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Groutsch Edouard †

Travaillant à la Kriegsmarinewerft de La Pallice depuis plus de trois ans comme ouvrier étranger (cf. mon Ausweis précisant mon statut d’Auslaender !), j’ai pu bénéficier, au printemps 1944, d’un congé exceptionnel établi par le responsable de l’arsenal militaire qui m’autorisait à venir à Pfarrebersweiler (Farébersviller). Les portes de notre ferme, située Moulin-bas et placée sous séquestre, étaient plombées avec un sceau cacheté et je ne pus donc y accéder.

Je dormis un jour chez Houllé Nicolas, un cousin de ma mère, qui me prêta un vélo avec lequel je fis le tour de la parenté habitant à Rosbrück et à Folkling. La ligne de démarcation fut facilement franchie à l’aller. Par contre, j’éprouvai plus de difficulté à revenir en zone libre, la Grenzpolizei tatillonne cherchant à me confisquer mon argent allemand. Après force palabres, les douaniers me laissèrent repartir vers mon lieu de travail que je me gardai bien de rejoindre, dès mon arrivée en Charente.

J’avais pu berner l’Oberbauführer (chef de chantier) de La Pallice en lui racontant que, soldat de l’Armistice, je n’avais toujours pas pu rendre visite à mes parents qui étaient repartis en octobre 1940 en Moselle d’où mon voyage-éclair à Pfarrebersweiler avec sortie exceptionnelle du territoire français à la clé. Ma famille était en fait, restée à Bonnes, village d’accueil charentais durant l’exode. J’allais devenir un réfractaire du travail obligatoire, parce que j’avais décidé de ne plus me présenter aux autorités portuaires. Je demandai au secrétaire manchot de la sous-préfecture de Confolens des renseignements pour éclaircir ma situation illégale.

Il me dit d’aller voir en mairie de Bonnes l’employée qui s’occuperait de mes papiers et des cartes de rationnement. Peu après, je filai sur la Vienne étoffer le maquis D3 en formation. Bernard Edmond en était le chef, plus connu sous le nom de Renard. Dès le 7 juillet 1944, j’intégrai la 1 ère section commandée par le lieutenant Pasquet qui fut aussitôt rassuré par mon savoir-faire acquis comme fantassin en 1939-40. Le 14 juillet, défiant le régime de Vichy, nous défilâmes à Pleuville puis à Joussé.

Placés en état d’alerte depuis notre bravade, nous séjournions dans un moulin longeant la rivière Clain. Se révélant peu sûr en raison de la configuration du terrain, ce refuge pouvait facilement être investi par les troupes chargées de la chasse aux Partizanen. De ce fait, nous partîmes loger dans la chênaie des Chevreaux. Des bâches servant d’abris y furent installées, des patrouilles constituées. De nouveaux venus rappliquaient dans notre formation clandestine. Le 20 juillet eut lieu un important parachutage.

Trois brasiers rougeoyants (représentant un triangle équilatéral) couvaient dans l’attente des avions. Après minuit, nous entendîmes le vrombissement caractéristique de quatre bimoteurs. Notre chef Renard, installé à côté de moi, ordonna alors d’activer le feu qui repartit vivement en jets d’étincelles et en flammes bien hautes. Lui-même actionna trois fois sa lampe de poche et aussitôt les phares des avions s’allumèrent. Le largage se déroula dans de bonnes conditions. Le don du ciel était prolifique : un très important stock d’armes et de munitions allait désormais donner du mordant à notre maquis. Voilà de quoi intensifier la guérilla dans les jours à venir d’autant plus que les forces anglo-américaines patinaient dans le bocage normand. Des vêtements et des trousses de secours avaient été dropés dans des emballages en osier tressé. J’héritai d’un battle-dress anglais bourré de poches astucieuses.

L’installation improvisée de notre campement s’en trouva nettement améliorée. L’aide logistique larguée nous apportait un mieux indéniable en confort avec ses tables, bancs, râteliers d’armes suspendus et lits pliants sur lesquels paradèrent nos litières de fougères. L’organisation rigoureuse fait la force d’un groupe armé : notre encadrement prit à cœur de former à la dure nos jeunes recrues, pétries de qualités mais néophytes dans l’art de la guérilla Le 24 juillet, la 2 ème section du lieutenant Fricaud se distingua en s’attaquant à deux camions allemands. Pour ne pas être de reste, ce fut le 27 juillet que notre 1 ère section se mit en évidence. Ce jour-là, le lieutenant Pasquet scrutait avec ses jumelles l’horizon soudain grossi par l’arrivée d’un gros camion. « Armes en position ! Bazooka, prêt ? Feu à volonté ! »

Un coup direct stoppa le véhicule, mais les Landser rompus aux embuscades s’organisaient. Dès le début de l’affrontement, les occupants d’une traction vinrent leur prêter main forte. Notre sergent-chef Danneels qui faisait le coup de feu eut l’idée malheureuse de passer derrière le lance-roquettes au moment du retour de la flamme déflagrante lâchée par la propulsion du projectile. Je le vis culbuter à côté de moi, le devant de son uniforme en feu. Cet avatar ne nous empêcha pas de tuer peu après le chef de la Feldgendarmerie de Poitiers et ses quatre Landsmänner (compatriotes). Lors de cette attaque, j’étais tireur de fusil-mitrailleur.

Les Allemands surpris par notre détermination avaient d’abord tenté de grimper sur le camion et de nous viser avec leur mitrailleuse lourde montée sur un pivot mobile installé sur la plate-forme. Sous les tirs conjugués de nos armes, je vis distinctement culbuter de la benne trois ou quatre servants. Les rescapés arrivèrent bientôt à descendre leur Maschinengewehr et à la mettre à l’abri derrière le fossé. Aussitôt, un échange nourri répondit à nos salves tandis que de nouveaux renforts vert-de-gris se pointaient pour étoffer la contre-attaque. Le lieutenant Pasquet ordonna alors sagement la retraite. Notre instruction militaire se poursuivait et s’avérait indispensable face à l’arrivée constante de nouvelles têtes. Bien renseignées par la Milice sur notre présence dans la contrée, les troupes d’occupation y entretenaient un climat de terreur. De nombreux otages furent massacrés et des bourgades incendiées par ces criminels. Nous avons par deux fois fait sauter des voies ferrées.

C’est après le passage de la patrouille qui martelait ses pas sur les traverses, que nous plaquions des pains d’explosifs contre les rails. Il suffisait de malaxer des boules de plastic jaune, de les coller sur l’acier, de placer dans chaque pain un détonateur qu’il fallait relier à un cordon bickford. Dès la mise à feu de la mèche lente de 15 minutes, nous avions largement le temps de nous éclipser. Enclenchée grâce au cordeau de matière fusante, une déflagration simultanée s’ensuivait et tordait de part et d’autre les rails de la voie. Afin de bloquer à coup sûr le ravitaillement et la montée des S.S. sur le front du Cotentin, l’opération devait être réglée avec minutie pour en garantir le résultat ! Des Russes, auxiliaires de l’armée allemande, en étaient les gardes-voies.

Lorsqu’une explosion retentissait, ils n’allaient pas sur les lieux du forfait, préférant tirer en l’air pour alerter leurs compères. Courageux certes mais pas téméraires ! Non content d’entretenir des foyers de tension pour miner le moral feldgrau, le chef Renard préparait un sacré coup-de-main : libérer 16 Sénégalais détenus aux haras de Rothschild à Champagné-Saint-Hilaire. S’agissant de mettre tous les atouts de notre côté, le lieutenant Etienne partit reconnaître les lieux et put même approcher le tirailleur Samba et le mettre au courant de notre attaque prochaine. Les troupes allemandes de la région étaient sur le qui-vive depuis le débarquement allié : enhardis par leurs exploits, de nombreux maquis les harcelaient. Ayant appris qu’elles devaient rejoindre la Normandie et prêter main forte aux Waffen S.S., notre chef décida l’attaque et l’encerclement du camp pour le 13 août. Notre 1 ère section, ayant eu la mission d’investir le domaine, dut faire de nuit un large crochet pour être en position d’attaque prévue pour 6 heures du matin. Le terrain était plat et offrait peu d’abris à notre axe d’attaque. La seconde section qui avait eu ordre de déclencher les tirs se rua sur le P.C . allemand qui s’avéra plus solidement défendu que prévu.

La fusillade était nourrie, les défenseurs coriaces. Notre sergent-chef d’active Paulet mourut, la tête perforée en partant en reconnaissance. Les Sénégalais n’avaient pas perdu leur temps pour s’évader ; quelques-uns, des chics types, nous rejoignirent. Tirs de bazooka, lancer de grenades se succédaient. Une pluie de balles se concentrait sur la villa imprenable. Nos efforts se poursuivaient pour faire lâcher prise aux assiégés, mais les Allemands, bien postés, supervisaient le champ de bataille.

La confrontation paraissait interminable ; l’angoisse au fur et à mesure du temps qui passait était à son comble. Pas question pour nous de lâcher prise, ce dont aurait profitait l’ennemi qui se ressaisissait car des renforts adverses lui arrivaient. Il faisait très chaud et nous souffrions énormément de la soif ; même si une source coulait non loin de là, il n’était pas question d’aller s’y abreuver. On nous infligea ce jour-là de lourdes pertes (7 morts, le chiffre grimpa à 10 décès jusqu’à la Libération). Comme on nous avait signalé l’arrivée massive de renforts boches provenant de Poitiers, Bernard passa nous aviser qu’il fallait décrocher (son groupe emmenait dix prisonniers allemands) et nous laissa en couverture.

Cela sentait le roussi. Maître de mes nerfs, je fus désigné pour suppléer le tireur affolé du F.M de marque Browning. Très fatigués, guidés par le caporal Pellardeau, nous retraitâmes en bon ordre et décidâmes de nous cacher sur une plate-forme hérissée de houx surplombant la berge de la rivière Clain. Nous y restâmes deux jours, restaurés par les oeufs et le pain des fermes avoisinantes. Une fermière faisant mine d’appeler ses bêtes nous amenait la précieuse nourriture. Le 26 août, nous attaquâmes des colonnes ennemies qui retraitaient.

Le 27, au soir, une embuscade fut tendue aux Allemands sortant de Romagne. Une belle réussite ponctua cette sortie audacieuse : une dizaine de voitures hippomobiles, des vivres, des munitions et 27 morts. Un capitaine mongol et quatre supplétifs s’étaient rendus à des villageois qui nous les ramenèrent. Les cinq hommes, habillés d’accoutrements mi-civils, se proposèrent de nous aider. De type asiatique, l’Oberleutnant de stature moyenne inspirait le respect à trois Ukrainiens qui vinrent étoffer notre section. Ces gaillards maîtrisant parfaitement les ruses de la guérilla nous montrèrent leur art consommé dans la contre-attaque. L’un d’eux, un nommé Daniel, pleura amèrement lorsqu’il fut question pour lui de repartir en Russie. Staline réclamait ses ressortissants. Il m’expliqua, en un allemand haché, qu’il avait été fait prisonnier dès 1941.

Il n’aimait pas le régime communiste. Ce Daniel, très cultivé, était avant-guerre chef d’un kolkhoze. Prisonnier le1 er jour de l’opération Barbarossa, il fut enrégimenté dans un bataillon d’auxiliaires rapidement envoyés sur le front de l’Ouest. Il me fit comprendre qu’il n’était pas un traître à la patrie. Ce n’était pas le cas des supplétifs de Vlassov*.

*Vlassov, général de la II ème Armée de choc qui s’était distinguée devant Moscou, face aux Allemands, fut fait prisonnier à l’ouest du Volchov.

Staline laissa littéralement crever son armée sans lui apporter un quelconque secours. Bientôt, Vlassov se déclara prêt à conduire une armée de volontaires recrutés chez les prisonniers russes contre les troupes de Staline.

Voulant affranchir son pays du joug stalinien, il avait exigé de l’Allemagne que la Russie, une fois libérée, devînt un partenaire.

Hitler considérait les Russes comme des sous-hommes (Untermenschen) et ne consentit jamais à établir des rapports d’égal à égal avec leur général.


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