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«J’ai été incorporé le 16 octobre 1942 dans l’infanterie. Puis, après un séjour passé en Pologne pour donner la chasse aux partisans, je partis fin juillet 1943 dans le secteur d’Orel et de Bielgorod. Dans ce coin du Mittel Abschnitt (front Centre), on subissait tous les matins des bombardements intenses provenant de l’artillerie et de l’aviation ennemies. Les attaques de l’infanterie étaient appuyées par des chars. Les feux de barrage adverses qu’il nous fallut traverser pour contre-attaquer causèrent de lourdes pertes.

Le 6 août 1943, à Potschajewo, lors d’un repli sur de nouvelles positions, j’ai profité de la confusion qui régnait dans ma section, par suite de l’avancée russe, pour me cacher dans une cave. Et je me suis rendu, un tract à la main… (le témoin ne veut pas s’étendre sur sa pénible arrestation, Ndr).

Le 26 décembre 1943, j’étais évacué avec beaucoup d’autres malades du lazaret de Tambow sur des camions nous véhiculant vers la gare de Rada. Nous fûmes acheminés par train sur Wolks, ville bâtie le long de la Volga, où j’ai travaillé par la suite dans une carrière de ciment. Durant ce trajet hivernal, beaucoup moururent dans les wagons. Notre premier souci était de savoir si le mort avait encore son morceau de pain. Après, on mettait le cadavre contre la porte du wagon ; ainsi casé, il faisait barrage aux courants d’air glacials, car nous étions sans feu. A chaque arrêt, le matin, une soldate russe passait et nous  demandait : « Skolko chelowek kaputt ? Combien de morts ?  (litt. combien d’individus crevés) ».

Ayant subi un empoisonnement du sang par suite d’une blessure à l’orteil droit, j’ai été admis au lazaret. 

Un docteur italien m’a sauvé le pied alors que les Russes parlaient déjà de me couper une partie de la jambe ! C’était un lazaret où l’on sortait tous les jours des morts, il était infesté de rats qui se faufilaient entre les malades. Vision rémanente qui me trotte souvent dans la tête : celle d’un jeune Allemand qui, quelques instants avant sa mort, a poussé son pain vers son voisin, s’est retourné et du sang purulent a coulé de ses oreilles et de sa bouche. Revenu à Tambow, j’ai fait partie des premiers 1500 rapatriés. A Haïfa, en Palestine sur le chemin vers l’Algérie, je pesais 50 kilos. » Grunewald Albert, né en 1923

 


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