Warning: "continue" targeting switch is equivalent to "break". Did you mean to use "continue 2"? in /var/www/vhosts/malgre-nous.net/httpdocs/templates/templatemalgre_nous/functions.php on line 197
Trappler Marcel, né le 8 décembre 1920 à Petersbach dans le Bas-Rhin, habite Henriville et fait partie de l’association des Anciens Combattants de Farébersviller.
R.A.D.
 
J’ai effectué mon RAD du 10 octobre 1942 au 29 décembre 1942 à Amendorf, près de Halle an der Saale. Je n’ai pas trop eu à me plaindre de mon séjour. Etant tourneur sur métaux dans le civil, j’excellais dans les réparations, aussi mes compétences furent-elles rapidement utilisées. Pour éviter les inondations de la primesautière rivière Saale, ordre nous avait été donné de mettre en place une tranchée de déviation. Le canal à creuser se situait à 15 km de notre caserne, 
d’où l’utilisation de bicyclettes pour rallier le lieu de travail. 
 
 

Chaque matin, quelque deux cents vélos attendaient les manœuvres avec leur guidon grand ouvert les invitant au large. Ayant hérité d’un biclou détraqué, je pus réparer la défection en un temps record, avec la clé et le petit outillage appropriés pour pourvoir aux réparations qui étaient contenus dans une sacoche accrochée sous la selle. Mon adresse n’avait pas échappé au chef de section qui me désigna alors comme dépanneur-mécanicien de bicyclettes (Fahr-radschlosser) attitré de la compagnie. J’échappai ainsi aux fastidieuses promenades et aux non moins éreintantes pelletées à charger sur les wagonnets alignés le long du fossé de dérivation dans lequel les camarades trimèrent com
me d’antiques esclaves.
 
Je bénéficiai de la protection appréciée du Lagerkommandant qui me confiait de menues bricoles à réparer : sa cuisinière, les conduites d’eau dans sa maison, les jouets de ses enfants. Gratifié parfois d’un gâteau pour récompenser mon savoir-faire, je le partageais avec mes copains de chambrée. Un des subordonnés du chef du camp m’avait un jour fait suer le burnous. Sous prétexte que j’avais fumé sans penser à le saluer, il me fit faire le yoyo sur un énorme tas de scories.
 
Cette épreuve de descentes-remontées à répétitions me laissa courbaturé quelque temps. Quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver un beau matin mon gugusse en quête d’un vélo ! Je tenais ma revanche et fort de l’appui de mon supérieur, je lui répliquai que les bicyclettes étaient requises dans le cadre du travail et qu’elles ne servaient pas à aller conter fleurette. J’ai subi avec mes camarades les divertissements que nous appelions le bal masqué (Maskenbal).
 
Il fallait toutes les deux minutes changer d’uniforme, ce que nous fîmes en chantant : Das kann ein’ Seemann nicht erschüttern, cela ne peut pas impressionner un marin ! La discipline était stricte : le lit devait être fait au carré. Si les bottes manquaient de brillance, on vous cirait au crayon noir la sortie du dimanche. Notre séjour se termina la veille de Noël, l’intendance opéra l’économie d’un repas amélioré sur notre dos. Le ventre vide, je mis cinq jours à réintégrer mes pénates. 
 
 
 
 
WEHRMACHT 
 
Le 12 janvier 1943, je partis pour Plauen im Vogtland. Des soldats, armés de baïonnette au canon, nous avaient accompagnés depuis la gare de Strasbourg. Au premier repas pris au réfectoire, un Allemand affamé se tailla la part du lion en s’emparant des meilleurs morceaux. En voilà des manières, pensais-je, cela promet. Le deuxième jour, notre gourmand fut installé seul, au milieu du réfectoire. Assis sur un banc, arborant cette fois le maintien digne d’un garçon bien élevé, il devait déguster sa portion avec délectation et élégance. Il comprit sa douleur ; dans la foulée, nous la comprîmes aussi ! 
 
Dès 6 heures du matin entrait en scène l’infernal sifflet. Lavage, sifflet, habillement, sifflet, petit-déjeuner, sifflet, lit au carré, sifflet, verrouillage de nos placards, sifflet, sifflet, sifflet. On était puni si l’on oubliait de fermer sa petite armoire pour ne pas inciter les camarades au vol (Verleidung zumKameradendiebstahl). 
 
Voici les piqûres vaccins qu’on m’a administrés : Pocken (variole), Typhus, Paratyphus, Ruhr (dysenterie) Cholera, Fleckfieber (fièvre pourprée). La formation m’apparaissait cependant supportable. Les facéties de mes compagnons détendaient l’atmosphère. L’un des tours prisés était de coller un papier-à -cigarette sous la voûte plantaire ou entre les orteils puis de l’allumer. La brûlure faisait bondir le bizuté, tête première, dans les ressorts du plumard situé au-dessus de lui. L’un de nos camarades était devenu le souffre-douleur du dortoir. Un tour pendable consistait à lui uriner dans les bottes. Il prit sa revanche en arrosant à sa manière le café du matin, breuvage qui nous fit plus d’une fois hoqueter. « Lorsque vous aurez fini avec mes bottes, je laisserai votre café tranquille. » A malin, malin et demi. La préformation (Vorausbildung) touchait à sa fin.
 
Et là, divine surprise, nous voilà sur les rangs de départ vers la Libye. Piqûres, habits légers nous avaient déjà été distribués lorsqu’un ordre intima aux Alsaciens-Lorrains de se ranger sur le côté : direction l’Est et non plus le Sud ! Je me retrouvai bientôt à une vingtaine de kilomètres de Varsovie, dans une caserne aux baraques en bois. Au début du séjour, un de nos adjudants, teigneux au possible, nous avait infligé une punition mémorable pour je ne sais plus quelle vétille. Rentrés en loques, coudes et genoux déchirés, nous allâmes chez le fourrier récupérer de nouveaux treillis. Le préposé avisa le commandant qui expédia aussitôt le juteux au front. L’encadrement était très strict avec le règlement militaire. Le fait de traiter un Alsacien de Sau Franzosenkopf (sale tête-de-Français) était sévèrement sanctionné. Mon capitaine ne m’appelait pas Marzel, mais me disait avec déférence : « Moussié, Monsieur. » 
 
La contrée était infestée de partisans : nous redoutions toujours une embuscade lorsque nous partions en patrouille. De plus, comme une des sentinelles venait d’être tuée devant la fenêtre du Major, la vigilance devint plus draconienne et ordre fut donné de tirer sur tout mouvement suspect, sur tout homme ignorant le mot de passe. Montant la garde et sur mes gardes, après la sommation d’usage, je fis feu... sur le commandant Goldhammer. Le coup passa au-dessus de sa tête. Il me félicita pour ma rapidité d’exécution et il reconnut sa légèreté coupable. Peu de temps après, un chef de ronde hargneux trouva sa sentinelle endormie et trop sûr de la punition qu’il allait lui infliger, lui subtilisa le fusil et le glissa par excès de présomption au-dessus de la guérite. Revenu pour punir sa victime, il se fit tuer bêtement par elle. Le ronfleur réveillé en sursaut trouva, grâce à une subite inspiration, l’arme planquée et administra une balle mortelle à l’arroseur arrosé, en l’expédiant ad vitam æternam au royaume des malchanceux. Nous devions dans le cadre de la sécurité du territoire assurer la protection des grandes fermes et veiller aux récoltes (Erntesicherung). Un groupe voisin au nôtre eut le malheur de fusiller pour l’exemple tous les ouvriers agricoles et les propriétaires d’une ferme rattachée à leur secteur de contrôle, car ils avaient été suspectés de ravitailler les bandes de partisans. Sachant que les confirmations que nous avions recueillies sur leur cas corroboraient la thèse de l’aide subversive paysanne apportée aux maquisards, nous aurions pu et dû procéder à l’élimination des autochtones habitant notre ferme. Pouvait-on pour autant détruire des vies humaines sur de simples présomptions de culpabilité ?
 
Ils obtinrent notre miséricorde. Grand bien nous procura cette mansuétude. A quelque temps de là, notre groupe en goguette dans la contrée hostile se retrouva subitement entouré d’une bande de 150 partisans. « Haut les mains ! Rentche de ouri, donnez vos montres-bracelets » hurlèrent-ils. Se défendre aurait signifié notre mort instantanée. Grands seigneurs, ils nous épargnèrent car nous avions gracié auparavant leurs compatriotes. Bien renseignés, ils s’enquirent d’un Alsacien habitant près de Strasbourg. Confus, je me présentai. Ils comptaient m’emmener ! Je déclinai poliment leur invitation. Le plongeon dans l’inconnu ne me disait rien qui vaille : la désertion aurait eu des répercussions dramatiques sur ma famille. Ils me laissèrent donc filer en petite tenue et chaussettes tandis que mes compagnons, les modernes Adam bernés, quittèrent à poil le paradis hostile, sous leurs quolibets. Sur chacun de ces grands domaines travaillaient vingt ou trente paysans, vivant en autarcie complète dans de mini-villages. Les maisons aux toits de chaume, les murs en pisé rappelaient étrangement les villages gaulois de notre livre d’Histoire de France. Chaque famille possédait sa vache, son lopin de terre. La nourriture frugale se composait de pommes-de-terre, de lait et de pain au seigle. Ces fermes-modèles qui regroupaient toutes une centaine de vaches produisaient beurre et fromage réservés au séquestre allemand. Les arbres fruitiers étaient inexistants, par contre les mûres nous rassasiaient à la bonne saison, tout comme les champignons que nous préparait une cuisinière très experte en fricassées. 
 
 
Les partisans étaient exigeants avec la population et lui réclamaient gîte, couvert et assistance. Nous avons ainsi surpris des villageois obligés de pousser et de rouler des fûts de pétrole aux maquisards, à travers un marécage ! Pauvres gens rackettés et exploités au nom de la Liberté ! 
 
Nous appréhendions nos patrouilles dans l’agglomération de Varsovie. Un jour, alors que notre groupe de sécurité (Schützengruppe) arpentait les faubourgs, une section de fantassins S.S. montés sur leur 31, s’avançait face à nous, en grande tenue de parade. Les pavés répercutaient le bruit cadencé des bottes, un chant de guerre accompagnait la troupe fière.
 
Soudain, un feu nourri éclata derrière nous. Une mitrailleuse, sortie par je ne sais quel sortilège d’une demeure, cracha sa moisson de morts. Un moment saisis, nous eûmes du mal à percevoir ce qui se tramait. Le temps de réagir, les instigateurs des gerbes mortelles en avaient profité pour s’engouffrer dans 
une maison du secteur. Les rescapés S.S., remis de leurs émotions, ceinturèrent l’habitation. Sans autre forme de procès, ils liquidèrent tous les occupants des lieux. Un ordre formel le stipulait : dix otages étaient fusillés pour un soldat abattu, trente otages exécutés pour un officier abattu. 
 

Notre unité était spécialisée dans le bouclage des zones infestées de partisans. Notre force résidait dans le déplacement rapide qui nous permettait d’investir tous les secteurs pour déstabiliser les bases rebelles. Dans un village isolé perdu au milieu des forêts, un de nos soldats tua sept femmes. La tradition, là-bas, voulait que les épouses dorment toutes dans le même logis, les maris dans un autre. Un jeune garçon avait été témoin des six meurtres perpétrés par le ruffian qui s’était gardé la septième pour mieux la violer avant de la tuer. 
 
L’écolier qui s’était caché dans le four avait observé la scène horrible. Il faut savoir que l’énorme four russe sert non seulement d’aire de couchage, de poêle de chauffage et de cuisson, mais aussi d’abri contre le froid, surtout aux poules et porcelets durant l’hiver (et c’est là-dedans que le mioche s’était blotti). Le lendemain, le capitaine nous fit tous aligner. Le jeune témoin parcourut les rangs et s’arrêta devant le sadique débauché. L’officier le tua devant nous, en s’exclamant : « ton acte est indigne d’un soldat allemand ! » Lors d’un bouclage de village, j’ai vu les Sonderkommandos nazis tuer les Juifs et jeter leurs dépouilles dans les wagons. Une fillette parvint à s’échapper. Les sauvages S.S. insistèrent pour qu’on l’abatte. Nous la cachâmes dans un taillis. Puis, au cours du ratissage effectué autour de la sapinière, cinq individus affolés sortirent de derrière les épicéas.
 
Contrôlés comme étant Juifs, nous dûmes les convoyer à la Feldgendarmerie. C’était une famille éperdue, les parents étreignant leurs trois enfants angoissés. Arrivés au poste, nous fûmes abreuvés d’une copieuse bordée d’injures. « Comment avez-vous pu perdre votre temps avec de tels salauds ? Ils fleurent le partisan à plein nez » et sans attendre nos explications, le flicard bedonnant expédia dans l’autre monde, d’abord les enfants, ensuite le père avant de terrasser la mère. Mon cœur explosa à la vue de ces meurtres gratuits et battit longtemps la chamade ; j’eus du mal à me remettre de ces émotions. Le même scénario se reproduisit une semaine plus tard. Le Polizist flingueur, au crâne rasé, était assis devant le foyer du soldat (Soldatenheim). Tout en mâchouillant seine Zigarre, il expédia une balle explosive dans le crâne d’un paysan circulant dans son Panjewagen. Le malheureux bascula tête première sur la route tandis que le cheval emballé partit caracoler, je ne sais où, avec la charrette. Je poussai un soupir de soulagement lorsque j’appris que je quittai l’Eingreiffsgruppe Stengel et ce pays belliqueux en diable qui dépendait du Gouvernement Général de Pologne. 
 
Désormais j’étais affecté à la Sturmkompanie 304 comme panzergrenadier. Nous avions la difficile mission de forcer le passage en pays ennemi pour permettre aux unités de couverture de nous suivre et d’installer solidement leurs cantonnements face aux lignes russes. La veille de Noël 1943, nous montâmes au front. On nous avait dotés au préalable d’habits chauds : un passe- montagne (Kopfhaube), des bottes de feutre, des moufles (Fausthandschuh) dont un doigt-de-gant ajouré qui devait faciliter à l’index la pression sur la gâchette, des sous-vêtements, un manteau d’hiver, des lunettes spéciales contre les tempêtes de neige et même une sous-ventrière (Leibbinde). Frigorifiés par les -40°C ambiants et constamment secoués dans notre camion, nous subissions avec fatalisme l’interminable excursion au milieu des congères de neige.
 
Soudain, un Rada (avion d’observation russe) nous repéra et lâcha sa bordée mortelle. A côté de moi, mon camarade de Freyming, Hermann Theis, fut tué d’une balle dans la tête. Sur les dix-sept occupants mitraillés, j’étais le seul à sortir indemne du massacre, au milieu de soldats plus ou moins grièvement blessés. Les torpilles lâchées par le pilote firent d’horribles mutilations : on retrouva le conducteur et son aide cloués sur leurs sièges.
 
Choqué, je mis du temps à réagir : je pus néanmoins éteindre un début d’incendie grâce à la neige que je pelletai sur la cabine. 

Le 8 janvier 1944 je participai avec ma compagnie (2 Feld Ersatz Batalion 103) à une attaque d’envergure sur les positions ennemies. Les orgues-de-Staline entonnèrent leur danse macabre : il n’y eut que sept rescapés sur deux cent quarante. L’intense traumatisme psychique vécu n’avait pas cours dans les unités ; nous, les orphelins de nos camarades tués, retrouvions très vite des remplaçants pour compenser les pertes élevées. Les habits blancs de camouflage et nos bottes de feutre atténuaient la rigueur 
extrême du froid. Pourtant, dès les premiers pas, on se sentait glacé jusqu’aux os. Il fallait résister aux assauts du rude hiver ; même la froidure ne tiédissait pas l’ardeur ennemie. Lorsque le blizzard soufflait, on avait l’impression d’être transformé en passoire glacée. Le 12 janvier, j’ai perdu mon copain René Silberreis de Sarre-Union. Sa mort est survenue sur les hauteurs de Ssuchowitschi.
 
Mourant de faim comme nous tous, il était parti vers l’arrière rechercher des vivres. Nous l’avions mis en garde : une de ces égéries opiniâtres, excellente tireuse d’élite et championne de cartons en ces lieux maudits, avait hurlé sa haine contre nous. Elle planquait et dès le moindre geste un miaulement sinistre faisait s’envoler la neige au bord du trou. Un coup bien ajusté raya mon compatriote du registre des baptêmes. Durant cinq jours, tous tînmes le choc par moins trente degrés, dans un linceul épouvantable de neige. Dès que l’un des nôtres haussait la jugulaire du casque d’acier (Stahlhelm), une balle lui arrivait d’en face, mourant sur l’escarpement du trou creusé. La garce incorrigible nous tenait dans sa ligne de mire : le casque intentionnellement surélevé au bout de la crosse retombait troué à nos pieds. La patience du tireur d’élite russe est légendaire. Coincé dans un arbre, ou blotti sous une souche d’arbre à la meurtrière ajourée, il savait attendre sa proie. Notre sergent qui voyait dans son objectif par intermittence la dame vengeresse faire son numéro, voulut l’épingler à son tableau de chasse. Il me chargeait d’attirer sur moi la balle ennemie : en bougeant ostensiblement mon heaume, je provoquais les tireurs. Son coup bien ajusté ramenait le calme pour quelques heures dans nos positions. La maligne bien plus clairvoyante savait esquiver le plomb mortel. 
Les heures s’étalaient cruelles. A bout de forces, il fut décidé de s’esquiver nuitamment. Les 85 hommes que nous restions avaient déjà réussi à faire le plus gros en reculant sans trop nous faire remarquer, notre retraite s’annonçait bien. Regroupés dans une clairière, nous fûmes fraîchement accueillis. Les plus malchanceux furent tirés comme des lapins et d’autres, affolés par la pétarade, se jetèrent dans la gueule des fusils. Avec mon lieutenant et quelques hommes, je pus m’extraire indemne du guet-apens, profitant de la présence providentielle d’arbres qui nous servirent de boucliers naturels. Sur les chariots dépêchés pour nous accueillir, plus d’un pleura amèrement le sort de ses amis en décampant du chaudron de Krotoff le 17 janvier 1944. Nous savions les supplices horribles réservés à nos blessés. Sur ce secteur de front, tout Allemand pris était mutilé : émasculé, le sexe enfoncé dans la bouche, éborgné ou énucléé, son cadavre cloué par les oreilles à un arbre potence apparaissait terrifiant.
 
Que de souffrances avaient dû endurer ces pauvres types ? Les intempéries continuelles eurent raison de ma santé et provoquèrent une inflammation des sinus qui se répercuta sur la mâchoire supérieure (Kieferhohlentzündung). Je fus soigné au lazaret de Lublin. Des syphilitiques contaminés volontairement par des résistantes se sacrifiant par patriotisme, hurlaient à mort. En général, ces dames réservaient leurs charmes aux officiers. Les malheureux cognaient leurs têtes contre les murs en désespoir de cause : les pilules administrées étaient souvent sans effet face aux blennorragies mortifères. 
 
Le 4 avril 1944, notre division blindée, la 1.Pz n° 79, libéra la S.S. Viking dans le secteur de Kovel. Nos chars Panther firent merveille : ils déquillèrent comme à la parade des colonnes entières de tanks Joseph Staline présentant superbement leurs flancs à nos obus perforants. Notre panzer déchenillé, adossé à un mur protecteur élimina successivement dix tanks. Un little Trafalgar réussi sur terre ! Nous fûmes même très stupéfaits de voir émerger des silhouettes féminines de l’un des monstres en feu. Le Wehrmachtbericht (communiqué) précisa fallacieusement que c’était le régiment Grossdeutschland qui avait concouru au succès. Notre général offusqué appela directement le Führershauptquartier pour rétablir les faits. 
 
Lors de nos incursions effectuées sur les Knübeldämme (chemins de bois) des marais du Pripet, l’un des engins disparut en dérapant dans la vase sans fond : les tankistes purent s’extraire in extremis de la gangue aspirante. Un Rollbahnjodler, surnom d’un avion monomoteur russe, venait de nuit larguer son unique bombe sur la route. Elle y provoquait un énorme cratère. Grâce à ses balles traçantes vertes qui le guidaient vers ses proies humaines, l’avion cherchait à semer la mort parmi les convoyeurs qui attendaient l’obscurité pour partir se ravitailler. 
 

Comme cette satanée cible volait très bas, nous ne pûmes jamais l’abattre. Par contre, notre Flak se paya un jour trois appareils : le second avion touché explosa et embrasa ses deux voisins qui tombèrent à 200 mètres de nos positions. Faire d’une pierre trois coups a dû faire rêver pas mal de chasseurs ! 
Un simplet, doté de pieds fourchus, se permit de grimper un soir sur nos tanks. Il fut tué pour non respect des consignes de sécurité. 
 
Tout suspect furetant autour de nos mastodontes était fusillé ! Pour ne pas rester embourbés, nos tanks fonçaient à tombeau ouvert dans les chemins défoncés. S’arrêter, c’était l’embourbement garanti donc la perte du char. Sur notre lancée, il nous arriva même un jour de devoir laminer un cheval empêtré dans la glaise au moment où son cavalier sauta lestement de la selle ! Lorsqu’un panzer avait les chenilles gelées et rivées au sol, on devait les décoincer au pic et à la pioche. Nous arrivâmes le 19 avril en Courlande. Pour dormir dans les maisons, il fallait d’abord dépouiller les lieux. Essence, flammes des lampes à carbure, aspersion d’insecticide, arrosage du sol suffisaient alors à doucher un peu la frénésie des parasites avant qu’ils ne retombent par nuées entières du plafond sur notre groupe. Croyant pouvoir éliminer les punaises à tête rouge en les exposant dans nos chemises gelées aux nuits bien fraîches, je constatais, très dépité, que les sales bestioles renaissaient à la chaleur corporelle : seule la cuisson avait raison d’elles. Jusqu’au 4 octobre 1944, le séjour fut agréable à Brücke, une ville- garnison de Courlande. 
 

Ensuite, je fus formé comme radiotéléphoniste à Dorben du 25 octobre au 2 décembre. Notre division stationna dans les forêts de Dorben jusqu’au 3 janvier 1945 où elle constituait la réserve de la division. Nous fûmes injectés dans la Kurland Schlacht lorsque les Russes fermèrent la nasse autour de Prekull et de Frauenberg. Le 5 janvier 1945, l’enfer se déchaîna près de Libau. Petit David esseulé contre Goliath invincible : le rapport des forces était de un à cinq pour l’infanterie et de un à dix pour les tanks. Durant 48 heures, un Trommelfeuer intense submergea nos défenses. L’infanterie adverse dépourvue d’armes les prélevait sur les innombrables cadavres. Le Russe cherchait à nous couper de nos bases. Bénéficiant d’une incroyable température polaire de -60°C qui congela le bras de mer du Frisches Haf, soixante dix de nos tanks purent s’extraire du piège et s’embarquèrent le 17 janvier 1945 pour Koenigsberg. 
 
Fonçant ventre métallique à terre dans les rues dévastées de Koenigsberg, notre tank percuta un lampadaire qui, tendu comme un arc, m’asséna un retour foudroyant sur le casque. Je vis pour le moins 36 000 étoiles ! Le choc ne m’empêcha pas d’apercevoir de longues rangées de pendus châtiés pour lâcheté par des S.S. très actifs sur les arrières et agissant comme des justiciers impitoyables. Puis embarqués à Pillau, nous arrivâmes à Gottenhafen et nous fûmes expédiés vers la poche de Varsovie, là où en août 1944, les Russes nous avaient laissé faire régner l’ordre, au lieu de tendre leurs mains de libérateurs aux résistants polonais. (Les Polonais savaient se battre et firent merveille dans les combats de rue avant d’être submergés). Face aux armées vengeresses de Joukov et de Koniev qu’un tonnerre-des-dieux accompagnait, il y eut une suite de combats confus sur des positions qu’il fallait âprement défendre. Nous arrivâmes à coup de combats retardateurs le 8 mai à Dantzig où se trouvaient quelque 30 000 blessés. Devant l’intransigeance du Gauleiter Forster, les Russes continuèrent à arroser le terrain. Nous partîmes vers la presqu’île d’Hela grâce au dynamisme du général von Saugen. En catastrophe, nous pûmes quitter la terre ferme sur un ravitailleur pour sous-marins. Stationné sur le pont du navire, je fus grièvement blessé le 12 mai ! (quatre jours après la fin de la guerre !) par des tirs d’avion russe. Nous approchâmes à 5 km des eaux territoriales norvégiennes pour éviter d’autres tirs de représailles russes avant de rallier Flensburg. Le 18 mai, on me transféra à l’hôpital Murvick où je fus opéré. Là-bas, l’explosion d’une énorme mine marine nous causa une dernière grande frayeur. Les platanes de la cour furent effeuillés par le souffle tandis que des éclats meurtriers passèrent par la fenêtre et tuèrent une trentaine de blessés alités. Comme nous avions faim, nous partions quémander des restes aux démineurs du port, les seuls à être copieusement servis par les Britanniques. Bientôt rétabli, je fus parqué par les Anglais sur une jetée du port de Lübeck dont il suffisait à nos geôliers de garder l’entrée. Nous y passâmes quelques jours difficiles et pûmes heureusement attraper et tuer un cheval. Nous le fîmes rôtir dans un baril évidé ; des orties hachées en mousse d’épinards relevèrent la carne. Je retrouvai le 29 août 1945 mon village natal. Né le jour de l’Immaculée Conception, j’ai toujours voué un culte à la Sainte Vierge. Elle a été mon aile protectrice et a écrasé de son pied salvateur tous les dangers qui serpentèrent mon périple. 
 

Muller Aloyse né le 24. 07 . 1925 (frère de Joseph Muller). 
 
« J’ai été incorporé de force dans la Wehrmacht. Après avoir longtemps refusé de signer mon acte d’enrôlement et croupi en prison, j’ai été dégrossi comme recrue dans une garnison du côté de Paris. La vie militaire y était ingrate ; aux yeux de nos supérieurs, seules comptaient les formations de parfait fantassin à inculquer à chaque bleusaille. (cf. récit d’Aloyse Zenner). Je me souviens comme si c’était hier de ce pont improvisé sur la Seine, que j’ai passé chargé comme un mulet, en me hâlant le long d’une corde et pestant contre ma condition militaire. Je partis un beau matin pour la Russie, ou plutôt dans les contrées baltes, exercer mes talents de téléphoniste. Les bottes affublées de pinces, nous marchions tels des pingouins pour aller d’un poteau à l’autre, installer des lignes. J’aimais grimper sur ces mâts ; les crochets fixés aux bottes que nous fichions dans le tronc m’élevaient au-dessus de ces contrées plates à l’infini. Les maquisards communistes nous sabotaient régulièrement les lignes en tronçonnant à intervalles réguliers les poteaux. Pendant que j’étais installé un jour sur mon perchoir, une balle ennemie me perfora les deux jambes. Sans demander mon reste, je filai à cloche-pied, laissant sur place deux camarades lettons qui furent aveuglés par des gaz jaunes qui leur enlevèrent la vue sur-le-champ. Moi-même, irrité par la toxicité du produit, je me traînai vaille que vaille vers l’arrière à travers d’immenses champs de blé. Je réussis à échapper aux T.34 russes en me plaquant sous un pont. Grâce à une boussole, je dénichai des secours. Je fus embarqué dans un train qui fut entièrement transféré sur bateau. Avec plus de 5 000 blessés soignés par quelque 380 infirmières, je quittai Riga pour Leipzig et retrouvai enfin mon village natal, mais aveugle et raccompagné par deux soldats. Adieu donc mon indicatif de téléphone : Anton, Bertha, Caesar, Dora, Emil, Friedrich, Gustav, Heinrich, Ida... je ne vous les dirai pas tous. Der Feind hört zu ! L’ennemi écoute ! lisait-on d’ailleurs sur l’appareil. Je fus rapatrié sanitaire et déclaré invalide. Je mis longtemps à sortir des ténèbres ; je recouvrai progressivement la vue, mais une vue de myope extrême me handicape lourdement depuis cet accrochage. » 
 

Warning: Parameter 2 to modChrome_artblock() expected to be a reference, value given in /var/www/vhosts/malgre-nous.net/httpdocs/templates/templatemalgre_nous/html/modules.php on line 39

Warning: Parameter 3 to modChrome_artblock() expected to be a reference, value given in /var/www/vhosts/malgre-nous.net/httpdocs/templates/templatemalgre_nous/html/modules.php on line 39

© 2015-2024. Tous droits réservés.

Console de débogage Joomla!

Session

Profil d'information

Occupation de la mémoire

Requêtes de base de données