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Vogel Eugène

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« Admis le 27 février 1944 comme fantassin dans une caserne de Heiligenbeil en Lituanie, je fus affecté deux mois plus tard sur le front de Russie. Début février 1945, étant devenu chauffeur de camion, le moteur de mon véhicule tomba en panne à proximité des lignes ennemies. Pendant que je le réparais, une petite pièce du carburateur tomba à terre. Je mis un temps fou à la retrouver, il faut dire que j’avais les mains à moitié gelées. Et manque de chance, les Russes attaquèrent à ce moment précis ! Aussi dut-on se résoudre à détruire le camion. Les gradés responsables de la section m’accusèrent de sabotage et menacèrent de me traduire devant un tribunal de guerre. Ce fait injuste (où tout argument pour plaider sa bonne foi et se défendre ne trouve pas d’oreille miséricordieuse) m’a traumatisé, car vu mon cas, je risquais bel et bien d’être fusillé !

La peur de mourir pour une cause qui n’était pas la mienne, de même que la profonde tristesse provoquée par la mort d’un de mes camarades alsaciens le matin du 18 mars 1945, du côté de Dantzig, ont déclenché en mon être l’irrésistible volonté de déserter et ce, à la première occasion. Je mis dans la confidence un copain. 

Evadés dès le lendemain, nous nous cachâmes à l’intérieur d’une petite maison, dans un réduit pour pommes de terre muni d’un petit couvercle. Après une heure ou deux d’attente, comme on entendait parler le russe, nous soulevâmes la trappe. Effrayé par notre geste, un Russe tira dans notre direction. C’est miracle que sa balle nous ait épargnés ! Des troupes asiates affluèrent. Nous dûmes notre survie à un fantassin russe qui nous libéra des griffes des soldats mongols qui voulaient illico nous fusiller ; il nous conduisit bientôt vers l’arrière du front. Cependant, je ne peux oublier le fait que les Russes nous ont pris montre, bague, portefeuille, etc… Les recrues suivantes nous échangèrent à leur tour, par la force, nos chaussures en nous laissant par deux fois d’horribles godillots. Ces vols m’ont tellement marqué que, après mon retour à la maison, je me suis acheté de solides souliers, toujours hanté à l’idée de devoir en manquer cruellement ! Nous fûmes rossés deux fois jusqu’à évanouissement pour avoir dit que nous étions des Français. Nous réalisâmes trop tard que ces Tatars ignoraient bel et bien que nous étions des incorporés de force : ils nous avaient confondus avec des engagés de la Légion des Volontaires Français ! Du camp de Minsk, je partis à Tambow. Le fait de travailler dur avec la maigre ration qu’on recevait à manger nous a épuisés. Nos propres frères de misère qui, eux, avaient assez à ingurgiter, nous forçaient à travailler et nous imposaient en plus les corvées de servitude. Par deux fois, j’étais tellement épuisé par la corvée de bois que deux camarades durent me soutenir pour que je pusse regagner la baraque. Ce qui était particulièrement éprouvant, c’était le fait de devoir recommencer à travailler sans avoir repris assez de forces. Départ du camp en août 1945. »

Vogel Eugène, né en 1925

 


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