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Hollender François

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« 29 octobre 1943 : incorporé comme fantassin, je suis allé passer mon instruction en Pologne. J’ai ensuite traversé l’Ukraine et participé aux combats sur le front de Moguilev.

Tout le monde connaît l’état d’âme d’un incorporé de force. Au front et pendant toute la guerre, des pensées lugubres me titillaient : hantise d’être tué dans un assaut ou blessé lors des bombardements lourds, terreur lors des corps-à-corps, peur continuelle de ne plus revoir ma famille. Je me revois au dernier combat quand les Russes se cachèrent derrière leurs morts et nous attaquèrent. J’entends encore leurs fantassins hurler leur détresse avant de tomber raides morts. Comme les nôtres, ils appelaient leurs mères et criaient en s’écroulant.

J’ai été fait prisonnier le 27 juin 1944, au cours de combats difficiles ayant entraîné la retraite de ma compagnie. La captivité m’a paru d’emblée bien dure avec les coups de crosse généreusement distribués pour tout écart qui survenait dans le peloton en marche. Un Mongol, par exemple, me donna des coups de poing dans le visage pour la seule raison que je n’avais plus de montre à lui donner. Avec mon visage martelé, surtout mes yeux au beurre noir, je ne voyais plus que d’un œil, tellement il était enflé ! Quel dur début de captivité avec les coups de fusil tirés dans les jambes de ceux qui essayaient, durant le trajet, d’aller chercher de l’eau dans le fleuve Dniepr avoisinant.

Les blessés devaient être portés par nos soins, mais nous autres, étions tout aussi affaiblis que les malheureux éclopés que nous devions secourir. Un soir, nous avons connu un pénible entassement dans une écurie sans pouvoir y bouger, sans boire, sans manger, et ceci par forte chaleur jusqu’au lendemain après-midi. Ceux qui étaient trop épuisés furent tués dans la forêt toute proche.

Je suis passé par les camps d’Armavir (où j’ai travaillé dans un kolkhoze) et de Tiflis. Là-bas, les repas étaient non seulement insuffisants mais mauvais. Le manque d’hygiène crucial occasionnait une horrible prolifération de poux et de puces.

Le travail était très éprouvant : on nous impliqua d’abord dans le creusement d’une gravière, puis on dut participer à la construction d’une usine destinée à calibrer le gravier extrait. On portait le matériau raffiné sur des brancards pour construire des routes autour de cette usine. Si l’on était épuisé et qu’on n’arrivait pas à faire le travail prévu, on nous privait de "repas".

J’ai également dû porter des sacs de 100 kg dans des wagons. Malgré plusieurs chutes liées à mon épuisement et à la malnutrition, on m’a obligé à continuer le travail.

Pendant les appels du matin qui duraient 2 à 3 heures, plusieurs gars s’évanouissaient d’épuisement, de maladie ou de froid. D’autres mouraient sur place. Durant le trajet de 7 km environ, effectué à pied vers notre lieu de travail, de nombreux ouvriers captifs trépassèrent pour les mêmes raisons. Ceux qui décédaient en route étaient ramenés par nous au camp. Ma pensée était toujours la même : « A qui le tour demain ? »

 

J’ai été rapatrié le 26 août 1945. » Hollender François, né en 1925


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