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Battman Marcel

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« Incorporé le 16 octobre 1942, j’ai été formé et instruit au métier de la guerre dans des régiments d’infanterie établis dans les casernes de Naumburg an der Aale et de Cholm.

Je partis en février 1943 dans le Kouban.

Je me rappelle que, lors d’une contre-offensive allemande opérée près de Stalino, j’y avais perdu mon casque. Le lieutenant m’ordonna aussitôt d’aller le récupérer. Pendant que je partais à sa recherche, l’aviation russe, par vagues de vingt-cinq bombardiers, pilonna la forêt dans laquelle s’était camouflé mon régiment. A mon retour, je n’ai plus rencontré âme qui vive, sinon des cadavres. Moi-même blessé à la jambe gauche, je ne savais où aller ni que faire. J’ai tourné en rond durant un jour et une nuit, sans rencontrer âme qui vive pour me soigner.

En mars 1944, en compagnie de quatre camarades alsaciens et d’un Autrichien, j’ai traversé les lignes du front allemand sur appels à l’évasion lancés par haut-parleur, à l’instigation des Russes.


Pendant la marche forcée vers un camp (dont le nom m’échappe), un officier russe vint au cours de la nuit du 16 mars 1944 dans le hangar où nous dormions. Il fit feu dans tous les sens.

Un copain fut tué net d’une balle dans la tête : il se nommait Scheurrer Pierre, natif de Gungwiller dans le Bas-Rhin. Un second prit une balle dans le mollet.

Le lendemain matin en accord avec quelques camarades dont Elles René, on commença à creuser un trou pour ensevelir l’infortuné compatriote. Mais les Russes refusèrent son enterrement. Pour avoir osé prendre une telle initiative, je reçus un coup de crosse de fusil à travers la figure. Résultat  de l’opération : blessure à l’œil gauche et nez cassé !

Me méfiant désormais de l’attitude intraitable des sentinelles d’escorte, j’ai dit au copain blessé à la jambe de ne pas se présenter à elles comme blessé. Mais après un trajet éreintant de 50 km, le malheureux n’en pouvait plus. Plus jamais je n’ai eu de ses nouvelles : il s’appelait Allenbach Alfred et il était originaire de Lichtenberg.

Après le camp de Krivoï-Rog, je suis arrivé en juillet 1944 à Tambow. Pendant l’hiver 1944-45, j’ai fait partie du commando chargé d’ensevelir les morts. Il nous fallait aller repêcher les cadavres dans la baraque 22, inondée par un mètre d’eau. Désigné pour tenter de récupérer les dépouilles, dont certaines baignaient au fond de la salle macabre, un camarade, en voulant les saisir, tomba instantanément mort.

Classé dans la catégorie n° 2 par suite d’une décision de la commission médicale, j’ai d’abord travaillé dans la tourbière. De retour au camp et, quoique déclaré convalescent malgré ma faiblesse caractéristique, j’ai tout de même dû aller bosser dans un kolkhoze.

J’ai été puni de six jours de cachot (karzer) et une seule fois, de la corvée de latrines pendant huit jours.

En juillet 1944, j’ai pu serrer dans mes bras mon frère, prisonnier malheureux comme moi au camp de Tambow, et six mois après, mon deuxième frère ! L’un d’eux est mort après sa libération.

 

Lors de mon rapatriement, j’ai été opéré pour un œdème à l’épaule droite à Braunschweig puis transféré par avion, trois jours après, sur un hôpital parisien où j’ai séjourné dix jours, histoire de me retaper vaille que vaille. » Battmann Marcel, né en 1924 


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