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Flaus Ernest, né le 10.12 . 1923, fait partie de la section des Anciens Combattants de Farébersviller. Il est titulaire de la Médaille des Évadés et de la Croix du Combattant volontaire 1939-45 obtenue pour son implication dans la 1 ère Armée Française.

 

R.A.D.

« Je n’ai effectué qu’un séjour de deux mois, de novembre à décembre 1942 à Hierslshagen, non loin de Glockau, en raison de mon métier privilégié de mineur. L’industrie du Reich nécessitait de la main-d’oeuvre qualifiée : au lieu de faire les six mois exigés, je n’en fis que le tiers. Muni de deux valises bourrées de jambon et de cochonnailles, j’allais pouvoir affronter sereinement ma nouvelle existence de bêcheur devant l’Éternel. Le prophète Isaïe ne précisait-il pas qu’il s’agissait pour les croyants d’aplanir la route afin de préparer la venue du Messie ?

En ces temps nouveaux de l’Avent 1942, nous étions itou requis pour mettre en place le règne du nouveau Messias allemand : Berge abgraben und Täler auf füllen, niveler les montagnes et combler les vallées. Notre implication consistait à faire disparaître les marais en creusant des fossés de drainage et en surélevant les jetées de terre. Chaque plate-forme conquise sur la contrée marécageuse, avec ses taillis ayant baigné voilà peu encore dans la vase, accueillait désormais sa ferme-modèle : digues et canaux quadrillaient le nouveau paysage créé, identique aux polders.

Je me retrouvais perdu au milieu de nombreux Viennois, forts en gueule et à l’appétit légendaire non usurpé. Le matin, ils nous vidaient les tasses du petit- déjeuner et nous chipaient à midi le rabiot en sus de l’assiettée du chou mariné à toutes les sauces ! Esquivant la toilette matinale dans le but d’être les premiers au réfectoire pour mieux pouvoir nous lamper café et tartines, les lascars furent punis : obligés de se mettre nus, l’encadrement les arrosa à l’eau froide.

La leçon servit car le partage équitable entre frères d’armes s’en ressentit. Pourtant, dans ma chambrée, les six incorrigibles Autrichiens continuèrent à s’empiffrer de potées de choux ; depuis leur déconvenue, ils s’étaient arrangés pour les ramener du réfectoire en cachette. Leur expression favorite fusait constamment : « Bisde detopt, ça ne va pas ta tête ? (en all. Bist du beklopft ?) »

Des cours idéologiques avaient lieu chaque après-midi où l’on nous annonçait les avancées fulgurantes de la Wehrmacht sur fond de tableau noir. Wir fahren gegen England, nous roulons contre l’Angleterre, était l’une des marches prisées par notre hiérarchie. Les sorties du dimanche se passaient dans la ville de Liegnitz : il fallait montrer son peigne propret ainsi que ses chaussures cloutées reluisantes pour obtenir la permission du cerbère installé dans la guérite. Nous dévalisions les tables de trois restaurants pour pouvoir rattraper les calories perdues durant la semaine diététique : le menu RADin y était bien chiche. Je quittai heureux et soulagé la caserne aux trente-six recettes de choux.

Départ pour la Wehrmacht

Je repris très vite mon travail à la mine. Surprise désagréable, il s’agissait depuis peu de faire les Panzerschichte, des postes gratuits pour l’économie de guerre. Sur 15 jours de travail continu il fallait venir bosser bénévolement pendant un poste en l’honneur du Führer ! Je refusai énergiquement de travailler pour des prunes.

Comme par ailleurs, on me confisquait à l’entrée du puits mes bérets sans cesse renouvelés, je tombai en disgrâce et je fus rapidement convoqué à la Wehrbezirkskommandantur de Saint-Avold. Je me portai pâle. En me mouillant volontairement les cheveux et en restant au frais, je me fabriquai une forte fièvre qui occasionna une abondante transpiration. Consulté, le docteur Wack me délivra un certificat médical : einige Tage bettlegerisch, alité pour quelques jours. Ma soeur partit m’excuser. « Das sind faule Ausdrücke. Sofort musst ihr Bruder hier erscheinen ! Ce sont des arguments non convaincants (pourris). Votre frère doit immédiatement se présenter chez nous. »

Prenant mes aises, j’atterris le 12 février à Bayreuth, affublé de ma valise à réserves contenant du jambon, quinze paquets de cigarettes et des effets civils. Parti à pied à la recherche de la Rekrutenkaserne, je tombai à tour de rôle sur trois casernes avant de trouver la bonne. Dans la première, je me fis rapidement éjecter pour présentation incorrecte. « Guten Tag » fis-je. Agacés, les plantons s’exclamèrent : « Unser Gruss ist Heil Hitler ! Notre salut, c’est Heil Hitler. Scheren Sie sich raus ! Déguerpissez. » Le manège se reproduisit dans les deux autres centres également. J’arrivai enfin à destination. Habillé en civil, je demandai d’un ton ingénu du feu à un Unteroffizier qui fulmina de rage : « Zum Dienst, sofort antreten ! Entrez immédiatement en service ! » Le fourrier m’équipa d’habits disparates.

Comme le treillis exigu craqua à l’habillage, j’obtins à la place un manteau troué. Les bottes s’avérèrent être trop petites. Durant les cours d’instruction je nageai en plein désarroi. Les bleus avaient déjà appris et assimilé les définitions durant la semaine précédente (au cours de laquelle j’étais alité) : « Wieviel Teile hat ein Gewehr ? Combien d’éléments comporte un fusil ? - (moi) Es gibt zwei Teile, es besteht aus Holz und Eisen. Il y a deux parties, l’arme comporte du bois et du fer. » Cette remarque incongrue m’attira les foudres du sergent recruteur qui aurait voulu que je lui mentionne les nombreuses pièces qu’on peut trouver sur un fusil et que j’en explique le mécanisme à l’auditoire. - Zu welchem Zweck dient ein Gewehr ? A quoi sert un fusil ? - (moi) Zum schiessen ! pour tirer ! - Idiot ! Ein Gewehr ist eine Hieb -Schiess -und Stichwaffe. Idiot ! Un fusil permet d’asséner des coups, de tirer et d’être une arme d’estoc. » Mes réflexions provoquaient l’hilarité dans le groupe, ce qui mettait mon redoutable sergent en fureur. « Sturer Franzose auf dem Schemel, das bringt ich dir in den Schädel ! Français têtu assis sur l’escabeau, j’arriverai à te le mettre dans le crâne ! »

 

Préparatifs d’évasion

« Cause toujours, bientôt tu ne me verras plus », pensai-je en mon for intérieur. Mon plan de fuite était prêt car, ayant pris des libertés par rapport à la date de départ à l’armée, j’avais pu garder mes effets de citadin dans la valise et je n’eus donc pas à les expédier chez moi.

De plus, m’étant lié avec deux compatriotes, l’un de Folkling et l’autre de Téting, nous nous étions mis d’accord pour détaler de la caserne. Durant les pauses, nous nous concertions sur la façon habile de nous esquiver. Mais l’annonce d’un départ ultra-rapide vers un nouveau quartier contrecarra nos préparatifs de désertion. Que faire ? Au mieux, j’enfilai mes effets civils sous l’habit militaire.

Il s’agissait d’attendre le moment propice. Nous n’avions pas encore été insermentés pour notre plus grand bonheur. Je cherchais à éviter de prêter serment car une promesse honorée puis bafouée entraînerait à coup sûr des sanctions abominables. Je supposais qu’en cas d’évasion avortée, le tribunal militaire édulcorerait notre peine puisque nous n’étions pas encore liés par un quelconque vœu de fidélité au Vaterland honni.

Les sentinelles nous comptèrent et recomptèrent devant la caserne, puis à la gare et même dans les wagons durant notre transfert. Nous arrivâmes vers 19 heures à la gare de Nürnberg-Fürth. Sous 10 cm de neige, nous partîmes rejoindre notre nouveau casernement. Je me repérai : chaque angle de rue, chaque immeuble étaient enregistrés par mon cerveau. Je pouvais donc, sans demander mon chemin, retrouver très vite la gare. Les heures nous séparant du serment nous étaient comptées. Comble de malchance, nous voilà remisés au 3 ème étage avec une sentinelle faisant les cent pas devant l’immeuble !

Je partis en éclaireur visualiser les lieux et je conclus, lors du briefing tenu avec mes deux autres compères, que l’endroit idéal pour faire le mur se situait derrière les écuries : il suffisait de grimper sur le toit et d’escalader le grillage barbelé pour sauter de l’autre côté de la rue bordée par une haie. Durant mes investigations, je fus surpris par un officier qui s’enquit de ma présence insolite en ces lieux : « Je cherche les toilettes ! » dis-je avec à-propos. Mes deux acolytes, ayant repéré eux aussi l’agencement des lieux, approuvèrent le sens du trajet préconisé. Il nous fallait attendre le moment propice pour filer entre les lattes ! Comme je dormais au-dessus du lit du Stubälteste, le chef de chambrée, je mis facilement une heure pour descendre à pas feutrés de ma paillasse. Lui ronflait du sommeil du juste. La chambre était silencieuse. D’après mon plan, il fallait que chacun de nous descende à tour de rôle en tenue militaire pour ne pas éveiller les soupçons, puis se fasse jeter par la fenêtre les habits civils et enfin, profite de l’angle mort lors de la ronde de la sentinelle à l’autre bout du bâtiment pour se faufiler vers la liberté. Je pris les devants en dévalant à pas de loup les marches. Mais manque de pot ! les couinements du plancher, les grincements de la fenêtre à entrebâiller et les chuchotis provoquèrent dans la chambrée un beau remue-ménage, lequel finit par réveiller le responsable qui renvoya mes deux associés au lit. Que faire ? Les minutes s’égrenaient interminables dans mon recoin. 22 heures ! attendons, ça ne saurait tarder. 23 heures ! toujours rien à l’horizon ! Minuit ! mais que fichent-ils ? Je ne pouvais décidément pas m’éterniser ici et je partis... m’enfermer dans les toilettes de la gare (Bahnhof).

Evasion

A 4 heures 08 précises, en ce 17 février 1943, un train m’emmena vers la Lorraine. Durant le premier parcours, je gardai toujours une main dans le dos, agrippée sur la poignée d’ouverture de la portière du wagon. A 7 heures, je subis un premier contrôle où mon Lothringer Ausweis, passeport lorrain, me servit bien. Il faisait frais lorsque je descendis à la gare de Mannheim.

En raison des bombardements qui avaient perturbé le transit ferroviaire vers la Sarre, la déviation signalée m’imposait un périple plus long que prévu à travers l’agglomération en ruines. Il me fallait reprendre le train à une autre station. Ma démarche, mes allées et venues intriguèrent un quidam qui commença à me prendre en filature. Me sachant suivi et cherchant à échapper à sa perspicacité le moment venu, j’affinai dans ma tête les raisons de ma présence insolite dans le secteur avant de grimper dans un wagon. Je me cachai dans un coupé occupé par des femmes. Une dame revint bientôt des toilettes et dit à la cantonade : « Im Zug ist strenger Kontrol, il y a un sévère contrôle dans le train. »

L’air détaché, je pris mes aises et passai dans le couloir. J’ouvris trois fenêtres le long de la coursive. Si j’étais appréhendé, je n’avais plus qu’une solution : sauter du train en marche !

Trois hommes se présentèrent bientôt. Mon agent (c’était bien celui qui me filait) de la Kriminalpolizei de Köln sortit sa plaque et me réclama les papiers. Il s’enquit des raisons de mon voyage, trouva à redire sur mes motivations avancées. « Je rentre de Nuremberg. Ma soeur qui est mariée à un officier allemand m’a appelé par télégramme zweck Teilung Vermögen, à cause du partage des biens. Vous savez, mon beau-frère qui est affecté sur le front, a profité de son congé exceptionnel pour régler des problèmes de succession en cas de malheur ... ce que je ne lui souhaite surtout pas tant il fait la fierté de mes parents ! - Que faites-vous comme Lorrain de la classe 1943 si loin de chez vous ? Vous êtes mobilisable ! - Pardon, je suis mineur et requis comme travailleur spécialiste. Notre industrie a besoin de charbon.

D’ailleurs, j’ai bénéficié d’un congé spécial pour passer impérativement chez le notaire à Nürnberg, démarche qui motive l’absence de mon lieu de travail. - Où est-il, ce papier ? - Faites excuse, mais depuis l’année dernière, tout formulaire d’octroi de congé doit rester au commissariat le plus proche. Trop de Mosellans s’esquivaient en France avec un tel laissez-passer. » Mes arguments débités pourtant sur un ton naturel et détaché ne plurent pas trop à mon enquêteur circonspect. Il décida de me débarquer à la prochaine gare pour complément d’information. Par contre, les deux gendarmes avaient avalé ma fable et plaidèrent mon cas auprès de leur chef. « Der Bursche zögert nicht, er lauft nicht rot an, le gaillard n’hésite pas dans ses réponses, il ne rougit pas. Laissez-le partir, il est en règle. »

 

Le Schupo, voulant avoir le cœur net, me cuisina à nouveau et avec le même culot monstre je répondis à ses inquisitions sans me troubler. Finalement, le trio décampa. La Berlinoise, très mutine me lâcha : « Na, Junger, Sie hatten mit der Angst zu tun.

Alors, jeunot, on a eu peur, n’est-ce -pas ? » Cette vieille chipie (alte Schachtel) avait plus de jugeote que le plus fin des limiers ; comme on le constate une fois de plus, l’intuition féminine repose sur du concret en de nombreuses circonstances. Je fus contrôlé une dernière fois sans problème et j’arrivai sans encombres à Sarrebruck, puis à Forbach. Dans le bus bondé, je tombai nez à nez avec le chef de l’Arbeitsdienst de Saint-Avold. Il me reconnut. Vite, je me faufilai à l’arrière et je m’esquivai rapidement. Je me cachai durant la journée dans les cafés de Forbach, en attendant le départ d’un train vers Pfarrebersweiler. Le chef de gare n’en crut pas ses yeux en me voyant. « Un mot et tu es un cadavre » lui hurlai-je sur un ton sans réplique.

«Tu vois, je suis revenu en moins de huit jours comme je te l’avais dit.» Il me laissa filer. Sans doute avait-il encore en mémoire l’esclandre que je lui avais fait en refusant de payer mon ticket de train pour aller m’enrôler à Saint-Avold. « La Wehrmacht a besoin de moi. Bon, alors qu’elle paye le trajet ! » Je me restaurai à la table de la famille Paul de Pfarrebersweiler où l’on me prévint que le village de Herrschweiler (Henriville) était investi par des gendarmes chargés de m’appréhender.

Ma tante de Marienthal m’hébergea provisoirement. Grâce à la complicité d’un cousin habitant Longeville-lès-Metz, je me glissai dans une équipe de bûcherons originaires d’Ars-sur-Moselle. Muni d’un simple Ausweis, je passai avec eux la frontière à Novéant. La milice quadrillait la gare à Nancy. Une alarme aérienne fortuite permit de me cacher sous un chariot à bagages et j’embarquai sur le coup de minuit dans un train partant sur Paris. En cours de route, un contrôleur me chercha des noises : je n’avais pas de ticket. J’ouvris grand la fenêtre du compartiment. « Je suis recherché pour évasion et donc menacé du peloton d’exécution. C’est une question de vie ou de mort. Je n’aurai plus qu’un choix à faire : vous expédier par la fenêtre si vous alertez les Allemands soûls dans le compartiment voisin ! » Ma détermination dut refroidir le personnage. A Paris, des officiers allemands songèrent à utiliser mes services de pseudo-porteur de bagages.

Non mais ! Me faisant passer pour le petit-fils d’une dame âgée de Tours, je lui proposai charitablement de porter ses affaires, le temps de sortir de la gare... J’arrivai après quelques autres péripéties le 25 février 1943 à Aubeterre en Charente. Des connaissances me trouvèrent un travail de commis de ferme à Pillac. Le 20 septembre 1943, j’intégrai les FFI du groupe Bugeaud et je fis plus tard partie de la 1 ère Armée Française (libération de Sélestat le 30 janvier 1945).

Après guerre, je rendis visite au copain de Folkling pour connaître l’épilogue de sa fuite ratée. Il me précisa que mon absence ne fut décelée qu’à l’appel du matin. Une semaine plus tard, on leur annonça triomphalement ma capture : des peines sévères d’emprisonnement et la déportation des parents guetteraient dorénavant les autres candidats volages ! Je pense objectivement qu’à trois, nous n’aurions pas réussi à passer entre les mailles de la police allemande. Mon aplomb culotté et de l’à-propos me permirent de débiter des invraisemblances sans sourciller. Il fallait avoir l’imagination fertile et bénéficier d’un facteur-chance inouï. Je réussis comme un poisson dans l’eau à passer entre les mailles du filet. Mon cher Ernest, es war aber ernst, la situation avait été grave. » (photo Bundesarchiv)


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