » hurle son cousin qui vient de se jeter dans la gueule du loup. En effet, la Gestapo sourcilleuse l’a repéré à son attitude craintive.

Rejoints par les limiers en manteau noir de la Police Secrète, les deux insoumis sont emmenés manu militari au poste de gendarmerie de Dieuze (Duss). Les deux cousins vont y croupir ensemble jusqu’au 22 juin, histoire de gommer les violentes traces de coups encaissés sur tout le corps. Car, lorsque la Gestapo ouvre la valise de Jean, elle découvre le béret basque (Baskenmütze) qui est un symbole français et cette trouvaille la met dans une folle rage.

Il est à noter que le port du béret basque est puni d’une amende de 150 Reichsmarks, soit 3 000 F ou pire, il entraîne la perte de travail en cas de récidive. Les gifles ne manquent pas pour faire tomber cette odieuse Gehirnverdunglungskappe, une coiffe à obscurcir la cervelle, aux dires des seigneurs de l’ordre nouveau !

En sus des gifles que notre villageois encaisse, on lui administre une correction mémorable, un passage à tabac à coups de brodequins cloutés qui lui laisseront le corps meurtri et les yeux tuméfiés (il ne verra plus pendant deux mois !) Dirigés sur le Fort de Queuleu qui est reconnu comme un lieu de déportation, les deux hommes passent de très durs moments, les yeux bandés, assis à même le sol et sans soins.

C’est dans un piteux état qu’ils apparaissent le 30 juin 1942 au tribunal d’exception de Metz, le Sondergericht für Lothringen, qui ne badine pas avec le règlement. Le Procureur Engels sur la foi des douaniers de Morhange accuse Kleinhentz Johannes et son cousin de 3 délits : 1) d’avoir entrepris de se soustraire au service du travail obligatoire du Reich (article de la loi du 23 avril 1941– Verordnungsblatt 468), 2) d’avoir entrepris de traverser la frontière interdite vers la France occupée sans autorisation (loi du 9 septembre 1939-VO .Bl 1747 § 3), 3) d’avoir essayé de transférer de l’argent national et étranger (français !!!) hors du pays et cela sans autorisation.

Ils sont condamnés à 6 mois de prison ferme. Kleinhentz Jean allait connaître la prison de Pirmasens le 30 juillet 1942 et sera libéré le 11 décembre 1942 ; il ignorait le lieu d’emprisonnement de son cousin Aloyse. Jean K. ne s’est jamais extériorisé sur les dures conditions de captivité dans les geôles nazies. C’est son plus jeune frère Bernard qui rapporte les faits suivants, ayant pu exceptionnellement lui rendre visite. « Mon frère Jean était très amaigri quand je suis allé le voir. Il avait perdu 15 kilos et le petit colis que je lui avais apporté lui remit du baume au cœur. Il travaillait dans l’atelier de cuir, la Lederstanzerei. Les Allemands utilisaient les prisonniers pour fabriquer des objets destinés à la Wehrmacht : ceinturons et brodequins par exemple.

Leur slogan était impitoyable : « Ici, on n’entretient pas la fainéantise. Celui qui veut manger doit travailler ! ». L’un des pires supplices était d’adoucir le cuir des chaussures cloutées des fantassins pendant des heures au cours de marches forcées sur les pavés de la cour interne. Mon frère redoutait aussi le couvre-feu. A tour de rôle, un prisonnier de corvée devait attendre le passage du gradé de service qui faisait sa ronde. Au garde-à -vous et sans se tromper, il devait signaler et hurler d’une seule traite, par exemple et selon le cas : « Gefangener Kleinhentz Johannes, meldet Stube Nummer 3 belegt mit 30 Mann.Alles anwesend, nur einer im Zuchthaus. » (Prisonnier K.J., chambre n° 3 occupée par 30 hommes ; tous présents sauf 1 au pénitencier).Gare à celui qui bafouillait ou ne trouvait pas ses mots ! Il se faisait gifler d’importance et avait droit à des corvées supplémentaires. Jean apprit donc par cœur cette ritournelle qu’il fallait néanmoins savoir adapter selon la situation du moment. Le manger était bien mièvre. Jean a rapporté l’anecdote suivante : une sardine était suspendue à un fil au milieu de la chambrée et chaque détenu la tapotait aussi délicatement que possible, en tentant d’améliorer la saveur du morceau de rutabaga pour lui donner un semblant de fumet de poisson.... ».

Déportation dans les Sudètes et en Silésie le 18 janvier 1943

Wilmouth Pierre de Farschviller, compagnon de Jean Kleinhentz témoigne :« ............... Nous partîmes de la gare de Saint-Avold, sous surveillance armée (chaque wagon était gardé par deux gendarmes), pour atterrir à Leubus en Silésie. Notre lieu de détention était un immense couvent ; la toiture couvrait 9 acres. Les murailles dépassaient les six mètres d’épaisseur à la base. Plus de 2 000 personnes y séjournaient, notamment des Messins, des Thionvillois. Les célibataires furent tous invités à rejoindre la mine de Goldberg. C’est là que je connus Jean Kleinhentz de Farébersviller. Les familles ne pouvaient pas y être accueillies étant donné qu’il n’y avait pas d’hébergement approprié pour elles. Un joyeux drille, dès notre arrivée sur les lieux, l’œil en malice, osa dire au commandant : « Nous allons nous cotiser pour acheter votre mine, mais où se trouve-t -elle ? ».

Il est vrai qu’elle ne payait pas de mine ! On y descendait en plan incliné sur une distance d’environ 200 mètres, pour atteindre les galeries. Sur une tonne de minerai, on extrayait environ 10 % de cuivre. Nous émettions des doutes sur la nature pernicieuse du minéral : en effet, nous n’avions pas besoin de travailler tous les dimanches comme c’était le cas dans d’autres mines. Voulait-on nous préserver de radiations ou d’autres émanations ? Alors était-ce de la pechblende ? ou bien un minerai analogue destiné à fabriquer de l’uranium ? Trois postes se relayaient. Un mineur de fond gagnait 6-7 R.M . par jour sur lesquels on lui en prélevait la moitié pour rembourser la cantine. Le travail était dur et dangereux.

Ainsi, il y eut un éboulement qui causa la mort de cinq hommes dont un Mosellan. De subites montées d’eau survenaient lorsqu’on perçait une poche aquatique. Il fallait produire du rendement et surtout éviter de parler contre le régime. On procédait par forage et par tirs ; le filon était véhiculé par bande transporteuse et ramené au jour. On s’éclairait à la lampe au carbure ; on pouvait fumer dans les galeries.

Les paillasses étaient infestées de punaises qui nous suivirent derechef avec armes et bagages dans nos nouvelles baraques. 850 mineurs s’activaient sous terre. Nous avions peu de contact avec la population civile. Il nous arrivait parfois d’aller dans la ville de Goldberg, grande comme Sarreguemines. Et c’est là qu’on apprit que les Allemands du camp avaient fait croire en ville que nous étions des Fliegerbeschädigten, des civils, victimes de bombardements aériens ! A Goldberg, trois de nos camarades mosellans furent entendus. Les autorités voulurent connaître les raisons de leur refus d’adhérer à la D.V .G . Ils ne revinrent plus vivants au pays. Je me rappelle encore leur avoir fourni des cigarettes. Cette arrestation aurait très bien pu concerner l’un ou l’autre d’entre nous. (Jean K. était particulièrement surveillé par rapport à sa condamnation, on le suivait à la trace).

J’avais dans cette optique préparé ma ligne de défense, la justifiant comme soldat français ayant servi fidèlement un drapeau et ne pouvant l’abjurer : ce serait être traître à sa patrie que de renier son honneur militaire ! Le manger se résumait toujours à la même rengaine : navets, pommes de terre comptées, (tant pis pour celui qui héritait d’une pourrie), du Pumpernickel, un pain rassis, ceci sans doute pour éviter d’en trop manger ! Parfois, on recevait un colis maternel ; au début, les fouilleurs se sucraient royalement, nous laissant les miettes. Ils devinrent plus humains à la fin, lors des contrôles.

Devant la menace de l’Armée rouge qui s’avançait en Prusse Orientale, nous fûmes réquisitionnés pour aller creuser des tranchées censées arrêter la percée ennemie. De larges fossés, profonds de deux mètres serpentaient devant le fleuve Oder; des barrages antichars virent également le jour. Nous dormions dans les greniers ou dans les écoles. Des femmes âgées de 18 à 45 ans durent confectionner (avec les branches souples des saules) des gabions en bois destinés à consolider les tranchées qui commençaient à se déliter sous la pluie. Des saules, des peupliers furent abattus ; leurs troncs servaient de poteaux de soutènement enfoncés le long des tranchées.

Nous travaillâmes quelque sept mois dans le secteur. De vastes domaines s’étendaient dans la région. Il nous arrivait de dévaliser les silos de pommes de terre pour nous rassasier. L’Oder causa la mort de neuf personnes, son cours était rapide et traître à cause des remous et des trous profonds. Comble de malheur, la crue qui déborda remplit nos fossés antichars ! Et l’hiver rigoureux solidifia l’inondation qui nivela nos tranchées. On avait travaillé pour le roi de Prusse ! Devant la menace russe, un responsable haut-silésien décida de nous ramener au camp de Goldberg ; nous aurions préféré attendre nos Alliés, les Russes. Il ne l’entendit pas de cette oreille. Des signes avant-coureurs de panique se manifestèrent lorsque les Soviétiques prirent la ville de Goldberg, située non loin de notre mine de cuivre.

On se cacha dans les galeries supérieures quelque temps, mais les troupes de l’Armée Rouge faisaient du sur-place devant la farouche résistance allemande. Des S.S. nous cueillirent et nous jetèrent sur les routes de l’exode. Trajets à pied, parcours en charrette et train trop lent nous ramenèrent à Reichenberg. Etant restés à neuf gars, encore jeunes donc incorporables, nous fûmes ramenés par les gendarmes à collier à la Schupo. La police nous emmena auprès d’un architecte qui nous confia l’aménagement d’abris et de tunnels de protection pour les civils. Par la suite, les Russes investirent Reichenberg qui avait été déclarée ville ouverte.

Des fanatiques du Volksturm livrèrent des barouds d’honneur que les tanks T.34 liquidèrent sans trop de problèmes. Les troupes d’assaut mongoles se livrèrent aux scènes de pillage et de viol. Les propriétaires de maisons nous proposaient leur lit, eux préférant se cacher pour échapper à ces monstres. Les familles mosellanes se perdirent de vue ; c’était souvent le chacun pour soi. A Pilsen, en Tchécoslovaquie, les Américains nous rapatrièrent par camions (nous étions à 45 sur la benne !) jusqu’à Würzburg... (Jean Kleinhentz rentrera par avion en France, Ndr).

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