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« Incorporé dans l’armée allemande le 18 avril 1943, j’ai passé les stages de radio-télégraphiste Funkmelder à Ostrolenka, une localité rebaptisée Scharfenwiese pendant l’occupation allemande.

Au printemps 1944, mon unité fut engagée dans la région de Kiev. Comme radio-opérateur affecté dans la section de transmissions, je partais alors dans les avant-postes avec l’officier d’artillerie. Ce dernier, après avoir repéré les forces ennemies, s’ingéniait à les détruire par des jeux de tirs qu’il proposait par radio à notre artillerie basée à l’arrière. Ma mission consistait à transmettre aux canonniers, par phonie, les coordonnées de balistique que le gradé calculait en leur désignant les cibles repérées sur une carte quadrillée d’état-major. Ayant dû un jour traverser une forêt, nous tombâmes sur des unités russes d’infanterie et d’artillerie qui s’y étaient embusquées. Pris au dépourvu, nous nous retrouvâmes coincés dans un chassé-croisé terrible, avec un feu nourri délivré de part et d’autre. Les Russes étaient même appuyés par l’aviation. Malgré le beau temps, il faisait noir ce jour-là comme dans une pleine nuit d’encre. Ce feu d’artifice dura entre deux et trois heures qui furent pour moi les plus atroces de ma vie. Plus de la moitié de nos effectifs furent anéantis, tués ou blessés. Comme par miracle, je m’en suis sorti sans blessures graves, mais meurtri à tout jamais dans mon âme, car j’avais frôlé la mort de près. Conséquence plus grave, beaucoup de mes camarades d’infortune y restèrent à jamais. Evadés le 19 juillet 1944, aux environs de Kamionka au nord de Lvov, avec trois autres camarades, nous nous cachâmes dans une meule de foin en pleine campagne. La nuit suivante, nous nous rendîmes à une unité de tankistes russes. Trois de leurs soldats, placés sous l’autorité d’un sous-officier, nous dirigèrent sur un P.C. établi en pleine forêt. Tout au long du trajet, ils gardèrent tous les quatre leur pistolet braqué sur notre nuque. Ce fut pour chacun d’entre nous le calvaire. Nous étions désenchantés de l’accueil qui nous était réservé ! Par chance, l’officier qui dirigeait le poste de commandement était un colonel qui causait bien le français et connaissait notre situation d’Alsaciens, car il avait séjourné avant guerre, pendant quelque temps en France. Je dois reconnaître qu’il a été très correct avec nous, mais une fois livrés à ses subalternes, ce n’était plus pareil.

Pendant les longues marches absorbées difficilement pour atteindre notre premier camp de regroupement, et les exactions se déroulant en général pendant les nuits, les gardiens nous fouillèrent continuellement de la tête aux pieds. Et aucune cache ne leur échappait ! Ils me raflèrent tout : montre-bracelet, alliance de mariage, souvenirs et photos de famille, portefeuille avec l’argent, mouchoir, etc…si bien que j’étais complètement dévalisé. Quand le premier de ces messieurs s’était servi, un autre garde arrivait et s’ingéniait à trouver sur nous une cachette que le précédent n’avait pas décelée. Si le gardien ne trouvait plus rien, le prisonnier recevait des coups de crosse de fusil assénés par dépit. Cette fouille au corps musclée dura jusqu’au camp de transit. Le premier soir de notre arrivée là-bas, on nous ordonna par haut-parleur de ranger nos souliers au pied de nos grabats. Discipliné, je le fis. Le lendemain, ils s’étaient envolés… et j’étais pieds nus !

Au camp de Vorochilovgrad, alors que j’étais aligné dans un groupe, le hasard du positionnement me désigna pour aller travailler dans une mine de charbon : il s’agissait d’aller extraire les veines de houille étalées entre les  bancs d’ardoise. Déjà, la descente en monte-charge constituait un exploit inimaginable. Dans les couloirs, genre de boyaux d’un mètre de diamètre, on ne pouvait travailler qu’allongé sur le ventre. Derrière chaque ouverture, un Russe hurlait : « dawaï, dawaï.. ». Le rythme de travail était épouvantable et affreux. Seuls, les souvenirs de ma famille m’aidèrent à tenir le coup, car mon moral dans cet enfer noir était au plus bas. Heureusement pour moi, je fus retiré du commando après une semaine de hantise et de cauchemars sans nom.

A Tambow, toutes les contraintes et humiliations qu’un prisonnier de guerre, surtout évadé volontairement, dut endurer pendant ces treize mois, étaient réunies. Je perdis la vue à l’œil gauche durant une dizaine de jours, par faute d’alimentation. L’hiver fut terrible avec des pointes où le thermomètre descendit jusqu’à -30 et -35°C.

A partir de novembre 1944, j’ai travaillé dans l’atelier de raccommodage des vêtements de prisonniers, local installé dans l’enceinte du camp et placé sous la direction d’un Roumain.

La procession matinale des cadavres sortis des lazarets, -des malheureux ayant trépassé au cours des nuits précédentes-, et gisant nus sur des brancards et des civières, nous glaçait d’effroi. Ma baraque de raccommodage jouxtait celle faisant fonction de morgue. Cette cohabitation était particulièrement lugubre surtout lorsqu’on apprenait qu’un copain originaire du même village que le sien, qu’un ami d’enfance ou qu’un parent proche ou éloigné, y étaient décédés.

Malgré notre dénuement et le quasi isolement dans les nouvelles extérieures, le téléphone arabe marchait bien. Lorsque j’apprenais qu’un camarade, une connaissance figuraient parmi ceux qui nous avaient quittés (et il y avait jusqu’à 15 à 20 disparus par nuit surtout en hiver), je bravais les consignes strictes et sévères de l’interdiction d’entrer dans la baraque des morts et de m’y recueillir, ce qui me valut d’ailleurs une semaine de cachot pour désobéissance au règlement. Un jour, je me suis attardé plus longuement que d’habitude devant le corps d’un ami d’enfance, qui avait été quelques mois auparavant garçon d’honneur à mon mariage. Il était allongé, jeté sur une pile d’une trentaine d’autres cadavres enchevêtrés, tous dénudés, portant chacun leur numéro vert sur le dos ou la poitrine. Cette rencontre fut pour moi l’événement le plus éprouvant de ma captivité et dont le souvenir me hante encore bien des fois aujourd’hui. Dès mon retour, je pus apporter mon témoignage aux familles concernées par le décès de leurs proches. Mon rapatriement eut lieu le 28 août 1945. »

 

Becker Charles, né en 1919


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