« Enrôlé de force le 16 janvier 1943 dans l’infanterie, je partis dans le Nord Abschnitt. Après l’instruction, notre unité eut pour mission de ratisser les forêts de Louka (= Luga) à la recherche des partisans.

Lors de la retraite pour nous extirper du secteur Leningrad-Narva, nous n’avions aucune tranchée de repli à disposition pour nous protéger. Nous étions sous les feux d’une artillerie insupportable, au milieu d’une neige haute de deux mètres, avec des températures frisant constamment les –30°C. J’ai souffert d’engelures aux pieds. Dans ce contexte sauvage, mon évasion s’avérait impossible là-bas. Pourquoi risquer ma vie ? J’avais vu deux Lorrains tués sous mes yeux par des Russes, chacun avec une balle dans la nuque.

En Lettonie, j’ai été blessé à la tête (œil et nuque) à deux reprises et une fois aux genoux. Je restai dans le coma plusieurs jours, victime ultérieurement encore de nombreux vomissements résultant de mes blessures.

En gare de Trachenen, ville de Prusse-Orientale, un char ennemi surgit et fonça dans notre direction, en écrasant sur son passage plusieurs soldats établis dans ma tranchée, pétrifiés et pris de panique. Un adjudant fit face et fit sauter le blindé avec une Panzerfaust, à dix mètres de moi. Depuis ce jour, je n’ai pas pu oublier les camarades déchiquetés sous mes yeux de façon atroce et que je n’ai malheureusement pas pu aider.

J’ai déserté le 6 janvier 1945 en me cachant au milieu d’un groupe de prisonniers français libérés de leur stalag. Hélas, certains zélés compatriotes crurent bon de me dénoncer aux Russes (et de les éclairer) en leur annonçant que j’avais servi dans l’armée allemande. Lamentable délation qui eut lieu à Domnau en Prusse-Orientale, le 2 février très exactement, jour de la Chandeleur !

Je fus transporté avec des civils allemands (des vieillards et des prêtres bannis), ainsi que des Polonais, vers les camps de la région de Mourmansk et de Petrozawodsk. Battus à coups de pieds et dépouillés de tous nos biens personnels, nous fûmes mis à nu, toujours accompagnés de menaces de mort. Les enfants furent séparés de leurs attaches familiales, sans ménagements, puis expédiés vers une destination inconnue. Quelles déchirures pour leurs parents, quel saut dans l’inconnu pour leurs rejetons !

J’ai vu mourir des femmes par vingtaines, tous les jours, comme des bêtes, le plus souvent par épuisement ; beaucoup s’étaient retrouvées enceintes, suite à des viols commis antérieurement par des soldats russes.

Les captifs étant à peine arrivés dans ces camps polaires, les autorités demandaient tous les jours des spécialistes. Je me présentai comme boulanger. Durant un mois, j’ai appris à des femmes internées dans un camp voisin, à leur faire du pain, mais de très mauvaise qualité faute de céréales correctes. Les miches qu’on mangeait étaient trouées par les rats qui sortaient des latrines et des baraques où se trouvaient les morts, à qui ces horribles bestioles avaient dévoré bras, mains et pieds. La grande misère partout, tous les jours !

J’ai dû charger des cadavres qui étaient dirigés vers des fosses communes et j’ai participé souvent à la corvée des latrines. Alors que je souffrais de dysenterie, un Polonais charitable m’a donné une pilule. J’ai porté du charbon sur des brancards pour ravitailler les chaudières à vapeur par des températures de – 45 à –52°C…..  

 

Je suis rentré le 9 mai 1946. » Jehl Marcel, né en 1921


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