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« Impliqués dans un régiment de fantassins volants, on nous déposait en camion ou en train dans les secteurs menacés bordant les régions de Jitomir, de Kiev ou de Tarnopol, là où justement les Russes se montraient entreprenants en diable. La plupart du temps, nous avions ordre de culbuter l’ennemi. Pris sous le pilonnage de l’artillerie adverse ou sous la menace des avions qui nous attaquaient en rase-mottes, il fallait avancer sous le feu meurtrier. Les Soviétiques disposaient par ailleurs d’excellents tireurs d’élite. Nombre de regrettés camarades tombèrent autour de moi ; impossible de s’attendrir ! Vorwärts ! En avant ! Mais, lors de pertes trop élevées devant un ennemi supérieur en nombre et en armement, nous recevions l’ordre de battre en retraite.

Avec mon camarade Frey et un Yougoslave que nous avions emmené avec nous car il parlait le russe, nous nous étions cachés dans une petite ferme pour attendre l’arrivée des Russes. Après une éternité, tout à coup, la porte s’ouvrit et le premier soldat ennemi qui s’avança tira sur nous de nombreuses rafales en hurlant. Je vis le Yougoslave s’effondrer, la tempe trouée et son sang tomber goutte à goutte sur sa gamelle avec un bruit sinistre.

Prisonniers le 23 mars 1944, nous fûmes fouillés sans ménagement -on nous débarrassa de tout : montres, bottes, bagues- puis nous fûmes dirigés vers une baraque où siégeait l’état-major du régiment. Debout derrière la table, un officier ivre nous demanda notre nationalité. Face à nos réponses, il nous asséna à chacun un coup de crosse, qu’il nous distribua avec son fusil-mitrailleur. Ceux qui n’avaient plus de bottes se voyaient attribuer une paire de savates dotées d’un morceau de pneu en guise de semelle. Tout le monde ne put en disposer et c’est pieds nus que beaucoup de prisonniers durent marcher sur le sol glacé. A la halte du soir, leurs pieds étaient en sang.

Le matin, les gardes venaient, et “dawaï”, tous devaient suivre le long cortège captif malgré leurs souffrances. Au second jour, comme l’un des prisonniers ne pouvait plus avancer, un garde vindicatif lui intima l’ordre de le rejoindre et quelques instants plus tard, un coup de feu éclata. Puis ce fut le tour d’un sous-officier originaire de la Prusse-Orientale qui était soutenu par son beau-frère. Le même garde assassin l’accosta, lui prit son portefeuille qu’il fouilla. L’enragé surveillant se mit en colère en découvrant une photo sur laquelle figurait le sergent qui y arborait la croix-de-fer. Furieux, il le tua avec son fusil-mitrailleur. Et quatre autres prisonniers disparurent de la même façon impitoyable.

Concernant notre transport de prisonniers opéré dans des wagons fermés, on n’avait presque rien à manger et surtout rien à boire. Les températures étaient glaciales ; pas moyen de bénéficier de feu dans ces habitacles frigorifiques que les sentinelles russes n’ouvraient que pour nous donner un peu de pain. Elles demandaient combien de morts avaient trépassé durant la nuit. Il fallait les sortir, malgré notre faiblesse, pour les disposer le long de la voie, sans qu’on pût se soucier de leur identité ou relever leur nombre. Toujours plus de morts au fil des kilomètres sans fin ! On aurait dit que les gardes étaient contents de notre malheur, ils ne prenaient aucune décision qui aurait pu alléger nos souffrances.

Après avoir transité par les camps de Tarnopol et de Usman, j’ai passé quinze mois à Tambow.

Nous avons cru rester pour toujours en ce lieu sinistre. Avec son climat difficile, son sol marécageux humide, infesté de puces de sable, avec ses poux, punaises, rats, souris et j’en passe, c’était la misère noire ! Le moindre refroidissement devenait fatal, une toux était synonyme de bronchite qui virait souvent à la pneumonie mortelle. Avec le manque chronique de médicaments, on déplorait l’absence de vrais praticiens (certes, il y eut 5 docteurs allemands prisonniers). La médecin-chef, surnommée Padurowna ou mère des Français, je me demande encore aujourd’hui pourquoi une mégère grosse et criante qui f… la pagaille partout où elle entrait, était affublée d’un tel titre élogieux ! Un autre incapable de médecin-chef martyrisait les malades, je vous prie de me croire. J’étais coiffeur dans les hôpitaux, et comme témoin, je peux affirmer qu’il y avait très peu de médicaments. J’ai constaté de visu d’innombrables cas de typhus, de pneumonies, de maladies telle que la bronchite, la diphtérie, la pleurésie, etc..

En hiver, en raison du manque de bois, le fourneau du lazaret s’éteignait durant la nuit. J’entendais l’infirmier qui disait au chef de baraque de faire quelque chose, car à 8 heures du matin, il faisait du – 6°C sous abri. Les malades ne disposaient que d’une chemisette russe, d’un caleçon et d’une couverture, mais rien aux pieds.

Faute de mieux, ils s’enveloppaient dans cette couverture et nombreux étaient ceux qui ne vivaient plus au matin,  simplement transformés en statues de pierre ankylosées car victimes du froid nocturne.

Comme coiffeur, pour raser les moribonds, il me fallait leur ôter la couverture. Ils s’y agrippaient désespérément avec le peu de forces qui leur restait et ils tremblaient comme des feuilles dans l’air bien frais du taudis.

Nombre de fois, je me suis plaint au responsable afin qu’il allumât le fourneau. J’attendais volontairement dans la baraque jusqu’à ce qu’il fît venir du bois au plus vite pour éviter que d’autres malades ne mourussent gelés vifs. Malheureusement, dans ce camp 188 pourtant entouré de forêts, il était impossible d’avoir du bois, hors de la ration accordée ! Aussi des responsables de lazarets engagèrent-ils en douce des volontaires, à qui on donnait une hache. Durant la nuit, ces derniers abattaient en cachette, dans le camp même ! des arbres et les débitaient en catimini pour recevoir une ration de soupe ou de la kacha, au risque d’être découverts et emprisonnés.

J’ai assisté nombre de fois à l’ablation des doigts de mains gelés ou le sectionnement d’orteils noirs. Le médecin venait faire la visite. Après avoir constaté que les phalanges restaient insensibles, faute de circulation sanguine avérée, et qu’elles avaient en outre une drôle de couleur, il prenait une grosse pince, -genre pince à ongles- et sans anesthésier, enfilait le sécateur autour du pouce ou de l’index, serrait et crac. A certains détenus il manquait à la fin de l’opération parfois trois, quatre doigts ou plus !

Nous n’avions sur nous qu’un uniforme allemand, déchiré de surcroît, et dans lequel il fallait vivre nuit et jour. Les voleurs vous piquaient tout. Pas de chiffon, pas de mouchoir, pas de papier pour s’essuyer face aux diarrhées qui ne cessaient pas. Nos pauvres squelettes devaient tout supporter et le temps passant, je n’osais plus espérer que le jour béni de la délivrance arriverait. A l’annonce du départ, enfin, nous avons repris espoir sans vraiment trop y croire, tant la mort rôdait partout…. » Hasenfratz  J.J, né en 1920


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