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Burgart Louis

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« Le 15 janvier 1943, me voilà versé dans l’infanterie. Ayant d’abord lutté contre les partisans à Sarny en Ukraine, je suis monté au front le 9 février 1944 pour combattre dans le secteur de Smolensk-Vitebsk (j’ai hérité d’éclats d’obus à la cuisse le 16 août puis à la main droite le 26 octobre 1943). J’ai participé à deux Stosstrupp dans les lignes russes au lever du jour, (durée de notre intervention programmée à 30 mn). Face à une rageuse attaque ennemie, nous avons déguerpi de nos tranchées que nous venions à peine de reconquérir à travers un amoncellement de cadavres, hélas tous tués au feu, et qui provenaient de notre compagnie rappelée en renfort

Lors de la grande offensive Bagration du 22 juin 1944, j’ai fui à travers monts et vaux devant les soldats russes ; je me suis caché dans un champ de blé en attendant mon arrestation. Fait prisonnier 48 heures après, je suis resté captif 23 mois et j’ai réintégré mon domicile le 6 avril 1946.

Lors de nos marches vers l’arrière, nous devions porter nos blessés jusqu’à épuisement. Exténués nous-mêmes, nous les laissions alors au bord de la route. Qu’est-il advenu d’eux ? Pour éviter toute tentative d’évasion, nous devions rester couchés sur le sol des nuits entières, à la belle étoile, avec interdiction de nous lever.


Puis, nous avons été chargés dans des wagons-à-bestiaux dans lesquels nous ne pouvions plus nous remuer. En cours de route, nous dûmes deux ou trois fois procéder au partage d’un seau de soupe transparente ainsi qu’à la distribution d’un seau de pommes de terre prévu pour 16 hommes. Chacun des affamés croyait avoir moins que son compère au point que les postes durent intervenir brutalement pour séparer les plus belliqueux d’entre nous.

Camp de Vitebsk : j’ai d’abord nettoyé les rues encombrées de gravats provenant des édifices publics réduits en cendres suite aux bombardements allemands ; j’ai posé ensuite de nouvelles lignes de chemin de fer qui avaient été détruites lors du retrait de la Wehrmacht*, puis travaillé aux écluses et enfin, reconstruit des ponts dynamités en étant toute la journée dans l’eau jusqu’au ventre. Muni de seaux, j’ai fait également partie d’un commando chargé d’aller chercher l’eau au fleuve Dvina, gelé durant l’hiver et situé à un kilomètre et demi du camp. J’ai aussi transporté de gros cailloux posés sur mon dos par des jeunes Russes ; pendant que je m’épuisais à les porter en traversant la Dvina gelée, un orchestre jouait des airs de marches allemands très entraînants, ceci pour nous stimuler.

Dans le commando de chiottes, nous tenions à bras le corps les tonneaux barbouillés, les récipients étaient sans poignées. Que les douleurs de la faim étaient atroces ! Que de pensées morbides cisaillèrent nos esprits (à quand notre tour ?) en assistant au départ de nos morts sortis chaque nuit de leur logis et dont les dépouilles devaient être posées devant les baraques afin d’être chargées sur une charrette tirée par des prisonniers ; les corps sans vie étaient ensuite empilés comme du bois dans une baraque à part.

Je n’oublierai jamais les coups donnés à ceux qui voulurent s’enfuir et qui furent rattrapés et tabassés jusqu’à ce que mort s’ensuive ; cette démonstration était surtout destinée à intimider tout nouveau candidat à la désertion.

Il y eut des prisonniers qui moururent d’infection à force de se gratter tant les démangeaisons provoquées par les poux leur étaient devenues intolérables. » Burgart Louis, né en 1920

*Au cours des retraites de la Wehrmacht, des équipes spéciales furent chargées de détruire les axes de communication pour freiner les avancées de l’Armée Rouge. Une locomotive tirant derrière elle un énorme crochet brisait les traverses pour déglinguer la voie ferrée, Ndr)

 


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