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Ditsch René, né le 18.10.1926

« Je suis parti le 6 octobre 1943 pour aller effectuer mon service de travail obligatoire à Liersberg non loin de Trèves. Le séjour fut somme toute acceptable : nous n’avons pas été soumis au régime disciplinaire très strict qui régnait dans d’autres lieux.

Au bout de six semaines, une délégation de recruteurs S.S. était venue nous sensibiliser à l’idéal nazi : aller défendre la liberté et les valeurs européennes. En effet, le pourrissement de la guerre à l’Est et la crainte de l’invasion prochaine des Alliés obligeaient les hiérarques du régime à recruter à tire-larigot. « Le service des armes est un service d’honneur rendu au peuple allemand avec les obligations de loyauté (Treu- pflicht), d’obéissance (Gehorsamkeit) et l’engagement militaire de servir héroïquement le pays (Wehrpflicht) »

Voilà en quelques mots le condensé de cette intense réunion psychologique faite à grand renfort de noble idéal pour exalter le volontariat. Causez toujours ! Sur 160 appelés, il y eut un seul élu qui se décida comme volontaire à servir de bouclier humain contre le bolchevisme. Une semaine après, voilà nos sergents de retour avec leur insistante ritournelle «Du muβt in die Waffen S.S ., tu dois aller dans les Waffen S.S. ».

Concernant notre groupe, ils décrétèrent que seuls les jeunes de la classe 1926 seraient incorporés dans la division Frundsberg. « Nous vous signalons que toute désobéissance sera sévèrement sanctionnée car vous ne pourrez compter sur aucune indulgence en cas d’insoumission. Des têtes tomberont en cas de résistance. De plus, votre refus aura des répercussions sur vos familles. » Jour noirissime de ma vie ! Mon Dieu ! Qu’est-ce qui nous arrivait ? Les S.S. avaient derrière eux une sale réputation (chacun le savait) et nous devions à présent servir dans leurs rangs. Certes, avec moi, se trouvaient des jeunes de toute la contrée : Becker Albert, Bies Albert, Churka Charles, Dub, Goerlinger, Ordener, Peiffer Marcel, Reiser, Sarter,... des noms bien de chez nous. Tous, nous appréhendions le prochain départ dans leurs rangs car on nous avait promis de nous en faire baver (den Arsch aufreissen). En apprenant mon affectation, mon père, au bord de la détresse, songea à se jeter dans le puits de mine. « Ton frère Robert est mort faute de soins en Ukraine ! Et toi, te voilà parmi ces bandits.

Qu’ai-je donc fait au bon Dieu pour mériter une telle adversité ! » Pour oublier mon propre malheur, je noyai ma détresse dans force verres d’alcool à Sarrebruck le 29 février 1944. J’arrivai avec d’autres camarades éméchés à Selchan le 1 er mars. Notre groupe d’attardés se fit aussitôt remarquer : 24 heures de retard, c’est inadmissible dans les Waffen SS ! Selchan était une ville fantôme, vidée volontairement de ses habitants pour faire place nette à une garnison qui logeait gratis dans les maisons libérées. Pour les besoins de l’armée, il restait bien un coiffeur, un photographe et la traditionnelle Kneipe (bistrot) : Zum Löwen (Au lion). «Hier gibt es keine Faulenzerei, ici il n’y a pas de place pour les fainéants ! » L’entraînement ne paressait pas et enchaînait gymnastique, exercices de marches, passage d’obstacles (poutre, gué, palissade), ouverture de pistes, maniement d’armes... bref tout le bataclan. Trop contraignant, ce petit jeu-là ! Et comme on cherchait des Funker (radiotéléphonistes) et des Fernsprecher, en fait des porteurs de rouleaux de fil de téléphone, je me présentai.

Une dictée servit à départager les fonctions et grâce à une prestation honorable, j’allais pouvoir m’initier au rôle d’observateur avancé. Voilà autant de temps de gagné. Les copains partaient déjà vers l’Est. Une spécialisation quelconque devenait un moyen habile pour retarder le départ au front même si l’apprentissage du morse était ennuyeux : les sens en alerte, il fallait être méthodique et ne pas se laisser aller au découragement lorsque les bip-bip s’emballaient. Au bout de deux mois de pratique assidue, j’étais capable de produire 280 à 300 lettres par minute. Ma dextérité ne passa pas inaperçue. Je fus transféré au poste de commandement du régiment. Je portais désormais sur le dos le Tornisterfunkgerät Gustav doté du Kehlkopfmikrofon (laryngophone). On cherchait également des volontaires à breveter dans des formations d’interprètes. Là aussi, c’était un intermède bon à prendre. Je partis m’exercer à Berlin. Ensuite, je fis partie d’une unité chargée de la récolte des fruits et des moissons (Früchte und Ernte Einsatz). Dirigé peu après sur Prague, on m’apprit que notre régiment allait prêter main forte au II ème SS Panzerkorps impliqué an der Westküste, la côte Ouest.

En Normandie, les nouvelles n’étaient pas réjouissantes : là-bas les soldats se défendaient comme des diables dans l’enfer de Caen, ville martyre. La situation de sérieuse devenait dramatique dans les bocages. Les percées anglaise, canadienne et américaine faisaient tache d’huile. Sous les assauts aériens, et sur fond de contre-attaques, la lutte pied à pied se transformait en fuite éperdue. « Glorieux soldats, vous allez prendre part au combat de la dernière chance... pour jeter les Amiss’ à la mer ! »

A Lérouville près de Nancy, une formation de Jaboss’ culbuta notre train. Les circonstances semblaient propices pour m’esquiver : j’accostai en gare de la cité du roi Stanislas des civils, mais leurs hésitations, leurs vagues informations à m’aider à sortir du pétrin ne m’inspirèrent pas confiance. Puis nous fûmes logés dans la Hermann Goering Kaserne à Metz- Queuleu avec interdiction de sortir de l’enceinte car d’une heure à l’autre, le régiment pouvait être appelé sur le front. Avec un nommé Krebs d’Amnéville, je fis le mur. Devant l’arrivée prochaine de Buffalo Patton, l’affolement général avait gagné les rues messines. Les organismes nazis pliaient bagages ; les pontes locaux se dispersaient. Les caravanes des colons se suivaient en longs cortèges inquiets.

La pagaille s’était installée dans la contrée mosellane en ce 30 août 1944. Gênés par la cohue, nous revînmes sur nos pas pour nous apercevoir aussitôt que, derrière la palissade, notre compagnie attendait, en tenue de campagne, sur la place d’armes ! Inutile de s’y pointer, nous connaissions trop les sanctions encourues réservées aux déserteurs. En ces heures difficiles on ne badinait plus avec le règlement, les exécutions sommaires rendaient du courage même aux poltrons. Il fallait fuir. Contournant Metz et Maizières, nous prîmes le tram pour aller à Hagondange. L’idée était de se cacher chez les parents Krebs à Amnéville. Sur la Moselbrücke, le pont de la Moselle, un barrage policier contrôlait les papiers. Avec culot, nous claquâmes des talons et fîmes le salut hitlérien : cela suffit à notre bonheur.

La garde conquise nous laissa filer. Hébergé provisoirement chez mon copain, j’atterris par la suite chez l’oncle Eugène où je passais deux mois dans la clandestinité. Entretemps, la vague américaine avait déferlé sur la Moselle pour la libérer. Je piaffais d’impatience pour retrouver mes parents qui étaient sans nouvelles me concernant. Par monts et vaux, le vélo parfois sur le dos, je rejoignis le domicile familial à Freyming le 20 décembre 1944. Les FFI me reconnurent la qualité d’évadé ; la joie fut grande dans la maisonnée. Une dernière alerte eut lieu à la Saint-Sylvestre lors de l’opération Nordwind. Je filai en catastrophe à Lixing. Qu’on soit bien clair ! Nous, les jeunes de la classe 1926, avons été incorporés de force et d’office dans une Waffen S.S. Les membres de la Allgemeine S.S. ont tous été traités de criminels de guerre par Nuremberg. Cela m’apparaît comme une assertion hâtive d’avoir voulu nous fourguer dans la même clique car nous, nous n’avions rien à voir avec les S.S. tête-de-mort, ces Cerbères aux mains criminelles.

Le Chancelier Adenauer déclara d’ailleurs que les Waffen S.S. n’avaient été que des soldats comme les autres. Et c’est justement parce que les volontaires étaient si peu nombreux que le commandement allemand muta d’autorité des jeunes contre leur gré dans ces unités. Je porte le tatouage du groupe sanguin A sous le bras gauche. Ce bleu indélébile typique aux Waffen S.S. devait permettre, aux dires de nos supérieurs, de soigner le maximum de blessés graves dans nos rangs. Avec une telle marque d’infamie, nous risquions gros : combien de malheureux compatriotes furent bestialement abattus lors de leur capture par les troupes américaines ou russes ? La division Das Reich s’est rendue tristement célèbre à Oradour-sur-Glane. 13 (chiffre de malédiction) d’entre eux étaient des Alsaciens, avec le Dolch (poignard) sanglant sur la gorge en cas de refus d’exécution. Faut-il pour autant jeter l’opprobre sur tous les autres, obligés de suivre le mouvement, avec le pistolet moral apposé en permanence sur l’individu-matricule que nous étions ? Au fait, qui pourrait me renseigner sur le dénommé Frundsberg ? Et qu’auriez-vous fait à ma place ?

Ditsch Robert (mon frère) :

Le Hauptmann Reimann rappelle, dans une lettre datée du 8 mars 1944 écrite à mes parents, les circonstances ayant entraîné la mort de mon frère : « J’ai le triste devoir de vous signaler que votre fils Robert a été assailli par des bandits le 1 er mars 1944 et grièvement blessé. Il fut dirigé le lendemain 2 mars sur le Armee Feldlazarett de Trembowla.

Suite à deux balles qui lui avaient perforé les poumons et qui ont entraîné durant le transport une très importante hémorragie, votre fils (Junge) s’est endormi paisiblement le 3 mars 1944 à 8 h 40. Assisté par ses valeureux camarades et la Ortskommandatur, il a reçu les honneurs militaires au cimetière des héros de Tarnopol en ce 8 mars.

La mort de notre opérateur-radio Robert Ditsch fut immédiatement vengée par sa compagnie qui venait de procéder à la relève de la garde auprès d’un commando de bûcherons auquel avait été affecté votre fils.

Lorsque son groupe composé d’un sous-officier et de cinq hommes demanda à avoir de l’eau en entrant dans une chaumière paysanne (Panjehaus) du village d’Iwankow près de Skala, un des occupants sortit par l’arrière de cette maison et vint à leur rencontre avec un pistolet-mitrailleur sous le bras. Ce bandit hurla à nos soldats de lever les bras et tira dans la salle une gerbe de balles qui toucha votre fils. Ses camarades, le caporal-chef Siebert et le radio Walter, ouvrirent le feu sur le mitrailleur-brigand qui tomba touché à mort. Votre jeune fut mis au lit avec précaution par ses compagnons qui durent défendre toute la nuit la maisonnette avec succès contre des forces rebelles supérieures. Le lendemain matin, Robert fut embarqué sans connaissance dans une ambulance et conduit au lazaret... »

Si, le gradé cherche, dans son courrier, à apaiser la douleur des parents en édulcorant l’agonie de leur fils, nous constatons que le témoignage de son ami Walter René de Singling (mort tragiquement à la mine au retour de la Wehrmacht, après guerre) le contredit à ce sujet : « Il fut blessé par un bandit russe le 1 er mars 1944 à Iwankov en Ukraine. Malgré la rafale de mitraillette qui lui laboura la poitrine, il garda toute sa lucidité durant les trois jours interminables de son agonie. Hélas, par manque de soins immédiats, il ne put être transféré à temps à l’hôpital de campagne de Trembowla où il mourut le 3 mars. Les partisans avaient encerclé la section qui ne put pas extraire à temps Robert afin de l’emporter vers un lieu de secours. »

L’oncle Eugène qui était propriétaire d’un restaurant à la gare de Metz-Sablon connaissait un réseau de passeurs cheminots, il insista vainement auprès de mon frère Robert afin qu’il se cache. Pour éviter une expulsion à mes parents, Robert se sacrifia dans l’intérêt de la famille.

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