« 23 octobre 1943 : date de mon incorporation dans l’artillerie allemande. Après avoir été instruit dans la région de Minsk de novembre 1943 à février 1944, j’ai servi comme canonnier, début mars, aux environs de Tarnopol, où j’ai d’ailleurs été fait prisonnier trois semaines plus tard. Face à l’offensive russe, tout était désorganisé dans notre secteur ; les chars ennemis tiraient sur tout ce qui bougeait. Dans notre section éclatée, chacun cherchait à sauver sa peau sans vraiment trop savoir où aller. J’ai préféré rester sur place, peut-être par peur ; en tout cas, je n’avais plus confiance dans la force de réplique allemande.

M’arrangeant pour être seul, j’ai faussé compagnie à mon unité. Dès ma capture j’ai cherché à faire comprendre aux Russes que j’étais Français. Certains soldats qui passaient par là me frappèrent et me prirent tout. Un peu plus tard, je me retrouvai avec trois autres prisonniers. On recommença à nous molester. Le lendemain soir, notre groupe comptait une vingtaine de captifs, tous inconnus, dont l’un avait été blessé d’une balle dans le ventre. On nous enferma pour la nuit dans un petit hangar, pressés les uns contre les autres. Le blessé criait de douleur, cela dura toute la nuit jusqu’à son évanouissement : ses gémissements étaient affreux à entendre !

On se déplaçait tous les jours d’une trentaine de kilomètres. Des Ukrainiens faisaient partie de notre cortège de vaincus. L’un d’eux, éclopé et qu’on avait secouru, fut abattu et jeté dans un fossé.

Au début de notre voyage effectué en wagons-à-bestiaux, le train s’était arrêté dans la gare d’une petite ville au moment où l’aviation allemande la bombardait. Grande frayeur pour nous les encagés qui redoutions un tir direct de nos zélés pilotes ! Quelques jours plus tard, arrêtés en rase campagne, nous dûmes débarquer. L’on nous dirigea vers une sorte de grange toute délabrée ; nous y avons moisi quelques jours. Puis, un beau matin, à 4 heures, sonna le signal du départ. Une marche s’ensuivit qui dura toute la journée ; seule une halte au courant de l’après-midi avec une bouchée à manger nous fut concédée. Nous arrivâmes à 2 heures du matin dans une sorte de monastère détruit. Pour ceux qui étaient épuisés et ne tenaient plus le coup, on les abattait à coups de crosse de fusil. Leur trépas constaté, on chargeait les victimes défuntes sur une voiture attelée à un char-corbillard qui nous suivait… : c’était atroce, cette marche funèbre.

Tambow, catalogue de doléances ! Corvées de chiottes, sorties en forêt pour aller chercher du bois destiné aux baraques, morts entassés dans une morgue spécialement prévue à cet effet et cadavres qu’on manipulait comme de vulgaires bûches ! J’ai pour ma part contracté des œdèmes dans les jambes, j’ai hérité d’une tête gonflée. Enfin, une anémie générale a entraîné la baisse de ma vue, avec cinq jours de cachot en prime ! Désespoir de ne plus rentrer et de se voir mourir lentement ! Rapatriement effectué le 20 octobre 1945. J’ai retrouvé à la maison mon frère amputé d’une jambe, suite à des gelures contractées en Russie. » Claussner Charles


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