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Clemens Raymond †

J’ai tenu à interviewer Clemens Raymond de Seingbouse. Il a pu me fournir de précieux renseignements concernant les Malgré-Nous de Farébersviller : Arthur Schmitt, Bour Emile, surtout Marcel Lang et Steinmetz Pierre. 

Sur la photo, on reconnaît de gauche à droite Lang Marcel, Clemens Raymond et Steinmetz Pierre, NdR.

«Mes parents avaient su habilement me taire dans leurs différents courriers la disparition de mon regretté camarade d’armes et ami Pierre Steinmetz. Je vais donc profiter pour en parler mais aussi signaler que Lang Marcel était également avec moi. Je consignais dans un petit agenda les faits et gestes de cette période lorsque le temps me le permettait. J’ai pris 21 jours d’arrêt en compagnie d’Arthur Schmitt.

En effet, nous retrouvant entre Mosellans dans un restaurant à Birkenfeld, nous nous étions amusés à faire des boulettes avec un gâteau sentant l’ammoniaque. Un adjudant nous dénonça. On écopa de 21 jours d’arrêt. »

 

R.A .D Birkenfeld le 18. 12 . 1942

Avis de condamnation pour faute de service : « Je punis le travailleur Raymond Clemens R.A .D section 1/243, né le 8.12 .1923 de 21 jours d’arrêt, parce qu’il a jeté les restes d’un gâteau transformés en boules, dans la salle à manger d’un café alors qu’il y était attablé avec 4 camarades. La circonstance est aggravante puisque le fait a été rapporté par un chef de section du R.A .D, adjudant actuellement. Mais une atténuation de la peine est à prendre en considération puisque le coupable a aussitôt reconnu les faits. Le puni a la possibilité de contester la décision au plus tôt le lendemain même et jusqu’au plus tard 5 jours francs. La peine est à accomplir du 11 décembre au 31 décembre 1942. » Mise en route de la peine le 16 décembre 1942, E.Friedrich, Abteilungsführer.

12 janvier 1943 :

Conscrit à Forbach avec une amende pour m’être présenté avec mes camarades une heure en retard au Conseil de Révision. 15 janvier 1943 : Départ de la gare de St-Avold.

16 janvier : Arrivée à Jaromer en train en passant par Bartenstein (Prusse-Orientale).

19-20 et 21 janvier : Séance d’habillage et réception de l’habillement.

22 janvier : Transférés ensemble à Josephstadt avec Lang, Steinmetz, Zimmer dans le Regiment 97 Grenadier Ausbildung Batalion.

23 janvier au 1er février : nettoyage des chambres, de l’extérieur, soin et propreté (Reinigungdienst, Aussendienst, Ordnungdienst), maniement d’armes, séance de tirs (sur silhouette, sur triangle, sur cibles), manœuvres (Gelende Übung), tirs de précision (Scharfschütz), tirs de balles à blanc (Platzpatronen).

2 février : Vaccination contre typhus et paratyphus.

3 février : Groupe sanguin à déterminer.

4 février : Auscultation pour aptitude à partir sous les tropiques (Libye) (Untersuchung Tropen Dienstfähigkeit).

5 février : Départ vers Pilsen.

6 février : Arrivée à 11 heures à la caserne (Hauptsammelstelle). On procède à l’appel. Distribution de masques à gaz et d’un nouvel équipement vestimentaire.

9 février : En tenue de combat prêt pour partir en campagne (feldmarschmässig).

10 février : Départ de Pilsen à 18 heures, arrivée à Prague à 23 heures.

11 février : Dresde (passage à midi). 12 février : Toujours vers l’Est : Litzmanstadt à 9 heures.

13 février : Varsovie à 6 heures.

14 février : Baranowitchi avec arrivée à 11 heures.

15 février : Iwanowitzki, 11 heures.

16 février : Kossov, lieu de destination. Campement dans les baraques. Formation militaire. Séances de tir et patrouilles au village (Dorfstreife). Manoeuvres de nuit, manoeuvres sur le terrain. Culture physique chaque matin. J’ai appris de la bouche d’un sous-officier que Rostov-sur-le-Don et Vorochilovgrad avaient été évacués (perdus) par les Allemands.

25 février : Chez le coiffeur. Misère ! nos longs cheveux ressemblent à des demi-allumettes ! Nous reculons d’effroi en nous regardant dans la glace.

26 février au 3 mars : Pierre Steinmetz se distingue : 1 er tireur du bataillon !

4 mars : Vaccination contre le choléra.

5 mars : Patrouilles le long des voies ferrées contre les partisans. Manoeuvres sur le terrain. Période relativement calme.

9 mai : Préparatifs de départ. Paquetage bouclé.

10 mai : Départ.

11 mai : Rastenbourg– Posen.

15 mai : Arrivée à Seingbouse...

27 mai : Départ du village (au revoir aux parents).

29 mai : Rastenbourg. Affectation Marschbatalion.

15 juin : Mutation systématique des Alsaciens-Lorrains vers l’Est. «Allez à gauche pour la Pologne et la Russie.» Nous arrivons ensemble à Pruzzana (Pologne). Il y a des affrontements avec les partisans polonais qui minent la voie ferrée. Quelques blessés à signaler. Combat avec les francs-tireurs à Kamienetz.

12 juillet : on fête l’anniversaire de Zimmer Joseph.

15 juillet : départ à la caserne de Bartenstein. Vie calme dans la caserne.

25 septembre : Rozzana. Vie dans la caserne et chasse aux partisans. J’étais toujours de patrouille avec Lang Marcel et Steinmetz Pierre.1 er tireur de la sM.G . Pierre, 2 ème chargeur moi-même, 3 ème chargeur, Marcel Lang.

Comment affûter une recrue ?

1) par les exercices fastidieux au diable, du genre répétitif (coucher, debout, marche en avant, marche, coucher, hinlegen, aufmarsch, marsch vormarsch, marsch, hinlegen), par le parcours du combattant (ramper dans le sable sur 150 mètres), par les exercices physiques dans la cour avec simulation d’attaques, par la gymnastique à 6 heures du matin (torse nu, culotte de bain). On fonçait souvent dans les camarades car la nuit était noire sur le terrain d’exercices quand le sous-officier de semaine criait : « tank à gauche, tank à droite, avions devant vous, Panzer von links, Panzer rechts, Flieger von vorne.» Ces exercices vocaux nous abrutissaient et de nombreux appelés se plaignirent à juste titre de la dureté de ces épreuves.

2) par les brimades. Le malheureux Bour Emile dut exécuter jusqu’à épuisement une série de sauts au-dessus des tranchées puis un lot de courses avant, arrière pour avoir fait un oubli dans le classement des grades ! Il s’affala inanimé dans la tranchée.

3) par les vociférations et engueulades (expressions triviales intraduisibles par pudeur). Ich werde Sie schleifen bis Ihnen den Schwantz nach hinten steht. Sie, krumgeficktes Fasanenloch ! Sie, von einem Esel an die Wand gespritzten Fragenzeichen ! Sie Höllehund !

Camaraderie lorraine.

Nous étions en train d’écrire tous les trois dans notre chambre de dortoir à la lumière d’un cierge. Par inadvertance, un rideau n’occultait pas entièrement la fenêtre. Et lorsque le sous-officier de service effectua la ronde, il le fit remarquer : «Verdunkeln Sie hier drinnen ! Obscurcissez la pièce (à cause des raids russes). - Va te .. », lui criai-je dans l’obscurité. Il compta les fenêtres et vint furieux dans notre chambre : « Qui s’est permis de m’injurier ? Je veux le savoir ! » Pierre me toucha le genou ! Consigne : ne pas se dénoncer. Un rapport fut établi et notre sergent de semaine qui d’habitude était un homme de bon sens avec le coeur sur la main, se chargea de nous mener la vie dure.

Et durant huit jours, la brimade fut quotidienne ; nous étions les derniers à être servis, nous avons vécu les corvées les plus inimaginables et participé à des séances de sport endiablées de deux heures avec des 100 mètres, de la course et des reptations dans le sable avec les désormais classiques « debout-coucher-à droite..... » Un soir, je dis à mes deux camarades : « Ecoutez, vous n’allez pas encaisser pour moi ces vexations, je me dénoncerai demain. - Pas question, reprirent-ils. Quand on dit «a» ensemble, ça reste «a» jusqu’au bout.» Après nos plongeons dans la boue, le sergent irascible nous commandait : «Inspection des ongles». Forcément, ils étaient sales. Démarraient alors les différentes revues de paquetages. « Je veux que le paquetage complet à présenter soit bien rangé ! »

Et ça prenait des heures ! Monsieur le vexé savourait sa vengeance ! Au dernier jour de cette folle semaine, j’eus un accès de colère et de rancune si profond que je ne pus pas avaler mon repas de midi, un plat de fayots bien consistant et alléchant qui était à l’évidence mon mets préféré. Ostensiblement je passai devant le groupe des sous-officiers attablés, et j’exhibai ma gamelle vide. Le gradé hurla : «Allez vous chercher à manger ! Se restaurer c’est aussi un devoir pour un soldat, ça fait partie du service militaire.» Enfreindre un ordre était sévèrement réprimé. Je partis rechercher ma pâtée féculente et repassai devant le groupe en les narguant. De rage toujours, je planquai cette Delikatess sous mon lit, et aigri par cette semaine démentielle, je décidai de ne pas y toucher... mais la faim eut le dessus, de nuit donc je me levai pour avaler cette platée et faire taire mon ventre qui criait famine.

 

Finalement, au bout de 8 jours d’âpres exercices, le sous- officier vint nous voir au sortir de la table. Il voulait connaître le nom du bavard. Mes deux camarades me poussèrent du pied pour que je me taise. «Ausser Dienst (hors du service), allez donc, vous pouvez tout de même me dire qui a hurlé une telle insanité !» De guerre lasse, puisqu’il n’y avait plus de punition possible, je lui répondis que c’était moi. Il nous serra la main et nous dit en substance qu’un tel esprit de camaraderie était unique et il nous en félicita. Comme si de rien n’était, il redevint l’honnête sergent qu’il était, humain avec ses hommes et plus d’une fois après une manœuvre bon enfant, il s’en allait, avec nous fumer une cigarette dans des endroits dérobés.

Ndr : Dans la détresse du quotidien, on remarque que les Mosellans se serrent les coudes, perdus parmi les Allemands avec qui ils ne peuvent partager leurs impressions. Ils s’expriment en français discrètement. Se retrouver dans la mélasse ensemble consolide la fraternité. Les petites tracasseries supplémentaires, ajoutées à leur condition d’incorporé forcé, excèdent leurs attitudes. Mourir pour un tel pays, il en est hors de question !

Comment j’ai perdu de vue Pierre Steinmetz et Marcel Lang.

Notre section revenait d’une patrouille en forêt profonde. Quand on dit forêt, il faut entendre un sous-bois inextricable, avec des mares spongieuses et du maquis épineux, le tout sous une nuée de moustiques sanguinaires. Sans compter les partisans polonais qui s’acharnaient sur les poteaux téléphoniques et les voies ferrées ! Nous étions donc là pour empêcher les sabotages et poursuivre les auteurs. Cruelle existence où chaque pas dans la vase et la boue coûtait un juron. Les pluies humides d’octobre nous lessivaient et lorsqu’on rentrait fourbus après une telle équipée, nous n’avions tous qu’un souhait : dormir et récupérer. Arrivés crottés et fourbus dans la caserne, tous les hommes aspirèrent donc ce matin-là à se laver et à retrouver la chaleur d’un lit. Marcel s’étonna de voir notre chambre occupée par des recrues que l’on instruisait. Il frappa à la porte et dit : «Soldat Lang, ich will meine Sache ins Zimmer hinlegen. Soldat Lang, je voudrai déposer mes affaires dans la chambre. - ‘raus ! Dehors ! vous attendrez tous, je n’ai pas fini l’instruction !» hurla le sergent. Mon sang ne fit qu’un tour. Je frappai et j’entrai brutalement dans ma chambre. «Soldat Clemens, sehr geehrter Unteroffizier, seid vernünftig und beenden Sie den Unterricht, wir sind müde. Soldat Clemens, très cher sergent, soyez raisonnable et écourtez donc votre cours, nous sommes fatigués» dis-je d’un ton furieux. Le camarade Touba Edmond m’avait suivi et nous affrontions le regard du sous-officier. «Heraus !» vociféra-t -il au moment où nous laissâmes tomber les caisses à munitions qui s’ouvrirent en libérant les 600 cartouches dans un tintamarre assourdissant. Nous fûmes sur-le-champ affectés ailleurs et dûmes faire notre paquetage. J’atterris à Stalbach où j’eus l’occasion de rencontrer Marcel une dernière fois à l’habillement de la caserne de la division avant qu’il ne parte pour la Russie. Comment mécontenter un Leutnant ! Notre lieutenant arriva un matin à 6 heures les yeux exorbités de colère. Tandis qu’il ajustait fébrilement son ceinturon, il hurla que dans les 5 minutes il voulait voir toute la compagnie dehors sur la place d’appel ! Quel tollé dans les chambres ! Notre patrouille qui était la cause involontaire de son réveil brutal fut bien désappointée de devoir après la virée nocturne dans les forêts hostiles subir de nouvelles séances de persécutions gratuites, et ce, dans le froid matinal. Placé face à nos rangs, notre gradé se plaignit de notre remue-ménage qui l’avait brutalement enlevé des bras de Morphée. « Alors, c’est d’abord le cuistot qui hurle à réveiller un Russe ivre, puis c’est le chiot qui aboie à s’arracher le gosier parce qu’un stupide imbécile lui a écrasé la queue, et enfin des ânes qui réveilleraient des sourds lorsqu’ils déposent leurs affaires ! Je vais vous apprendre quelle est la différence entre le calme et le bruit. Vous comprendrez encore mieux tout à l’heure !» Le terrain de prédilection était au dehors du cantonnement, dans une forêt décapitée où persistaient des souches et des rejets d’arbres. Le commandement allemand avait fait abattre de part et d’autre des voies ferrées un espace boisé de 150 à 200 mètres pour mieux surveiller les installations ferroviaires souvent détruites par les partisans. Le barda* sur le dos, le masque à gaz au ceinturon, nous redoutions ces tracasseries. Ce furent des heures difficiles où nous avons dû arpenter les broussailles continuelles. «En ligne, en avant marche. Debout, avions à gauche, coucher...» Puis il nous fit mettre le masque à gaz. Plus d’un bougre s’affala, vanné par les séquences tyranniques. Le clou de la prestation fut la ronde effectuée en arc de cercle où l’homme de base tournait sur lui-même entraînant la compagnie à effectuer une course endiablée. Les derniers de la ligne couraient à perdre haleine pour rattraper les autres copains d’infortune qui pivotaient en marchant sur place autour de l’axe, les uns forcément plus vite que les autres. «Ah ! sacripant, pensions-nous, si tu te trouves un jour près des lignes russes, nous te réserverons le coup de pied de l’âne.» Mais, en général, ces lieutenants-là étaient affectés dans d’autres compagnies et nous les perdions de vue. Pour ce refus d’ordre, je fus renvoyé de Pruzzana vers Allenstein en Prusse-Orientale. Puis je fus muté en Yougoslavie dans la 114 ème Division de Chasseurs, où je fus aussitôt impliqué dans la chasse aux partisans. De là, je pris part, en février 1944, avec un groupe de sécurité, à la protection d’un convoi ferroviaire, transportant des vivres et des munitions en direction de l’Italie. Après notre arrivée, nous dûmes participer au combat d’Anzio-Nettuno, cette fameuse tête-de-pont près de Rome. Suite à deux semaines de combats, de tout notre bataillon il ne restait plus guère que deux cents hommes. Regroupés à Campanella près de Rome, sur le célèbre hippodrome, nous fûmes relancés dans la bataille à Venafro, non loin de Monte Cassino. Après une longue année d’attente et d’endurances, je reçus ma deuxième permission de 15 jours et je quittai le front le 18 mai 1944 pour arriver après dix jours de voyage par toutes sortes de moyens de locomotion, et même à dos de mulet ! à la maison. Ce fut le dimanche matin de Pentecôte 28 mai, au moment où la cloche sonnait sa deuxième volée pour la grande messe que je franchis le seuil du logis paternel ! Le 18 juin, je devais impérativement être de nouveau au Col du Brenner, sur la frontière germano-italienne, mon congé prenant fin ce jour-là. Mais je partis seulement le 18 de la maison, donc avec quelques jours de retard prévisibles, ce qui amena la gendarmerie allemande à venir effectuer une perquisition en règle au domicile de mes parents. Bref, tout se passa encore assez bien étant donné qu’une carte postale, que j’avais eu la bonne intuition de poster à la gare de Saarbrücken, arriva juste pendant cette perquisition, ce qui fit «lâcher prise» aux gendarmes. Je rejoignis donc, après avoir vadrouillé pendant plusieurs jours directement derrière nos troupes qui retraitaient, mon unité le 4 juillet à 6 heures du matin. Je dus de nouveau prendre part aux combats contre les Alliés. Nous étions postés dans une abbaye, à Citta di Castello, à environ 80 km de Florence. * Un barda désigne les effets et les objets qu’emporte un soldat dans le havresac, lorsqu’il part pour un bivouac. Il se compose d’une toile de tente roulée, d’objets de toilette, du nécessaire de cirage, etc... La ration de guerre comporte un paquet de Keks (biscuits secs) et une boîte de bourricot plus la gamelle : le tout était porté sur le dos. Le masque à gaz était accroché derrière, au ceinturon. Mon évasion Le matin du 21 juillet 1944, au lendemain de l’attentat contre Hitler, je dus en tant qu’agent de liaison, prendre contact avec l’état-major de ma compagnie. J’avais des ordres de retraite à faire suivre, vu que la liaison téléphonique était coupée et que les autres unités accolées à la nôtre s’étaient déjà toutes repliées à l’arrière. Obligé de traverser un talus de chemin de fer, je fus pris sous un feu nourri de mortiers adverses, ce qui me fit rebrousser chemin. Plutôt que de mourir pour la cause des Nazis, j’inventai un prétexte pour déserter : je conçus un faux-ordre que je filais transmettre aux hommes de la section en leur précisant qu’il fallait tenir jusqu’au dernier individu. « Oui, les gars, il faut résister sur place ! Décision sans appel du ‘pitaine » ! Mais comme l’attaque alliée était restée muette et n’avait pas pu de ce fait éliminer les témoins de mes propos, qu’allait-il m’arriver puisque le message-bidon que j’avais transmis allait me trahir lorsque le sergent viendrait au rapport ? Dans le courant de l’après-midi, je dus donc me résigner à déserter coûte que coûte, si je ne voulais pas passer devant le conseil de guerre allemand pour trahison. Mais pour ce faire, il me fallait marcher dans l’incertain, traverser des champs de maïs, puis des haies, et passer le Tibre à gué. En m’arrêtant au moindre bruit, (et ceci durant une heure), avec les nerfs à fleur de peau, j’avais à chaque pas que je faisais la sensation d’être tué par une balle des Alliés, ceux justement que je voulais rejoindre pour défendre ma patrie, la France. Enfin Dieu soit loué ! J’avais un bon ange-gardien et je réussis le plus grand exploit de ma vie en arrivant sain et sauf chez les troupes néo-zélandaises sans un coup de feu. Un jeune berger me conduisit dans une maison où séjournaient sept ou huit soldats kiwis. Ils eurent, ce jour-là, la plus grosse frousse de leur vie. Je m’engouffrai dans la pièce pour me constituer prisonnier et ce sont eux qui levèrent les bras ! Tout rentra finalement dans l’ordre et on me transporta sur un char Sherman à environ 30 km, à l’arrière à Arrezzo dans un camp de passage de prisonniers. Après avoir reçu à manger et à boire, un officier interprète m’interrogea sur les positions et armements des Allemands. Je lui fournis tous les renseignements en ma possession, vu que c’était encore un service rendu à ma patrie. Le lendemain, je fus transporté par train avec d’autres prisonniers sur Avezzano dans les Abruzzes. C’est de là, après deux semaines de détention sous des tentes et dans un parc à bétail, que je fus libéré par un officier français, apparemment curé de Haute-Yutz avant guerre. On m’emmena à Pozzuoli près de Naples où je fus incorporé dans la 1 ère Armée, dans le 19ème génie exactement. Je pris encore une fois part aux combats mais cette fois-ci du bon côté, jusqu’au 28 septembre, date à laquelle nous embarquâmes à Naples sur le Liberty-Ship Queen Elisabeth Stanton. Après avoir passé trois jours sur mer en passant entre la Corse et la Sardaigne, nous débarquâmes à Marseille le 30 septembre au soir. Nous y restâmes stationnés au repos jusqu’à la fin du mois d’octobre et nous prîmes la route en camion pour nous rendre dans le Doubs. En passant par la Haute-Saône et le Territoire de Belfort, nous montâmes en 1 ère ligne en Alsace jusqu’au mois de février 1945. Après la libération de Colmar, nous fûmes mis en repos. Nous étions stationnés à Wittelsheim près de Cernay. C’est de là que, par un décret renvoyant les mineurs dans leur foyer, je fus dirigé vers la Base Territoriale à Dijon d’où on me congédia le 7 mars avec en main une permission de longue durée pour reprendre mon travail dans les mines de Sarre-et-Moselle. C’est ainsi que le 9 mars 1945 au soir, cette malheureuse guerre se termina pour moi par mon retour à Seingbouse. Je pus à nouveau serrer dans mes bras mes parents et tous ceux qui m’étaient chers. Lettre adressée aux parents Clemens commentant la disparition de leur fils. O.U . le 31 juillet 1944 (Ort unbekannt, lieu non connu) Très cher Monsieur Clemens, Il me revient la désagréable obligation de devoir vous faire savoir que votre fils Raÿmund (Raymond) est porté disparu depuis le 21.7 .1944 près de Bainca à 2 km au Sud de Citta di Castello en Italie. Votre fils était affecté comme estafette chez l’un de mes chefs de section et il reçut l’ordre d’aller apporter une annonce à un groupe qui était stationné à environ 300 à 400 mètres des lignes de combat. Votre fils ne parvint jamais chez ce groupe et ne revint pas non plus devant la position d’arrêt des combats. Son itinéraire fut plus tard parcouru. Déduction faite, votre fils n’a pas pu en cours de route être blessé ou mourir puisque aucun tir ennemi n’est tombé. Espérons que votre fils puisse un jour revenir chez vous en bonne santé. Une annonce relatant les circonstances de sa disparition me rassurerait. Avec le salut allemand, Votre Holthuis, Chef de la compagnie. Imaginons après une telle annonce l’angoisse mortelle des parents !


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