Durrmeyer Alfred

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« Incorporé le 16 octobre 1942, je montai au front, dans la région d’Uspenskaya, le 10 mai 1943. Et là, sur les coups de minuit-une heure du matin, alors que nous creusions nos tranchées, des grenades explosèrent : elles provoquèrent la mort de cinq fantassins dans nos rangs. Drôle d’accueil !

Le 17 juillet 1943, sur les lignes de défense du Mius érigées entre Stalino et Taganrog, neuf heures de bombardements intenses et d’explosions ininterrompues provenant de l’artillerie, des chars et de toutes les armes soviétiques du secteur précédèrent subitement un silence total qui nous fit mal aux oreilles tant cette absence de bruits, si percutants voilà peu sur nos tympans sensibles, nous semblait insolite ! Tout à coup, le houré des troupes d’assaut russe nous glaça d’effroi ; des sections mongoles décidées assaillirent notre secteur.

Les rescapés de la compagnie refluèrent (15 hommes sur 120). Comme je dégoulinais du sang provenant de camarades tombés à mes côtés, je me retirai dans un bunker où siégeait le P.C. de la compagnie, et je ne sortis que le soir pour me rendre au groupe russe posté au dehors. Je reçus un coup de crosse de bienvenue sur la nuque et je tombai inconscient trois à quatre heures. Couché à côté d’un inconnu, j’émergeai péniblement de mon évanouissement. Tous deux, nous étions choqués, hébétés, complètement indifférents à notre triste sort.

Un vieux garde russe nous prit en charge. Cent mètres plus loin, au moment où explosait un obus, le captif qui m’accompagnait fut tué sous mes yeux par un tankiste armé d’un revolver dont le char venait d’être mis hors de combat. Je fus, pour ma part, blessé à l’avant-bras gauche par un éclat de l’obus ravageur qui venait de tomber. Arrivé seul dans un village, on m’enfonça dans une grotte pendant cinq jours. Je n’obtins ni nourriture ni soins pour traiter ma blessure.

On m’interrogea sévèrement durant ces cinq jours. Des civils me lancèrent des pierres et me distribuèrent des coups de fouet. Après ces interventions musclées, je tombai plusieurs fois sans connaissance au cours des marches forcées (100 km avalés, je ne sais plus en combien de jours). Des samaritains me prenaient par les bras et m’entraînaient avec eux, car les coups de fusil éclatant à l’arrière des colonnes disaient tout. Aux termes des étapes, nous nous écroulions sur place, à bout de forces. Tard le soir, on nous donnait une soupe servie dans une cuvette à toilette pour dix hommes, de plus très chaude, et nous n’avions pas de cuillères ! Il fallait la lécher comme des bêtes.

Arrivés à Frolow (1er grand camp situé près de Stalingrad), beaucoup de camarades succombèrent à leur calvaire. Durant les onze premiers mois de captivité, j’ai été très malade : pneumonie, pleurésie, diarrhées intenses, oedèmes, furoncles, scorbut, bronchites chroniques et crises de foie pimentèrent cette période horrible.

 

Par la suite, en arrivant au camp de Tambow, on nous mit en quarantaine. Dès l’ouverture de la porte de la baraque, des milliers de puces transmettrices d’épidémies, en sus des punaises, nous assaillirent. Elles nous privèrent continuellement de sommeil tellement nous étions harcelés par leurs piqûres. Un matin, cela devait être fin mars-début avril 1945, un prétendu mort se promena dans le camp, tout nu, un numéro en travers de sa poitrine : il était revenu à lui dans la baraque des macchabées et eut encore la force de sortir de celle-ci. J’imagine l’état d’esprit du gars face à sa résurrection. Par la suite j’ai été affecté au réfectoire où je devins laveur de gamelles jusqu’à mon rapatriement qui eut lieu le 28 août 1945. » Durrmeyer Alfred, né en 1924


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