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Survivre au jour
le jour à Tambow
Faut-il rappeler que les Alsaciens-Mosellans dérouillèrent au camp 188 ! Des milliers de leurs carcasses anonymes dorment agglutinés dans les charniers de la forêt-nécropole de Rada, à 12 km de Tambow-ville.
Tambôôve ! Deux syllabes qui sonnent le ré et le mi du glas. Parfois soixante morts en une nuit ! Morts de ? Les rescapés pourraient mieux que quiconque égrener leurs lents supplices : famine, sous-nutrition, vermine, sévices, travail forcé en forêt, dans la tourbière et à l’écluse, maladies radicales entassèrent les dépouilles dans la morgue n° 22 du camp 188, mais également dans la baraque 112 de la quarantaine.
22, les flics ! Une police au comportement tyrannique mettait au pas les Français bordéliques. Maintien de l’ordre et discipline qui font la grandeur des armées, voilà les deux manivelles qui firent tourner la machine concentrationnaire supervisée par Ioussitchev, le commandant russe. L’existence raisonnable qu’avaient connue les 1500 avant leur départ pour l’Algérie, devint, hélas, après le 7 juillet 1944, une pâle photocopie du modèle précédent. Le camp dit des Français, au fil du temps abhorré qui passait si lentement, s’apparenta dès lors plus à la descente aux enfers. L’hiver rigoureux trouva les captifs complètement dépourvus. Les sandales-godillots trempés par le froid polaire s’apparentèrent à des instruments de torture. Retirer les chiffons pourris permettait de découvrir des pieds gangrenés de parfaits cadavres ! L’affaiblissement de la résistance humaine dû à cette promiscuité, la marque olfactive de la décomposition émanant de la morgue et l’odeur méphitique du Bouc dans les tanières, où les rats pouilleux cohabitant avec les abjectes légions de parasites transportaient les épidémies et mordaient à tout va vivants et macchabées, ajoutèrent au stress des vaincus. A la déception de ne pas partir vers Alger s’additionnèrent embrigadement idéologique, épuisements, adversités en tout genre, vexations, maladies, morts, surpeuplement, favoritisme de quelques-uns et exploitation de milliers d’autres.
Voilà réunis les ingrédients explosifs qui allaient envenimer l’après-Tambow. La perte de contrôle de l’appareil policier par le Club qu’on accusa à tort ou à raison de tous les maux dès le rapatriement, fut le résultat de la séparation du politique avec le militaire voulu par la direction russe du camp ce qui fit, entre autres, émerger le rôle très discutable et criminel de certains sergents-flics, garde-chiourme aux mains couvertes d’ignominie, Ndr.
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« Camps de Jassy et de Minsk (lazaret) puis de Tambow. Mauvais hébergement, quarantaine, mal nourri, corvée de travail à la limite des forces restantes, quelques vidanges de latrines, manque de soins médicaux, conditions hygiéniques déplorables. Activité au kolkhoze, typhus soigné au lazaret. Rapatrié le 27 octobre 1945 (oedème dans les jambes, 47 kg au retour). » Boeglen Paul, né le 23. 07. 1923
« Camp de Kiev (mort de camarades), à Orsk (typhus, pleurésie avec fièvre et délire au lazaret, dysenterie 2 X, tourbière, kolkhoze, tuiles en bois). Transporté à Tambow avant de rentrer en France, je n’y ai passé que deux mois et tout était nettement mieux que dans l’Oural (nourriture, soins, etc…) c’est tout dire ! » Brenner Louis
« Camp de Kamenetz Podolsk avant de passer par Kiev, Orsk et Tambow.
Atteint du typhus avec fièvre très élevée, je n’avais plus le sens du toucher dans les doigts et j’étais presque aveugle. Sans réaction aucune, je ne pouvais plus attraper les poux et punaises. Oedèmes et poids de 40 kg au rapatriement. » Clos Alfred
«Fantassin français j’ai été capturé dans les Vosges le 15 ou 16 juin 1940. Evadé deux fois d’un stalag en Allemagne, j’ai été repris avec mon beau-frère, décédé maintenant. Instruction militaire menée en Lituanie. J’ai connu les camps de Memel, de Riga, de Nichni-Volotchek, de Moscou, de Tambow (avec des travaux effectués dans la tourbière, en forêt et dans un canal surnommé le canal de la mort) et enfin d’Odessa. Dans les trains, nous avons survécu sans eau ni nourriture, en étant fouillés sans arrêt par les soldats russes. J’ai connu au lazaret de Tambow la gale, l’œdème dans les jambes et le ventre, la perte de dents. La nourriture, le froid, les camarades qui mouraient ou qui partaient pour Kirsanow sans revenir ont été de durs moments à vivre. J’entends toujours les dawaï, dawaï, po piet, po piet, vite, par cinq. J’ai enduré ma captivité durant un an moins quelques jours. » Dauphin Marius
« J’ai été battu par un garde russe lors de la corvée de bois dans la forêt de Rada ». Diesch Célestin.
« Fantassin dans la Wehrmacht, j’ai été traumatisé par l’attaque des Stalinorgel et les massacres en particulier. J’ai été capturé dans une tranchée près de Vitebsk par un officier russe en mars 1944.
Dans les wagons de transport, des menaces de mort ont été proférées par des Polonais volontaires dans l’armée allemande. Suite à un accident survenu au camp de Tambow, j’ai perdu connaissance durant trois jours.
De nombreux camarades y sont décédés. Je pense toujours à l’abattage des arbres en forêt, aux privations de nourriture et à la vie dure passée au camp. Au bout de 18 mois de captivité, j’ai été rapatrié le 6 novembre 1945, pesant 43 kg avec des oedèmes dans les jambes et au ventre. » Epting Charles, né en 1918
« Tambow : manque de nourriture, cris des malades la nuit dans le lazaret, ces misères vous tiennent encore éveillé quarante ans après les faits. J’ai œuvré dans l’usine de tracteurs à 6 km de la ville de Tambow.
J’ai été libéré en octobre 1945. » Faller Eugène René, né le 05. 11. 1919
«15 janvier 1943, appelé comme fantassin, instruction en Pologne. 15 juillet 1943, départ pour le Mittelabschnitt où j’ai récolté une blessure à la jambe et à l’épaule droite provoquée par des éclats d’obus.
Je me suis évadé le 4 août 1944 durant les combats de Byalistock, avec la peur au ventre. J’ai été maltraité plusieurs fois. Nous avons végété trois semaines dans des wagons-à-bestiaux, presque sans nourriture, avant d’arriver à Tambow : abattage d’arbres en forêt, peur du lendemain, éternelle faim. J’ai été admis au lazaret (eau dans les jambes). J’avais un frère dans l’armée allemande. » Fichter Alfred, né en 1921
«A Tambow, la peur et la frayeur existèrent toujours du début jusqu’à la fin de la captivité. Je suis resté au cachot une semaine, puis j’ai passé trois semaines au lazaret où tous les jours disparaissaient quelques malades. J’ai participé une fois à la corvée de latrines sans compter le reste (faim, froid, parasites, morpions).
J’ai été libéré le 20 octobre 1945, avec 42 kg et de l’eau jusqu’au ventre.
Mon frère a également été prisonnier en Russie. » Fornoff Georges, né le 30. 09. 1925
« J’ai été interné le 28 août 1944 en Bulgarie puis remis aux Soviétiques. Notre colonne devait faire des marches de durée presque insupportable, sans voir de but à ces promenades homicides. Tambow : pénurie de nourriture, absence d’hygiène et manque de repos dû aux puces et punaises, assistance des derniers instants auprès de camarades qui auraient autrement agonisé dans l’indifférence. A cause de deux bouts de doigts de pied gelés, j’éprouvais des difficultés pour me déplacer. J’ai été rapatrié le 23 octobre 1945. » Fromageot Etienne
« J’ai été capturé à Pillau en Prusse-Orientale le 25 avril 1945.
Je suis passé par le camp de Walk en Estonie avec arrivée le 20 mai à Tambow. Durant l’abattage d’arbres, je me suis un jour égaré du commando-bois pendant plusieurs heures en plein orage.
Je suis tombé en dépression lors des premiers départs pensant devoir rester à jamais en Russie. Je n’ai été libéré que le 19 octobre 1945 (perte de dents, eau dans les jambes, 54 kg). » Fuchs Edouard, né en 1919
« Dans les baraques perdues au milieu des bois, saturées de puces, de poux et de punaises, nous étions couchés sur des rondins de bois, sans feu ni couverture en hiver. » Gauer Henri, né le 15.02.1913
« J’ai été fait prisonnier le 27 octobre 1944 près de Autz.
Je me suis évadé au cours d’un combat, en profitant de l’absence du sous-officier. Etant prisonniers, nous avons marché quelques kilomètres et nous avons été enfermés au-dessus d’une étable. J’ai d’abord séjourné au camp de rassemblement à Minsk. Alité au lazaret n° 7 de Tambow durant l’hiver 1944-45, j’ai constaté un matin que mes deux voisins étaient décédés. Mon meilleur camarade qui n’arrivait plus à avaler sa ration de pain m’a demandé d’échanger son pain contre mon café, ce qui signifiait la mort pour lui. Je l’ai supplié de faire moitié-moitié et de garder l’espoir qu’un jour nous retournerions de nouveau à la maison. Ce dernier a été rapatrié quelques jours avant moi. Malheureusement, en arrivant à mon domicile fin octobre 1945, j’ai appris par des collègues que ce camarade était mort au cours du transport de retour. Mon frère a fait la guerre en Italie. »
Gautner Julien, né le 28. 10. 1925
«….. A Tambow, lorsque nous ne pouvions pas abattre la norme de bois en forêt, les gardes nous battaient. » Geschwind Edouard
« Je suis passé par les camps de Vilna puis de Tambow (travaux dans le futur cimetière, abattage d’arbres et terrassement du sol). J’ai vu des camarades gravement malades mourir par faute de soins et de nourriture. » Gousse Jean-Pierre, né en 1916
« 15 mois de captivité à Tambow : travail dans la tourbière. Je pesais 40 kg à mon rapatriement, j’avais de l’eau dans les jambes, j’ai déploré la perte de dents à mon retour en France. » Grass André, né en 1925
« A Tambow, j’étais plein d’oedèmes, atteint de pneumonie et de dysenterie, aveugle la nuit. Mon Dieu, tout ce que j’ai vécu au lazaret pendant ma pneumonie ! Mauvais traitements, maladie, mort de camarades. Je pensais ne jamais plus revoir la famille. J’ai dû travailler à l’écluse. J’ai été rapatrié le 25 octobre 1945. » Greder Alphonse
« J’ai été prisonnier durant plus de 24 mois, j’ai connu plusieurs camps avant celui de Tambow. Nous avons signalé la présence de camarades morts dans les wagons en débarquant en gare de Rada, les malheureux n’avaient pas pu supporter les durs aléas du trajet. J’ai été transféré de Tambow vers l’hôpital de Wolsk avec des camarades français mourants. Le catalogue de mes maladies signale : otite, pleurésie, scorbut, paludisme, oedèmes, pneumonie. J’ai fait partie d’un commando de travail en ville et à l’écluse. J’ai séjourné à la caserne Reuilly à Paris le 21 octobre 1945. Grentzinger Lucien, né en 1914
« J’ai été capturé le 2 février 1944 à Dnieprovetchenka, sur le front Sud. De tout notre bataillon encerclé, il en est resté six blessés, dont quatre qui furent ensuite massacrés par des Mongols surexcités. Les deux seuls rescapés alsaciens dont moi-même, nous avons été transférés dans un camp près de Kharkov. Lors des marches, les retardataires qui ne pouvaient plus suivre étaient fusillés. J’ai été soigné au lazaret de Kiev pour typhus.
A Tambow, la besogne était très éprouvante surtout dans la tourbière et dans la forêt.
J’ai été rapatrié le 25 octobre 1945 après 21 mois et demi passés en captivité, avec des oedèmes dans les jambes et accusant un poids de 47 kg. » Gross Marcel
« Tambow : la mort permanente rôdait au camp avec son cortège de camarades décédant par suite d’épuisement, de faim et de mauvaise hygiène. J’ai travaillé en forêt, avec abattage d’arbres au programme. »
Guillaume Paul, né en 1924
« Tambow et son cahier de doléances : avec la baraque des morts, les corvées, notamment les waters à vider, le rassemblement journalier de l’appel par –40°C, pendant parfois deux heures, le froid, le travail à l’écluse…» Haag René, né en 1923
« L’événement le plus éprouvant fut la mort de nombreux camarades, j’en ai trouvé certains, morts au lever.
J’ai travaillé à l’écluse. J’ai été rapatrié en septembre 1945 accusant un poids de 46 kg. »
Haas Guillaume, né le 4. 3. 1914
« Fait prisonnier le 8 mars 1945 à Schmendkau (région de Dantzig), j’ai profité de la déroute de mon unité pour rester sur place et me rendre. J’ai transité par le camp de Polodsk puis par celui de Tambow.
Les cadavres ambulants eurent à souffrir de la faim, de la soif, de la vermine, du manque d’hygiène et des mauvais traitements. Le chargement des morts pendant la nuit, la découverte de fosses communes dans la forêt de chênes, ce sont des cauchemars qui me suivront dans la tombe.
J’ai été rapatrié le 3 octobre 1945 avec mes 34 kg. » Halbeisen Jean, né en 1926
« J’ai transité par les camps de Landsberg an der Warthe, de Posen, d’Orcha et de Toropesch avant de débarquer à Tambow et de passer par le lazaret. J’avais peur de rester à jamais en Russie, (corvées de latrines, mauvais traitements, camarades mourants, affaiblissement par insuffisance de nourriture et sa mauvaise qualité). J’ai trop travaillé dans de terribles conditions en forêt, au kolkhoze et au façonnage des tuiles en bois. Je suis retourné au pays le 28 octobre 1945 avec des oedèmes et la perte de dents. Des camarades sont morts lors du transport de retour. Pour mon bien, je ne veux plus parler de ces événements. » Halle Joseph, né le 25. 03. 1927
« J’ai été fait prisonnier le 25 juillet près de Kovno (Kaunas). Nous avons effectué trois jours de marche vers Vilna, sans nourriture et en souffrant de la soif, par une grande chaleur estivale. Les prisonniers à bout de forces étaient tués par les gardiens du convoi.
Au cours des dix-sept jours de trajet passés dans le train de Vilna à Tambow, il faisait très froid dans les fourgons dépourvus de chauffage, et nous n’avions que du pain sec et un seau d’eau par wagon et par jour !
J’ai effectué de durs travaux au commando de l’écluse avec des menaces de mort et de déportation à l’appui. Les baraques malsaines et sombres, les puces et punaises, les corvées, les barbelés, le manque de nourriture, le grand froid, les gardiens et les chefs du camp, chacun d’entre nous en a connu leurs méfaits. » Hartmann Paul
« Parti le 1er février 1944 dans le Mittelabschnitt, j’ai été capturé le 29 juin à Bobruisk. Nous avons marché 15 jours sans la moindre nourriture. Au cours de mes trois premières semaines de captivité, j’ai contracté une pneumonie. On m’a laissé sans soins : j’ai même été maltraité par un médecin-major allemand.
A Tambow, j’ai fait ce qu’on appelle des travaux forcés à la tourbière. J’ai été soigné pour typhus au lazaret. »
Hartmann Paul, né en 1915
« J’ai été soigné au lazaret de Brest-Litovsk pour dysenterie, puis je suis passé par le camp de Minsk avant de débarquer à Tambow où j’ai bossé dans la tourbière et la forêt. J’ai été enfermé au cachot cinq jours, dénoncé injustement par un chef lorrain. Départ de Tambow le 8 septembre, arrivée chez moi le 21 octobre 1945, pesant 48 kg. » Hassenforder Marcel, né en 1922
« Après un passage par Stotze, je suis arrivé dans l’Oural à Alabay où j’ai souffert de dysenterie. A l’entrée du camp de Tambow, au moment du départ, on nous a pris tout le ravitaillement, c’est-à-dire de la nourriture prévue pour une dizaine de jours destinée à couvrir nos besoins alimentaires jusqu’à Odessa (certains M-N ont pu partir avec les prisonniers français de 1940 récupérés par les Ruses en Prusse-Orientale, Ndr) et pour passer ensuite en Afrique du Nord. Je suis retourné au pays natal le 29 août 1945. » Haumesser Marcel
« Après le camp de Saporoshje, j’ai rejoint celui de Tambow. J’ai éprouvé une grande peur lorsque j’ai été forcé de creuser en hiver de grands trous pour enterrer par cinquantaine les camarades défunts. Après mon travail à l’écluse, j’ai été admis au lazaret (eau dans le ventre). J’ai été rapatrié en août 1945 avec un poids de 45 kg. »
Hazard J., né en 1921
« Après avoir vécu le bombardement sur Dresde le 14 février, j’ai été envoyé au front. J’ai combattu sur la frontière polonaise. Après notre capture le 8 mai 1945, nous avons longuement marché sur 500 km sans manger ni boire. J’ai séjourné au camp d’Auschwitz avant de venir à Tambow où j’ai travaillé au kolkhoze.
Faim, maladie, gale, poux étaient omniprésents. Je suis revenu malade de la peau et pesant 38 kg. »
Herbrech Etienne, né en 1927
« Instants inoubliables vécus le soir de Noël : j’ai rangé les corps de mes camarades dans la baraque des morts. J’ai travaillé en forêt et au kolkhoze. Je pesais 37 kg à mon retour. » Hirsinger Henri, né en 1920
« Notre convoi est parti de Focsani, en Roumanie. Serrés dans le wagon au point de ne pas pouvoir nous asseoir, nous avons passé trois semaines dans ce cercueil ambulant sans manger ni boire. J’étais en compagnie d’un Strasbourgeois et d’une soixantaine de Hongrois. Rongés par la vermine, nous avons aussi souffert du froid. Il y eut plusieurs morts. J’ai séjourné dans les camps de Tcheliabinsk (Oural) et de Tambow. J’ai côtoyé la misère, les puces, les camarades morts à côté de moi au lazaret. Il fallait soutenir et guider les camarades aveugles qui se traînaient dehors pour aller aux latrines la nuit. J’ai travaillé dans un sovkhoze. Après mon retour en octobre 1945, j’ai mis plus d’un an à me débarrasser de la gale, c’était très éprouvant. » Holtz Georges
« J’ai été fait prisonnier le 1er juillet 1944 dans le secteur de Bobruisk, étant encerclé pendant la retraite. J’ai été puni injustement plusieurs fois par les Russes. A Tambow, j’ai travaillé à l’écluse et au kolkhoze. Captif durant 16 mois, j’ai été libéré le 20 octobre 1945 (perte de dents et œdème généralisé constatés). » Hummel André
« Parqués dans une usine à ciel ouvert à Brest-Litowsk où il n’y avait rien à manger, nous avons connu, après un long voyage en train glacial, sans couverture, le camp de Tambow (pour ma part, j’ai travaillé en forêt et au kolkhoze). Damnée corvée de chiottes ! Tous les jours, on sortait les morts, entassés sur un chariot.
En janvier-février 1945, par tous les temps (froid, neige ou pluie), nous partions en corvée le matin dans l’obscurité jusqu’au soir, avec un peu de thé et du pain. Il faisait à nouveau nuit lorsqu’on rentrait.
J’ai été rapatrié le 22 octobre 1945, avec de l’eau dans les jambes. » Huntziger Fernand, né en 1923
«Fantassin formé en Allemagne, je suis parti sur le front en juin 1944. L’explosion d’une grenade m’occasionna une blessure à la poitrine. Faits prisonniers avec d’autres camarades en mars 1945 près de Thorn, les Russes nous ont cloîtrés dans une cave. On avait peur qu’ils nous tuent. Le lendemain, on nous a donné un seau d’eau avec quelques morceaux de pommes de terre. « Tovarich goujati ! » Le camp de rassemblement se situait en Lituanie. A Tambow, on a cru qu’on ne rentrerait jamais plus en Alsace.
Le vol de ma gamelle à soupe m’a marqué. Comment avaler le précieux liquide distribué sinon en attendant le bon vouloir d’un copain daignant me prêter son récipient ? J’ai travaillé au kolkhoze avant d’aller au lazaret tenter de soigner ma nyctalopie. Je pesais 48 kg au retour le 21 octobre 1945.
J’ai un frère né le 4 juillet 1923 qui est tombé en Pologne. » Hutter Armand, né le 21. 01. 1921
« Le 18 janvier 1943, instruction de fantassin en Tchécoslovaquie. Départ le 13 août pour le front central. Faits prisonniers le 13 septembre 1943 à Krupetz, il nous a fallu marcher plusieurs jours sans boire ni manger.
Le camp de Tambow et les tâches au-dessus de nos forces dans la tourbière, en forêt et à l’écluse rendaient les hommes squelettiques. On extrayait de la baraque des morts les cadavres pour les enterrer en forêt. Neige et froid nous ont gelé mains et pieds.
Prisonnier durant 26 mois, j’ai été libéré le 6 novembre 1945. » Isner Lucien, né en 1923
«Le 30 octobre 1943, j’ai été appelé dans l’infanterie pour être instruit en Pologne avec chasse aux partisans à Kielce. Départ pour le front russe le 7 mai 1944 dans la région de Tarnopol. Après les bombardements par l’aviation et par les orgues-de-Staline, nous sommes restés 20 à 25 rescapés sur notre compagnie forte de 120 hommes. J’ai été capturé le 21 juillet à Zborow en restant sur place. On nous a administré des coups de crosse et de fouet pendant la marche. Quelle galère de devoir vivre à 120 personnes dans des wagons fermés, prévus pour 80, sans air ni lumière ! J’ai séjourné dans les camps de Tchernigov et de Tambow. J’ai eu les deux pieds gelés. J’ai effectué des travaux forestiers et fermiers dans un sovkhoze administré militairement mais qui impliquait également des internés russes. Les maladies nous guettaient et nous disposions de peu d’eau ; durant les nuits, nous étions entassés dans des baraques dépourvues de lumière. J’ai perdu connaissance au moment du rapatriement (24 octobre 1945), dans le train près de Varsovie. » K. A., né en 1925
« J’ai été soigné au lazaret de Tambow pour cause de typhus. Le jour précédant le départ des 1500, on m’avait retiré du contingent sans doute pour avoir contesté l’autorité des chefs français. J’ai été plusieurs fois puni de corvées de latrines, j’ai travaillé en forêt. Nous avons surtout souffert des manques de nourriture et de soins, du froid, des puces, des punaises, des poux et des corvées supplémentaires. Que penser de la situation du camp et des baraques sinon qu’elle était désastreuse ! J’ai été rapatrié le 28 août 1945 après 22 mois de captivité (jambes enflées par l’œdème). » Kammerer Raymond, né en 1919
« Capturé le 30 avril 1945 après mon évasion, j’ai assisté à l’exécution de prisonniers. J’ai passé six mois à Tambow, (impliqué dans le commando de la forêt et au kolkhoze). Si l’on manquait singulièrement de nourriture, par contre on était saturé de punaises et de puces !
Oedémateux, je pesais 45 kg au retour pour une taille de 1,80 m. » Kayser Martin, né en 1926
« J’ai été capturé le 7 juillet 1944 à Stoboda en Russie, lors d’une patrouille de reconnaissance.
J’ai travaillé en forêt de Tambow. J’ai vu mourir mes amis à côté de moi. J’ai deux frères qui ont fait la guerre en Russie et qui ont été faits prisonniers ; l’un d’eux est porté disparu. » Keim Lucien, né le 11. 03. 1925
« Après le séjour d’un trimestre dans le camp de Stanislau en Galicie, j’ai vécu trois semaines de transport en wagon avec 80 personnes à bord avant d’arriver à Tambow. J’y ai séjourné 9 mois. Forêt, kolkhoze et atelier de fabrication de tuiles en bois m’ont vu défiler dans leurs espaces respectifs. J’ai passé deux semaines au lazaret (diarrhées, oedèmes plus la faim, aveugle). Nous avons enduré et supporté difficilement l’hiver avec ses – 23°C, sans vêtement et sans chauffage. J’ai participé plusieurs fois aux corvées de chiottes et au commando des cadavres (Leichenkommando). J’ai été libéré le 20 octobre 1945, (avec un poids flatteur de 62 kg au demeurant, car gonflé par l’eau dans les jambes). » Kellhofner Aloyse, né le 19. 04. 1923
« Sur le chantier dépendant du camp de Brest-Litowsk, des coups de matraque tressée avec du fil de fer nous ont été généreusement distribués. Je suis arrivé à Tambow en juin 1945. Après cette date, je n’ai plus été affecté à une corvée. Je suis rentré avec le 1er convoi (35 kg, perte de dents, eau dans les jambes). Pendant toute la durée de la captivité, j’avais peur de ne jamais plus pouvoir rentrer. » Kiefer Michel, né en 1925
« Fantassin allemand appelé le 18 mai 1943, j’ai été affecté en septembre dans le secteur de Vitebsk. J’ai eu deux pieds gelés dont la gravité a entraîné une amputation des doigts de pied.
Je me suis rendu aux Russes à Pilo le 25 avril 1945. Après une halte dans les camps de Koenigsberg et de Rubinsk, je suis arrivé à Tambow où j’ai vécu avec la peur et ses traumatismes psychiques qui ne se racontent pas. J’ai travaillé en forêt.
Rapatrié le 25 octobre 1945, je pesais 40 kg. » Kinné Joseph, né le 02.02.1924
« Après le passage au camp de Posen, j’ai été admis au lazaret de Voronej. Il n’y avait presque rien à manger au camp de Tambow. J’ai travaillé en forêt et dans un kolkhoze. Mon rapatriement a eu lieu le 24 octobre 1945. » Klein Jean
«A Tambow, j’ai été puni de plusieurs corvées de latrines. Je suis passé par le lazaret pour soigner mon typhus. La perte de tous mes camarades de la classe 1925 de mon village. Qui pense à la douleur des parents éprouvés ? Ne plus jamais passer par là ! J’ai été rapatrié en France le 21 octobre 1945.» Klein Joseph, né en 1925
« 20 février 1944, instruction comme Sanitäter (infirmier) en Prusse-Orientale et départ pour la Lituanie le 28 juillet 1944. Evadé des lignes allemandes, je n’ai rien eu à manger ni à boire pendant les marches forcées. Je suis resté prisonnier 15 mois à Tambow et dans d’autres camps de rassemblement avant d’être libéré le 20 octobre 1945. Faim et soif ont accompagné notre dur labeur quotidien. Au retour, je pesais 46 kg, les oedèmes gonflaient mes jambes et mon ventre. Mon frère a été également prisonnier des Russes. » Koeberlé Xavier, né en 1921
« Après la capture, nous avons marché de jour et de nuit, sans repos ni nourriture. A Tambow, s’effectuait tous les matins le ramassage des corps de camarades décédés pendant la nuit. Un chef m’a imposé une corvée de latrines. J’ai travaillé en forêt et fabriqué de tuiles en bois. Je suis resté sept mois en captivité, j’ai été rapatrié par train sanitaire en novembre 1945 (oedèmes dans les jambes et le ventre). » Kroepffle Adalbert, né en 1909
« Capturé à Putiwol, je suis resté prisonnier durant deux ans (abattage d’arbres entre autres occupations). Rapatrié de Tambow le 1er septembre 1945 vers la France, j’accusais un poids de 42 kg (il me faut préciser la perte de dents, mes œdèmes dans les jambes, et le fait d’avoir été aveugle la nuit). »
Kubler René né le 05. 11. 1920
« J’ai été capturé à Torun en janvier 1945. Gare aux retardataires éprouvant des difficultés pendant les marches forcées ! Il fallait toujours se tenir en tête des colonnes sinon ! J’ai vu mourir beaucoup de prisonniers dans un état lamentable et je vous répète à mon jeune âge ! La faim a été l’épreuve la plus difficile pour nos corps d’adolescents. J’ai abattu des arbres en forêt de Rada. J’ai été rapatrié en septembre 1945. »
Kurtz Gilbert, né le 28. 04. 1927
« Capturé le 10 janvier 1945 à Slubitz en Pologne pendant la retraite, j’ai connu les camps de Brest-Litowsk et de Tambow. Dans les wagons-à-bestiaux nous étions entassés sans eau et avec très peu de nourriture. J’ai vu des camarades mourir, victimes de jeûne absolu, ça remue. J’ai été dans une baraque où de jeunes soldats se sont amusés à tirer à travers la porte. J’ai été rapatrié le 19 octobre 1945 (typhus, jambes enflées, perte de dents ultérieure). » Lacour R.M., né le 17. 10. 1925
« Les conditions climatiques étaient épouvantables durant l’hiver 1944-45. J’ai travaillé à l’écluse. »
Lang Aloyse, né en 1912
« Nous avons enduré faim et soif pendant la marche qui nous a menés en quatre jours des environs de Minsk à Vilna. Tambow : j’ai enduré la faim, la dysenterie, le dur travail dans la tourbière, l’hiver mémorable 1944-45. La mort de tous ces camarades, quel gâchis de la vie humaine !» Langolf Jean-Paul, né en 1924
« Tambow avec ses stations dignes d’un chemin de la Croix : la maltraitance, la mort de camarades, l’injustice des kapos alsaciens, la soif, le manque d’eau, les poux, les punaises, les travaux en forêt et au kolkhoze. »
Lantz Valy, né en 1917
« J’ai été fait prisonnier le 16 mai 1945 à Pavilosta en Courlande, une semaine après la capitulation !
Nous n’avons rien eu à boire pendant les cinq jours de voyage qui nous a menés du camp d’Autz à celui de Moscou. C’était l’été, nous étions 100 hommes par wagon.
J’ai été victime d’une très forte dysenterie à Tambow, ce qui m’obligeait continuellement à filer aux cabinets. Malade de la sorte, je n’avais pas faim, je ne grignotais même plus mon pain, tant j’étais affecté. D’ailleurs, je n’ai jamais été au réfectoire, ayant toujours préféré manger ma minable croûte dans la baraque. J’ai refusé d’aller à l’infirmerie. Voir la baraque 22 (la morgue) et constater que j’étais aussi maigre que les morts, ça vous secoue ; même les plus intrépides étaient tout retournés. Je ne sais rien de ce que j’ai fait dans le wagon du retour lors de mon rapatriement (avec 42 kg sur la balance).» Lecomte Louis, né le 16. 05. 1925
« J’ai vécu dans les camps de Minsk, de Gorki et de Tambow. Promiscuité dans les baraques, camarades sous-alimentés, attente devant le point d’eau, mauvaise nourriture, vermine, punaises, poux, ont plombé mon séjour. J’accusais le poids de 39 kg à mon rapatriement le 3 octobre 1945. » Löhsl Henri Gaston, né en 1925
« L’unité s’est rendue le 8 mai 1945 en Courlande sous les vociférations des femmes russes et les jets de pierres. Je suis passé par le lazaret de Vilna. Je suis devenu journaliste-traducteur au camp de Tambow. L’insoutenable visite de l’infirmerie, le ramassage des morts le matin, ces visions-là resteront à jamais gravées.
Avec le recul, je pense que cette expérience dangereuse et douloureuse, dont on aurait pu se passer, était enrichissante intérieurement et m’a permis de méditer néanmoins sur le sens de la Vie et les vraies valeurs humaines ; ce fut aussi une occasion unique pour apprendre à connaître les hommes tels qu’ils étaient réellement, surtout en captivité. J’ai été rapatrié le 23 octobre 1945. » Lohstetter Willy, né en 1916
«Au camp de Reduitzanow, on a volé mes vêtements pendant mon sommeil. A Tambow, nous transportions les corps de camarades qui mouraient quotidiennement dans une baraque où étaient entassés les cadavres.
Nous devions endurer le manque de nourriture et le froid pour nous rendre au travail, au réfectoire, aux latrines. J’ai participé au ramassage de bois et travaillé au kolkhoze. Une broncho-pneumonie me laissa inconscient quatre jours….. » Louis Gaston
« Appelé le 10 juin 1944 dans l’infanterie, j’ai été affecté sur le front le 19 septembre puis capturé le 24 janvier 1945 en Pologne. Abattre des arbres en forêt de Rada a été l’un de mes boulots. J’ai été libéré le 1er septembre 1945 avec des oedèmes dans les jambes et le ventre. » Maeder Paul, né en 1927
«J’ai été fait prisonnier à Husi le 25 août 1944. Privé de manger et d’eau, j’ai été battu lorsque j’ai dit que j’étais Français. En passant dans plusieurs camps de transition, au début de la captivité, on s’est trouvé sans abri pendant presque un mois. Après le lager de Litsichansk, j’ai connu Tambow et sa désormais légendaire malnutrition. Je suis passé au lazaret à cause de la malaria. J’ai été libéré le 25 octobre 1945, (avec perte de dents et oedèmes). » Marx Marcel, né en 1921
« J’ai combattu à Orcha, mais j’ai été capturé fin juin 1944 à Bobruisk, étant encerclé pendant la retraite. Lors des marches forcées sans nourriture et surtout sans eau à boire, j’ai constaté amèrement que la soif est encore plus terrible que la faim !
Après le camp de Bobruisk, j’ai été hospitalisé au lazaret de Winprisk pour y soigner les séquelles de ma blessure de guerre survenue en mai. En forêt de Tambow, j’ai participé à l’abattage d’arbres et je me suis ressourcé au kolkhoze. Insuffisance de nourriture, mort journalière d’Alsaciens causée par le manque de soins, comportement abusif des chefs français envers leurs malheureux camarades sans défense, hygiène déplorable, incompréhension des Russes vis-à-vis des incorporés de force avec leur préférence manifeste donnée aux Allemands, impossibilité de pouvoir écrire à nos familles par l’intermédiaire de la Croix-Rouge et rétention d’informations concernant l’avance des troupes alliées et le déroulement de la guerre ont contribué au malheur des captifs. Mon rapatriement a eu lieu le 3 septembre 1945, je pesais 45 kg. » Metzger Edmond, né en 1917
« Fait prisonnier au sud de la capitale polonaise le 16 janvier 1945, j’ai transité par les camps de Pulawy, de Segesa avant de filer à Tambow (avec abattage d’arbres et façonnage de tuiles au programme). Les malades dans les baraques, le travail, le rien à manger ou le presque rien, le manque d’affection et l’absence de nouvelles de la famille ont terni le tableau. J’avais très peur de ne pas pouvoir rentrer en France après le départ du premier convoi d’août 1945. » Meyer Alfred, né en 1925
« Affecté dans la région d’Orel en février 1943, j’ai déserté le 30 juin 1944 dans le secteur bouleversé de Bobruisk. Dans le 1er camp à Astachko, j’ai travaillé dans l’écluse. J’ai participé à la construction d’un canal à Nichni-Wolotschek. Aveugle la nuit à Tambow, j’ai séjourné dans la baraque des convalescents après mon retour du commando-bois. Le fait de voir mourir des camarades par défaut de toutes mesures d’hygiène et de médicaments a été moralement épouvantable. »
Meyer Gérard, né en 1924
« Après les séjours rapides dans les camps de Byalistock et de Minsk, on a déploré durant le transport vers Tambow la perte de beaucoup de copains. J’ai contribué à la fabrication de tuiles, aux réparation et construction de baraques. Particulièrement éprouvante était la mort des copains. J’ai été rapatrié le 12 août 1945. »
Muller Ernest, né en 1922
« J’ai connu les camps de Wolhau, d’Oppeln. A Tambow, l’abattage d’arbres puis le travail à l’usine de wagons ont figuré sur mon programme de captif exploité. Tous les jours, je voyais qu’on enterrait des morts. J’ai été libéré le 27 octobre 1945, avec de l’eau dans les jambes et dans le ventre. » Muller Joseph Jules, né en 1925
« J’ai été capturé le 18 avril 1945 à Francfort-sur-L’Oder. Après une marche forcée et pénible qui n’a pas arrangé le moral, nous avons été entassés par centaines dans des wagons pendant 8 jours. Passages successifs par les camps de Posen, de Landsberg, puis dans un camp près de Moscou et enfin de Tambow (abattre des arbres en forêt). J’ai quelquefois été puni de corvées de latrines, j’ai séjourné au lazaret pour y soigner dysenterie et maux d’intestins. Travail dur et peu de nourriture rimaient ensemble. Tous les jours beaucoup de camarades mouraient de maladies ou par faiblesse. Mon frère a été incorporé dans la Wehrmacht. » Muller Léon, né en 1912
« Une longue captivité de 25 mois m’a vu transiter par les camps de Kharkov, de Riabov et d’Arsk avant d’arriver à Tambow-Rada. Que de morts pendant le transport de la gare de Rada à Arsk (Kazan) ! J’ai été hospitalisé à Orsk pour mes pieds qui avaient gelé au 2ème degré entre Kharkov et Tambow, par –25°C dans le wagon, mais aussi pour dysenterie et infection des bronches. Des camarades sont morts devant moi. On finissait par s’y habituer. A Riabov, près d’Ijevsk, j’ai travaillé dans une tourbière (perte de connaissance), en forêt et au kolkhoze. J’ai eu l’occasion d’écrire sur une carte du Croissant rouge turc : elle n’est jamais parvenue à mes parents. J’ai subi une fois un interrogatoire sévère mené par le politruk de Rada. Dans la tourbière dépendant du camp 188, j’ai été puni d’une nuit passée au karzer pour m’être éloigné du chantier.
Patienter durant les interminables proverkas par – 35°C (appel-contrôle), attendre la maigre pitance du matin jusqu’au soir, se réveiller le matin avec les morts à côté de soi, endurer les douleurs dans les pieds gelés, l’incertitude concernant la distribution de pain et de soupe, la faim, la faction de planton devant la baraque par –40C°, les corvées de tinette, la brutalité des kapos et des Russes, les fouilles, le bania (ablution avec une écuelle d’eau !) en hiver, les maladies, voilà résumé notre vécu horrible là-bas ! Lors des appels et durant les sorties de corvées de bois, nous avons reçu des coups de pied et de poing sur la tête. Les chefs français n’avaient pas besoin de référer aux Russes pour maltraiter ou incarcérer leurs co-détenus.
Qui peut se représenter le calvaire de 25 mois de captivité passés en Russie ? Ceux qui l’ont effectivement vécue se taisent. A notre rentrée, en a-t-on parlé à Paris ? Mais de nos jours, face au battage médiatique, les prisonniers comme Kaufmann, ex-otage du Liban, ont eu droit aux larges échos de la presse écrite et parlée. Nous, notre condition est restée sans voix. » Nachbauer François
« J’ai été incorporé le 30 septembre 1943 dans la Luftwaffe (passage par Romorantin). Affecté au front russe le 12 novembre 1943, j’ai pris du service à Minsk le 2 mars 1944. J’ai combattu sur le front à Bobruisk où j’ai été fait prisonnier le 28 juin 1944 après m’être échappé des lignes allemandes. Camps de Urjupinsk et de Tambow (travail en ville). J’étais responsable de corvées. Je suis rentré le 21 octobre 1945. »
Nicard Jean, né le 11. 02. 1914
« Le 26 juin 1943, départ dans l’infanterie. Trois mois après, j’ai été affecté dans la région de Smolensk, avec, à la clé, des combats contre les partisans à Minsk. J’ai été blessé au genou. Mes derniers combats se sont déroulés à Gravas où j’ai été fait prisonnier le 25 août 1944 en traversant les lignes russes.
A Tambow, j’ai connu le travail au kolkhoze, les privations, l’internement, le matraquage. Le rapatriement a débuté le 12 septembre 1945, 47 kg. » Nichtke Lucien
« A Tambow, j’ai participé à la réparation de voies de chemin de fer. Je suis rentré en novembre 1945, pesant 40 kg environ, avec des oedèmes partout. » Oliger Robert, né le 20. 04. 1925
« Le 22 avril 1944, j’ai été appelé dans l’infanterie à Thorn et envoyé en novembre sur le front de Memel. Capturé en février 1945 entre Tilsitt et Ragnit, j’ai vécu six mois à Tambow en faisant connaissance avec les fléaux de la faim, de la soif, des poux. J’avais des blessures ouvertes aux jambes. J’ai trimé en forêt. »
Pfleger Laurent, né en 1911
« Passage par les camps de Pensa et de Tambow (kolkhoze, fabrication de tuiles). Froid, malnutrition, maltraitance commise plusieurs fois par les chefs français. » Printz Nicolas, né en 1916
« Ne plus revivre les combats ! J’ai séjourné dans les camps de Stanislau et de Tambow. Pendant des heures, il fallait faire la queue pour un peu d’eau ; les kapos, soi-disant français, nous renversaient nos boîtes. J’ai travaillé en ville. La faim, la peur du lendemain ! J’ai été libéré le 18 novembre 1945. » Ravaux L., né en 1923
« Tambow : j’ai travaillé au kolkhoze et au commando-bois. Comment ne pas évoquer le lent dépérissement de l’être humain réduit à l’état de la bête avec son seul souci permanent : la nourriture, la faim et toujours la faim ? » Rech Raymond
« Capturé le 11 mai 1945 en Tchécoslovaquie, j’ai travaillé en forêt de Tambow puis j’ai été contraint et forcé de turbiner aux corvées de latrines en compagnie la faim, la soif et les célèbres puces. J’ai soigné le typhus au lazaret. J’ai été libéré le 3 septembre 1945. » Riff Albert, né le 10. 06. 1922
«Passage par le camp de Bougourouslan dans l’Oural puis séjour calamiteux dans celui de Tambow (travail au kolkhoze). Heures affreuses durant toute la captivité, mort des camarades. Il n’y avait rien à manger, j’ai eu droit aux corvées de latrines, j’ai vu des camarades enterrer les nôtres.
J’ai été libéré le 25 octobre 1945. » Ringenbach Henri, né en 1923
« J’ai été capturé le 8 mai 1945 dans la région de Mitau. Marches forcées pénibles. J’ai connu les camps de Riga et de Tambow (travail en ville, au dépôt de chemin de fer). Vision des camarades malades à en mourir, manque de ravitaillement. Retour le 23 octobre 1945. C’était une chance d’avoir pu survivre après avoir enduré une si mauvaise captivité. » Schaffhauser Victor, né le 11. 09. 1912
« Nous avons mis huit jours pour parcourir en train les cent kilomètres de trajet entre Rembersdorf et Brest-Litovsk, entassés à 80 personnes par wagon.
Camps de Brest-Litovsk (lazaret) et de Tambow. J’étais en quarantaine à côté du lazaret, ce n’était pas beau à voir les copains sur le point de mourir. J’ai travaillé en forêt. Rapatrié en septembre 1945. »
Schappler René, né en 1926
«Affecté sur le front après la capitulation des Hongrois, je suis passé par la Pologne et la Prusse-Orientale au gré des combats et des retraites. J’ai été capturé le 22 janvier à Schroedersburg en étant encerclé.
J’ai vécu neuf mois de captivité à Tambow (abattage d’arbres en forêt). Admis au lazaret pour y soigner le typhus, je ne puis oublier la cruelle faim et le manque d’hygiène.
Mon frère était prisonnier en Russie. » Schaub Joseph, né le 14. 07. 1912
« Le 14 octobre 1942, envoi dans les Gebirgspionier en Autriche. En février 1943, départ pour Stalino. Derniers combats en Tchécoslovaquie où j’ai été capturé le 10 mai 1945.
Tambow : travail en forêt et façonnage de tuiles en bois. » Schiele Henri
« Capturé près de Memel le 29 janvier 1944, j’ai été maltraité plusieurs fois par les Russes. J’ai dû travailler dans les autres camps.
Tambow : commando-bois. » Schillinger Pierre, né en 1925
« Je suis passé par les camps de Stenstowa (pas d’activité car j’étais soigné pour dysenterie, les forces partaient mais le moral aussi), de Stanislau (menuiserie, gare) et de Tambow (chercher du bois dans la forêt plus autres activités forestières ainsi qu’au kolkhoze et en ville). Pour aller au WC, il fallait courir à l’autre bout du camp. Au cours du trajet retour de Tambow vers Francfort-sur-L’Oder, 75 gars ont été enterrés le long de la ligne de chemin de fer. » Schoenstein Frédéric, né le 7. 10. 1911
« Tambow : dysenterie, corvées, maladies, hygiène, poux et puces, physionomie des copains lorrains effrayante à voir. » Schreiber Gaston, né en 1923
« J’ai séjourné dans le camp de Kotla Jaerwe avant d’arriver à Tambow. J’ai pris part à l’abattage d’arbres en forêt et travaillé dans l’atelier Tracteur Rémonté à Tambow-ville. J’ai été rapatrié au pays le 20 octobre 1945, accusant un poids de 41 kg. » Schutz Jean, né en 1920
« J’ai été capturé le 7 octobre 1944 quelque part en Prusse-Orientale en m’échappant du front.
Tambow : j’ai travaillé en forêt, dans un kolkhoze et dans une usine. J’étais toujours dehors pour trimer, j’ai passé seulement l’hiver au camp (avec quelques corvées de chiottes à mon actif). On n’avait pas beaucoup à manger, même à l’extérieur du camp. J’ai toujours ressenti une peur intérieure, celle de ne plus revoir mon pays. Retour au pays le 20 octobre 1945. » Schwartz Henri, né en 1924
« J’ai séjourné huit mois à Tambow avec de l’abattage d’arbres au programme ; au retour, nous avons passé un mois dans des wagons à marchandises. Je suis revenu à Mulhouse le 2 septembre 1945.
J’ai un frère qui est mort en Russie. » Schwartz Lucien
« Camps de Kiew et de Tambow (usine de tissage). J’avais froid pendant les corvées de bois et je grelottais au moment où j’étais couvert de gale. A partir du mois de mai 1945, j’ai travaillé dans l’usine de tissage, durant 12 heures par jour jusqu’au jour de ma libération. La faim obsédante m’obnubilait. J’ai été libéré le 21 octobre 1945, (perte de dents, eau dans les jambes, typhus). » Schwob Marcel, né en 1923
« Tambow : j’ai surtout participé à l’abattage des arbres et à l’écluse. J’ai été puni une fois de corvée de chiottes pendant trois jours. » Stachle Jean, né en 1925
« Mars 1944, période d’instruction en Pologne, service en Lituanie. Derniers combats à Arida, capturé en juillet 1944. Camp de Tambow, travail au kolkhoze. J’ai été libéré 14 mois après (11 septembre 1945). »
Stich Roger, né le 11. 09. 1926
« Camps de Mitau, de Borissov et de Tambow. Avant tout, j’éprouvais fort le mal du pays, la nostalgie de la maison. Voici les événements communs subis par tous mes camarades de captivité : manque d’hygiène et de soins médicaux, corvées de bois, rigueurs de l’hiver, absence de nouvelles de la famille, rigueur des chefs (policiers, chefs de bataillons et de baraques), couchage sur la planche nue sans matelas ni couverture pendant six mois d’hiver, vêtements élimés, chaussures inexistantes.
J’ai été membre de la chorale (directeurs Rosenblatt et Mitschi) après mes quatre mois passés en quarantaine. J’ai été rapatrié par avion de Braunschweig à Paris le 27.08.1945, je pesais encore 39 kilos. »
Stienne Lucien, né en 1911
« Capturé le 3 octobre 1944. Après le séjour dans le premier camp qui fut bombardé durant trois semaines, nous connûmes également des bombardements durant les longues marches vers l’arrière et subîmes des maltraitances commises par les soldats russes. J’ai soigné le typhus au lazaret de Tambow. J’ai travaillé dans le commando-ville. J’ai tout vécu dans un état second (la faim, le froid, les punitions injustes, les corvées de bois, le cachot, plusieurs corvées de latrines). Je suis rentré au pays natal le 10 septembre 1945 (48 kg, aveugle la nuit, œdème général). Mon cœur n’a pas cessé de battre la chamade pendant toute la rédaction de ce questionnaire. »
Tabouret Roger, né en 1924
« Capturé le 8 mai 1945 à l’Armistice. Lors des marches, j’avais peur de la réaction vindicative des unités blindées. Camps de Riga et de Tambow (usine de wagons, fabrication de tuiles en bois). Le travail et la faim.
J’ai été rapatrié en France le 21 novembre 1945. Mon frère n’est plus rentré de captivité. »
Tempel Joseph, né en 1916
« Tambow : travail en forêt, au kolkhoze, en ville. Aveugle à cause de la faim, j’ai perdu mes dents durant la captivité, j’ai souffert de la typhoïde. Peur de mourir, faim, froid, double hantise de ne plus revenir au pays et revoir la famille ont peuplé mes nuits de cauchemars. Le 26 novembre 1945, je pesais 42 kg au retour. »
Thill Jean, né en 1922
« Tambow : J’ai vu des voitures entières chargées de prisonniers, complètement nus, conduits dans les fosses communes par les gardes russes ! 100 morts par jour en moyenne dans ce camp ! Un camarade était tombé dans la fosse à merde. Revenu dans la baraque où nous étions, il ne put ni se laver ni se changer ! J’avais toujours la peur d’être désigné pour partir en commando ou aller en corvée. J’ai abattu des arbres en forêt, j'étais charpentier au camp. Revenu dans mes foyers en septembre 1945, je pesais 40 kg, j’étais plein d’œdèmes (jambes et ventre). » Thill Paul
« Tambow : corvée de neige. J’ai été libéré le 23 octobre 1945 après six semaines de transport. » Thirion Georges, né en 1925
« Capturé le 26 juillet 1944 à Ostromeczewo-Plenta après mon évasion des lignes allemandes, j’ai passé un mois à Brest-Litowsk, un autre mois à Bobruisk et onze mois à Tambow (travail en forêt). Le 29 août 1945, ce fut le retour (43 kg, perte de 18 dents chez moi). » Unger Paul, né en 1922
« 5 camps de passage (dont un lazaret), Kaunass (Panzerwerk, piste d’atterrissage, atelier de mécanique) avant d’arriver à Tambow (forêt). Cauchemars de peur pour la survie. Je suis resté inconscient un jour et une nuit en apprenant la mort de mon frère à Tambow. Rapatrié avec 40 kg et de l’eau dans les jambes. J’ai connu toutes les misères de la guerre au lieu des joies de la jeunesse. » Vetter René, né en 1926
« Avant d’arriver au camp, j’ai été frappé à la tête et j’ai récolté des coups de crosse dans le dos. Les quinze jours durant lesquels j’ai souffert de la diarrhée, je n’ai rien pu manger, même pas du pain. Le travail était épuisant dans l’écluse. J’ai été rapatrié le 12 novembre 1945. » Vogel Nicolas, né en 1923
« J’ai été capturé le 11 août 1944 comme déserteur. A Tambow, j’étais employé comme cordonnier. La mort d’un camarade m’a marqué. J’ai été rapatrié le 15 août 1945 (40 kg au retour, eau dans les jambes). »
Von Hoff René, né en 1921
« L’invasion des puces, les appels interminables et fatigants vu l’état de faiblesse des prisonniers, l’impossibilité de faire sa toilette, le manque d’eau, les baraques perméables aux infiltrations de pluie dégoulinant sur les captifs durant le sommeil, l’évacuation matinale des morts de la nuit, le manque de camaraderie et de solidarité, c’est simplement ça, Tambow !
Sur le trajet retour à Brest-Litovsk, j’ai été enfermé pendant une heure dans le wagon d’un train garé sur une voie contiguë à la nôtre pour avoir dérobé dans ce train un morceau de fil de fer dont j’avais besoin dans mon wagon. Cet isolement a provoqué en moi une peur bleue parce que notre convoi de rapatriement pouvait partir à chaque instant sans moi. Heureusement j’ai été libéré avant son départ ! Retour au foyer le 25 octobre 1945. »
Walter Robert, né en 1923
« Après le camp de Minsk, j’ai connu celui de Tambow. En forêt, j’ai été menacé par une sentinelle avec sa baïonnette ; j’ai séjourné au lazaret après ma blessure occasionnée au pouce droit pendant les travaux de bûcheron. A deux reprises, j’ai trouvé un voisin de droite mort à mon réveil. Drôle de choc !
Libéré le 21 octobre 1945, j’étais resté une année sans nouvelles de la famille. Violoniste, j’ai arrêté la musique à mon retour de Tambow. J’avais deux frères prisonniers en Russie.» Walzer René
« Passages dans les camps de Debica, de Pržemysl et de Tambow. Très malade de la dysenterie, j’ai souffert de la faim et de la soif au lazaret de la quarantaine. J’ai été choqué par la mort de camarades survenue dans tous les camps que j’ai traversés ; il y eut beaucoup de promesses non tenues évoquant la prochaine rentrée dans nos foyers, j’ai surtout connu la faim et la soif. J’ai été rapatrié le 21 octobre 1945. » Weinmann Henri, né en 1923
« Camps de Riga et de Tambow (réparation de baraques).
Effroi de voir tous les matins des camarades décédés à mes côtés, peur de figurer à mon tour parmi les prochains, faim, froid, manque d’hygiène, attente incertaine du rapatriement, mortalité élevée parmi les camarades. »
Weiss Albert, né en 1920
« Transféré d’un camp situé à la frontière tchèque, j’ai atterri à Tambow. J’ai transporté des morts dans les fosses communes et j’ai travaillé également dans les kolkhozes. J’étais dans un grand état de faiblesse générale due à la dysenterie aiguë et aux rhumatismes articulaires. J’ai été rapatrié en France en octobre 1945. »
Wignell Paul, né en 1925
« J’ai été capturé le 5 avril 1944 à Ohrei en Bessarabie, après m’être échappé des lignes allemandes. Passage par le camp de Stalino avant d’arriver à Tambow : l’abattage d’arbres, la faim, le froid, l’eau dans les jambes. J’ai été plusieurs fois maltraité par les Russes. » Wir Paul, né en 1915
« Après le camp de Kiev, je suis passé au lazaret de Tambow pour y soigner pleurésie et dysenterie. La faim, la fatigue, les souffrances. J’ai été libéré le 28 août 1945 (poids de 39 kg, perte de dents, jambes enflées).
Campagne de Russie d’un frère. » Zerfuss Amédée, né le 25. 08. 1921
« 4 mois à Nishni-Taghil (Oural) et 10 mois à Tambow (hiver passé au lazaret, puis à l’atelier couture). »
Zeyer Léon, né en 1925
« En fin d’été 1944, la quarantaine et sa période d’instruction politico-militaire à Tambow ont été suivies par le creusement des fosses communes, situées au dehors du camp. Comme la pluie provenant des orages traversait le toit de la baraque, il fallut évacuer notre gourbi. Nous avons dormi sur des planches, sans couverture, sans nous déshabiller, pendant toute la captivité. La soif, la faim, autres fléaux ! Durant l’hiver avec ses – 40°C, il fallait sortir chercher du bois en forêt. La morgue n° 22 était pleine de morts qu’on empilait comme du bois, faute de place. Sur le chemin de retour, fin août 1945, alors que je pesais encore 39 kg, je fus hospitalisé à Braunschweig, pour cause de dysenterie. » Ziegelmayer Georges, né en 1922
« Tambow : j’ai effectué des travaux en forêt, au kolkhoze et participé à la construction de ponts. »
Ziegler Gustave
« Passage par le camp de Kiev. Tambow (tourbière et forêt), lazaret (typhus). »
Zurbach Maurice, né le 05. 08. 1925